Intervention de Luc Chatel

Réunion du 16 juin 2015 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLuc Chatel :

Merci Monsieur le président et Madame la Rapporteure, c'est en tant que président du groupe d'amitié France-Maroc de notre Assemblée que je voudrais exprimer mon avis et l'avis, que Pierre Lellouche a exprimé, du groupe des Républicains. C'est un texte important que nous examinons pour l'amitié entre la France et le Maroc. Je rappelle d'ailleurs que notre groupe d'amitié est le plus nombreux de l'Assemblée nationale, ce qui témoigne de l'importance de nos collègues dans l'amitié entre nos deux peuples. Vous avez bien expliqué Madame la Rapporteure le fait générateur et les conséquences de ces incidents, car il y en a eu plusieurs en quelques mois.

Le premier – et j'irai un peu plus loin que mon collègue Pierre Lellouche – est un mélange de maladresse et de malveillance. Faire croire que c'était anodin, le fruit du hasard, que sept policiers armés en tenue de combat viennent frapper à la porte de la Résidence de l'Ambassadeur en présence du ministre de l'Intérieur marocain qui ce jour-là même était en réunion avec son homologue français pour échanger des informations importantes dans le cadre de la lutte anti-terroriste. C'est à mon sens plus qu'une maladresse et je comprends que pour nos amis marocains cela ait pu être perçu comme une malveillance. Il y a eu ensuite d'autres incidents qui étaient vraiment des maladresses indépendants de cet acte. Je pense à ce qui est arrivé au ministre des Affaires étrangères marocain, à ce qui est arrivé à un ancien général au Val de Grâce. Je ne peux pas ne pas évoquer les propos malheureux de notre Garde des Sceaux après les évènements du 11 janvier à l'égard du Roi du Maroc, qui n'ont pas contribué là aussi à apaiser les choses vis-à-vis de nos amis Marocains.

Il fallait sortir de cette situation, de cette brouille car c'était une brouille. Nos amis Marocains ont été meurtris comme d'un ami qui vous a fait défaut, ils se sont sentis blessés, trahis et nous avons sans doute sous-estimé cela en France. Il y a eu au Maroc un état de blessure, un sentiment d'affront très important que nous n'avons pas suffisamment perçu en France. Il fallait tourner le dos, reprendre les relations car vous avez rappelé le manque qui existait en matière de coopération judiciaire dans la lutte contre le terrorisme, qui était préjudiciable. Je veux saluer les initiatives qui ont été menées pendant cette année de gel. Je veux saluer les membres du Groupe d'amitié France Maroc car la diplomatie parlementaire a joué pleinement son rôle. Je rappelle qu'au-delà des contacts informels avec les ministres et nos homologues, nous avons accueilli formellement nos Collègues du groupe d'amitié Maroc-France en décembre, au coeur de la France. Nous nous sommes expliqués et nous avons co-signé une déclaration commune où nous demandions à nos gouvernements respectifs de reprendre et de renforcer la coopération entre nos deux pays, notamment dans le domaine judiciaire. Nous exhortions nos gouvernements à renouer au plus vite les fils du dialogue. J'avais d'ailleurs eu l'occasion d'interpeller le ministre au cours d'une séance de questions d'actualité en janvier dernier car, au nom du groupe d'amitié, je pensais que c'était important de reprendre l'initiative.

Il y a eu les discussions, et vous y avez participé Madame la Présidente, et il y a eu la rencontre des ministres de la Justice les 29 et 30 janvier, qui ont permis de sceller cet accord, qui doit nous permettre de tourner définitivement le dos à cette brouille. Je crois que l'approbation de cet accord est très importante, car avant d'être un acte juridique, c'est un acte politique très fort entre nos deux pays. Vous avez rappelé l'importance des relations entre nos deux pays. Relations économiques bien sûr : la France est engagée dans le développement de grands projets au Maroc. Je pense à ce qui se passe dans le domaine de l'énergie, des infrastructures de transport. Nous avons aussi des intérêts communs et partageons la même vision du monde, la même vision d'un espace méditerranéen sûr et prospère, la même tradition de dialogue entre les cultures et c'est essentiel dans le chaos que nous traversons aujourd'hui. Le Maroc nous a soutenus lors de l'intervention de la France au Mali. Il est aujourd'hui à nos côtés dans la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Il est pour nous un exemple en matière de formation des Imams – vous l'avez rappelé tout à l'heure. Je rappelle que 50 places ont été réservées à l'Institut Mohamed VI à la formation des Imams français. Au moment où les uns et les autres nous réfléchissons à la place de l'islam dans la République, nous devons être attentif à ce qui s'est construit dans la société marocaine où la religion est conçue dans le respect et la tolérance, dans une forme d'équilibre et de stabilité qui doit aussi nous inspirer.

Nous devons tourner le dos à cet incident. Vous avez décrit le contenu de ce protocole. Nous avons entendu depuis plusieurs semaines quelques critiques ici ou là et vous y avez fait référence. Je considère pour ma part que le protocole ne bouleverse en rien ce qui existe déjà. Ce protocole additionnel vise simplement à améliorer, à faciliter la transmission d'informations judiciaires entre la France et le Maroc. Il n'entraine aucune redéfinition des compétences entre le juge français et le juge marocain. Il ne remet aucunement en cause les engagements internationaux de la France et il ne conduira à aucun dessaisissement systématique des juridictions françaises. Bien sûr il soulève des interrogations parce que c'est une exception. En même temps, la coopération judiciaire entre la France et le Maroc constitue une exception, puisque elle est un volet essentiel de la collaboration judiciaire au monde avec un pays étranger, en nombre de coopérations et dans le cadre de la lutte anti-terrorisme elle est très importante. Jusqu'en février 2014 notre partenariat a toujours bien fonctionné. Il n'y a donc aucune raison pour qu'il en aille autrement à l'avenir.

Je crois que nos amis marocains ont d'abord aujourd'hui besoin d'une preuve de confiance, que nous montrions que nous croyons en l'amitié entre le Maroc et la France. Ils ont besoin de ce sentiment de respect et d'amitié et attendent de notre part un signe politique fort. C'est la raison pour laquelle je considère qu'il est important de ratifier ce texte, au nom du groupe d'amitié France-Maroc mais aussi au nom du groupe des Républicains.

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