Intervention de Claire Compagnon

Réunion du 10 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Claire Compagnon :

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour vos félicitations sur mon parcours et mes engagements. La question des droits des patients et des victimes est importante pour moi. J'ajoute que je suis confrontée de près à ces questions ayant un enfant malade. C'est donc un engagement personnel extrêmement vivace.

Je partage vos préoccupations en ce qui concerne l'affaire du Mediator. La direction de l'ONIAM m'a donné les statistiques concernant le traitement des dossiers au 31 mai 2015. Elles vous renseigneront sur l'ampleur de la tâche de l'Office pour traiter l'ensemble de ces dossiers. 8 787 demandes ont été déposées à l'ONIAM, dont 495 au titre d'un décès. Le collège qui a été constitué à cette fin et dont vous avez rappelé l'existence s'est réuni 584 fois depuis le 13 décembre 2011. 5 382 dossiers sont passés en commission. 4 389 avis ont été rendus, 2 634 ont été rejetés parce que la pathologie n'était pas imputable au Mediator. 1 388 avis d'indemnisation sont à la charge des laboratoires. Il y a eu 93 constats de désistement et trois défauts de qualité à agir.

Le taux d'avis positifs par rapport au nombre d'avis est de 32 %, ce qui correspond aux évaluations qui avaient été faites.

Comme vous l'a indiqué M. Rance lors de son audition devant votre commission pour le renouvellement de son poste, un changement important a eu lieu au sein du collège d'experts. Dans un premier temps, le collège a appliqué une jurisprudence relativement restrictive. Les victimes devaient démontrer le caractère direct et certain du préjudice, ainsi que le lien de causalité entre le traitement par le Mediator et le préjudice. Cela a restreint de manière très importante le nombre de personnes indemnisées. Pendant cette période, le collège d'experts n'a pas vraiment fait la preuve de sa pédagogie, si je puis dire, auprès de nos concitoyens pour expliquer son action et la difficulté de sa tâche.

Fort heureusement, à la mi-2013, la situation a changé considérablement. La présidence du collège d'experts a été confiée à M. Legoux, premier avocat général honoraire à la Cour de cassation. Sous l'impulsion de ce nouveau président, le collège s'est référé à une jurisprudence plus récente de la Cour de cassation qui permet d'établir le lien de causalité à partir d'un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes. Cela a eu pour conséquence de faciliter l'établissement du lien de causalité pour les victimes, conformément à l'évolution récente des tribunaux dans ce domaine.

Enfin, et vous l'avez souligné comme un risque et une crainte, le travail du collège a été accéléré à l'égard des victimes. Comme je vous l'ai dit, plus 8 500 dossiers de demandes d'indemnisation avaient été déposés devant l'ONIAM. Ce dispositif était donc très lourd. Des mesures ont été proposées visant à améliorer l'organisation et la procédure. Le collège siège désormais deux jours pleins par semaine et vingt salariés de l'ONIAM travaillent auprès de ce collège pour préparer les dossiers. Un effort considérable en termes de fonctionnement du collège et d'organisation de l'ONIAM a été fait pour tenter de répondre à ces demandes extrêmement importantes.

Mais cela n'empêche pas que la question du barème d'indemnisation pour l'ensemble des dossiers qui sont déposés devant l'ONIAM soit d'une actualité extrêmement brûlante. Édouard Couty, le président du conseil d'administration, avait demandé aux services de l'Office et aux services du ministère de procéder à une étude pour vérifier le différentiel entre les indemnisations par la voie judiciaire et les celles proposées par l'ONIAM. Ce travail est en cours. Il a été présenté une première fois devant le conseil d'administration lors de sa dernière séance.

