Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 18 juin 2015 à 16h00
Motion de censure

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Certes, nous saluons l’introduction de mesures issues du rapport que la commission spéciale du CNTE a réalisé sur la démocratie environnementale, et notamment l’introduction de la notion de droit d’initiative sur les projets contestés.

Mais pour les écologistes, sur les questions d’écologie, le compte n’y est pas, car ce choix malheureux de traiter une question aussi sensible au milieu d’un tel projet de loi, pour la renvoyer à des ordonnances, demeure un mauvais choix.

Ce mauvais choix est aggravé par la nouvelle rédaction de l’article consacré aux démolitions de constructions illégales. Vous limitez la possibilité de démolition dans l’espace, en excluant l’essentiel du territoire, y compris des espaces qui méritent protection particulière. Vous la limitez dans le temps, en supprimant le délai de six mois pour engager un recours dans toutes les zones du territoire national. Cet équilibre insatisfaisant, trouvé à l’issue de la deuxième lecture en commission, nécessitait clairement d’être retravaillé dans l’hémicycle pour aboutir à une rédaction acceptable.

C’est une aubaine pour certains promoteurs peu scrupuleux, c’est un facteur d’insécurité pour les élus chargés de délivrer les permis de construire, c’est un recul du droit pour les riverains et les associations de protection des paysages : c’est un mauvais coup pour l’environnement. Le tout pour un bénéfice extrêmement faible, puisque des dispositions avaient déjà été prises pour limiter les recours abusifs.

Pour quels bénéfices ? C’est une question qui se pose sur la plupart des dispositions du projet de loi qui ont trait à l’écologie. Quels bénéfices rapides, en termes d’emplois et d’activité, aura la mise en place à marche forcée d’une société de projet pour le financement du canal Seine-Nord ? Chacun s’accorde à reconnaître que les financements nécessaires sont de moins en moins compatibles avec nos capacités d’investissement.

Il y a tout de même un sacré paradoxe à voir ce texte censé favoriser la croissance et l’activité intégrer un projet condamné avec force par Jacques Attali. Vous voyez, je ne suis pas sectaire dans mes références, y compris lorsqu’elles soutiennent une position sur le travail dominical qui n’est pas la mienne.

Je cite sur ce point, et sans la dénaturer, la prise de position de celui auquel les inspirateurs de ce projet de loi se réfèrent si souvent : « La démocratie est ainsi faite que les Parlements et les opinions publiques passent parfois des mois, sinon des années, à discuter de sujets absolument mineurs, et zéro minute sur des sujets structurants pour des siècles l’avenir d’un pays : Ainsi du choix entre la création d’un canal Seine Nord et le renforcement du port du Havre, un des choix majeurs, qui devait être fait durant ce quinquennat et qui a été fait de la pire des façons, dans la forme comme sur le fond. »

Chaque jour, dans les territoires concernés, y compris dans des familles politiques peu suspectes de connivence avec les écologistes – je pense par exemple à Édouard Philippe – des interrogations surgissent sur le sens, l’utilité et la faisabilité de ce projet pharaonique.

Quel besoin avait-on de mettre ce sujet sur la table, lorsque l’enjeu est de mettre en oeuvre des mesures ayant un effet rapide et concret sur l’activité et l’emploi, et que, s’agissant de ce choix d’équipement, il est aussi de rassembler ? Et quel besoin de le faire ainsi, en force, alors que le débat démocratique n’a pas réellement eu lieu sur le sujet ?

La même question pourrait d’ailleurs se poser pour la ligne Charles de Gaulle express en Île-de-France.

Vous nous aviez annoncé un projet de loi novateur, réformateur, constitué de mesures simples, concrètes et rapidement mises en oeuvre pour accélérer une reprise de l’activité et le développement de l’emploi. Les services de Bercy n’ont pas pu s’empêcher d’y ajouter des dispositions colbertistes et budgétivores, ce n’est pas le moindre des paradoxes. Ce paradoxe s’ajoute à l’incohérence patente entre le contenu environnemental de ce projet de loi – qui comporte par ailleurs des dispositions positives pour le développement des énergies renouvelables – et les déclarations du Président de la République en janvier sur la démocratie environnementale.

Pour prendre un autre exemple, franchement, quel intérêt présente pour l’emploi et l’activité le fait de réduire par quatre les délais dont disposent les associations environnementales pour déposer un recours contre des projets d’installations classées, notamment en matière d’agriculture industrielle ? Ces projets se développent trop souvent au détriment de l’emploi agricole existant, au détriment de l’environnement ou encore au prix de risques sanitaires qui auront, eux, des conséquences financières sur le long terme.

Ce n’est pas en les favorisant, mais bien en en renforçant l’acceptabilité économique, environnementale et citoyenne qu’on créera les conditions d’une croissance vertueuse et durable. En voulant traiter trop de sujets, on risque, sur chacun d’entre eux, l’imprécision et la maladresse.

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