Intervention de Denis Salas

Réunion du 12 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Denis Salas :

Vous avez raison. Les poursuites sont un moment capital dans la décision de justice. C'est le moment où tout apparaît, où rien ne peut être caché et où l'irréversible se produit.

Actuellement, c'est vrai, la politique pénale est prise par voie de circulaires. Malgré tout, de ce point de vue, il y a eu des évolutions. Le programme « La justice du XXIe siècle » de Christiane Taubira, les rapports, les commissions s'inspirent de certains modèles étrangers. Vous avez évoqué le Royaume-Uni. Pour ma part, je pense aux Pays-Bas ou à la Belgique où, précisément, des conseils, des conférences de politique pénale – ouvertes au public – permettent aux professionnels de délibérer ensemble des choix de politique pénale, par exemple en matière de lutte contre le terrorisme.

Bien qu'elles ne soient connues que des spécialistes, ces initiatives soulignent la nécessité d'une interface démocratique à la décision politique. Car nous sommes tous concernés. Si je reprends l'exemple de la lutte contre le terrorisme, ce sont nos libertés qui sont en jeu. En vue de la loi sur le renseignement, on aurait pu imaginer d'organiser une délibération collective dans le cadre de l'un de ces conseils de politique pénale à la belge ou à la néerlandaise, où tous les points de vue se seraient affrontés en toute transparence, et d'où auraient pu émerger des décisions. La question de la définition de la politique pénale mérite d'être posée à un niveau autre que le normatif : celui de l'exigence démocratique.

Enfin, il est exact que certains pays, comme les États-Unis, l'Espagne ou l'Allemagne, n'ont pas de parquet. Mais ce sont des pays où le pouvoir judiciaire est fort, et où la culture de l'État de droit irradie la démocratie. Cela n'a rien à voir avec ce qui se passe en France, où nous avons besoin de toutes nos forces pour nourrir un État de droit qui en a bien besoin. Ainsi, on peut séparer les carrières pour différencier un peu les positions. Mais n'excluons personne de la construction d'une justice indépendante : nous aurons besoin de tout le monde.

2 commentaires :

Le 09/03/2017 à 11:30, Laïc1 a dit :

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"Enfin, il est exact que certains pays, comme les États-Unis, l'Espagne ou l'Allemagne, n'ont pas de parquet. Mais ce sont des pays où le pouvoir judiciaire est fort, et où la culture de l'État de droit irradie la démocratie."

Hé oui, nous, ce serait plutôt la culture du non-droit qui irradie notre absence de démocratie...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 09/03/2017 à 11:42, Laïc1 a dit :

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"Mais n'excluons personne de la construction d'une justice indépendante : nous aurons besoin de tout le monde."

Les magistrats ont-ils vraiment l'intention de créer une justice indépendante ? N'ont-ils pas été éduqués dans un système où la subordination du pouvoir judiciaire au pouvoir politique est une habitude de vie, une seconde nature ? C'est une révolution culturelle qu'il faudrait faire, et personne n'en a la volonté.

D'un autre côté, la jurisprudence donne au pouvoir judiciaire une emprise énorme sur la construction de la loi, plus fort parfois que le pouvoir politique. C'est alors le pouvoir politique qui est subordonné au pouvoir judiciaire, et le pouvoir politique n'a pas également la volonté, ni les moyens culturels, de se défaire de l'emprise du pouvoir judiciaire. Il y a donc une double dépendance à laquelle il paraît pour l'instant difficile de remédier, car tout le monde semble s'en accommoder. Pas les vrais démocrates en tout cas.

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