L'autre question qui demeure pendante et à laquelle je vais m'atteler, avec les services de l'ONIAM dès que je prendrai mes fonctions, concerne la revalorisation du barème. À cet égard, je procéderai à une étude d'impact pour mesurer les conséquences financières d'une telle revalorisation. Nous ferons le point, avec la direction de la sécurité sociale au sein du ministère et la direction du Trésor une fois les études d'impact achevées. Nous verrons alors si nous pouvons procéder à une revalorisation du barème dans le cadre des financements de l'ONIAM et bénéficier de dotations supplémentaires dans le budget de 2016. Mais pour le moment, je ne peux pas vous en dire plus parce que je n'ai pas encore pris mes fonctions au sein de l'ONIAM.

Vous avez décidé, dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la création de l'action de groupe en santé. Au vu du parcours qui est le mien, vous imaginez bien que je ne peux que souscrire à cette grande innovation dans le domaine de la santé. L'action de groupe aura-t-elle un impact sur l'activité de l'ONIAM ? Elle comporte deux phases : la reconnaissance de la responsabilité du producteur ou du fournisseur du produit de santé, puis l'étude des préjudices individuels des victimes.

Nous pouvons craindre que cette procédure soit longue. Après avoir fait reconnaître la responsabilité du producteur, il faudra, dans un second temps, faire reconnaître les préjudices individuels. A priori, aujourd'hui cela ne devrait pas avoir un impact majeur sur les sujets qui sont traités par l'ONIAM puisque notre objectif est de procéder à des indemnisations. Je pense que les associations qui seront partie prenante de ces actions de groupe auront toujours un choix à faire : soit orienter les victimes vers l'action de groupe soit les diriger vers le dispositif d'indemnisation amiable. Il vous appartiendra de voir s'il pourrait être intéressant pour le Gouvernement et le Parlement que l'ONIAM puisse prendre part à la résolution amiable des litiges faisant l'objet d'une action de groupe. Pour l'instant, ce n'est pas le choix qui a été fait. J'ai l'impression que le dispositif d'instruction des demandes d'indemnisation, notamment avec l'exemple du Mediator, a constitué une sorte de prototype puisque l'on a assisté à une action portant sur des dommages sériels. Si elle avait existé au moment de l'affaire du Mediator, l'action de groupe aurait très bien pu être déclenchée. Vous avez choisi de créer une voie parallèle mais non exclusive par rapport à la voie judiciaire. Je vous invite à réfléchir, si nous sommes confrontés à de nouveaux risques sériels importants, à la façon dont l'ONIAM pourrait être compétent pour intervenir dans ce type d'action.

La question de la judiciarisation a été abordée à plusieurs reprises par certains d'entre vous. En retraçant mon parcours, je n'ai pas fait état d'une fonction que j'ai occupée jusqu'à ma nomination à l'IGAS : celle de représentante des usagers dans un établissement de santé. J'ai été nommée en 2000 représentante des usagers à l'hôpital Georges-Pompidou, à Paris, au sein du groupe hospitalier de l'AP-HP. Je dois vous dire que je n'ai pas vu cette judiciarisation à l'oeuvre. Aujourd'hui, l'ensemble des plaintes et des doléances qui relèvent du quotidien des établissements de santé font plus l'objet d'une médiation telle qu'elle a été instituée par la loi du 4 mars 2002 que de procès importants. Bien évidemment, il ne faut pas le regretter. L'état d'esprit qui prévalait dans les travaux que vous avez menés, dans le cadre de la loi du 4 mars 2002, était de développer des voies de conciliation et de médiation dans une vision assez constructive et positive des relations qui peuvent exister entre des usagers du système de santé et les professionnels, en particulier les médecins.

Il y a peu de plaintes, il n'y a pas assez de plaintes aujourd'hui. Les personnes victimes d'agissements difficiles dans les établissements de santé qui font une doléance expliquent très clairement le faire, non pour elles-mêmes mais pour que cela ne se reproduise plus dans l'établissement de santé. Bien évidemment, je ne parle pas ici des accidents très graves, uniquement du quotidien de la vie hospitalière. Il y a un peu d'indemnisations sur les pertes de dentiers, les pertes de lunettes, d'objets personnels dans les blocs opératoires qu'on ne retrouve jamais, mais il y a très peu de contentieux.

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