Intervention de Pierre Joxe

Réunion du 12 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Pierre Joxe :

C'est moins une question de confiance que le fait que nous nous sommes habitués à vivre dans un régime présidentiel où les pouvoirs sont concentrés et où la justice est faible.

J'ai moi-même – et j'en ai honte – longtemps ignoré le droit social. À l'époque où j'étais député, je faisais en sorte de toujours tenir mes permanences en même temps que celles de l'assistante sociale, à qui je renvoyais les cas les plus compliqués, assuré qu'elle leur apporterait une meilleure réponse. Cela m'a certes fait gagner du temps, mais j'ai perdu une occasion de m'instruire.

Je n'oserais pas plaider devant un tribunal des affaires de sécurité sociale où se pratique un droit compliqué, changeant et soumis à des jurisprudences régionales très différentes. Beaucoup d'affaires ne vont ni en appel ni en cassation, ce qui, dans certains domaines, et non des moindres, interdit l'émergence d'une jurisprudence unifiée sur le territoire. Ainsi, la situation des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance peut varier du tout au tout d'une région à l'autre. En matière sociale, il n'y a pas de droit national et, avec les compétences déléguées aux départements, il n'y aura bientôt plus non plus de politique sociale nationale.

Si l'on songe que les affaires plaidées aux assises ne représentent que 2 000 cas par an contre 1 million de contentieux qui se règlent devant les juridictions sociales, on comprend dans quelle mesure doivent être affectés à ces juridictions des magistrats parmi les plus respectés et les plus compétents, car ce sont eux qui traitent des problèmes qui concernent le plus une société où la misère humaine est plus importante que le crime.

Mais j'ai bon espoir que nous puissions évoluer, ne serait-ce que parce que le système français souffre d'un tel retard qu'il provoque l'incrédulité de nos voisins. Et je ne parle pas ici des pays scandinaves, protestants et sociodémocrates depuis trois générations, mais de nos voisins les plus proches : l'Allemagne et son passé nazi, la Belgique, partagée entre deux peuples, et la Suisse, où l'on parle quatre langues. Je suis confiant et souhaite que l'avenir donne raison à mon livre, dans les vingt ans qui viennent, je l'espère.

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