Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 15h00
Renseignement — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Nous arrivons à la fin de l’examen du projet de loi relatif au renseignement. Nous devons nous prononcer aujourd’hui sur ce texte, dans un contexte particulier, qui fait suite aux révélations de WikiLeaks, de Libération et de Mediapart.

WikiLeaks a révélé aujourd’hui que nos trois derniers présidents étaient sur écoute des services secrets américains. C’est diplomatiquement inacceptable entre pays officiellement alliés. Certains ont dit que la publication de ces informations, précisément aujourd’hui, relèverait de la manipulation. Sachez que le groupe écologiste ne vote ni en fonction de l’actualité, ni en fonction des pressions. Nous sommes en revanche attentifs aux arguments étayés que nous transmettent les citoyens, notamment lorsque ces derniers sont juges, avocats, chercheurs ou responsables de la sécurité informatique du pays.

Chers collègues, les révélations de WikiLeaks, puis d’Edward Snowden, ont eu lieu il y a plus de deux ans, et rien de ce qui a été annoncé aujourd’hui par Mediapart et Libération n’est une nouveauté : les États-Unis d’Amérique pratiquent une surveillance généralisée mondiale.

Dès le début de la discussion, notre groupe a souligné que ce projet de loi n’était pas un texte de circonstance. La nécessité d’un encadrement de l’activité de la communauté du renseignement est urgente et nécessaire. Le rapport de notre rapporteur le met en évidence et le souligne justement : les services de renseignement disposent aujourd’hui de moyens juridiques morcelés, issus d’une lente sédimentation de dispositions législatives, sans cadre général.

On compte la loi du 10 juillet 1991, qui offre un cadre juridique aux interceptions de sécurité ; celle du 23 janvier 2006 sur l’accès aux données de connexion pour la prévention du terrorisme ; celle du 18 décembre 2013, qui unifie les régimes d’accès aux données de connexion et la géolocalisation en temps réel ; et, enfin, les lois de 2012 et de décembre 2014, destinées à lutter contre le terrorisme, sans oublier l’article 20 de la loi de programmation militaire et son dispositif unifié de recueil administratif des données de connexion. Unifier le cadre et soustraire bon nombre de pratiques à l’illégalité et aux zones grises est indiscutablement nécessaire. Mais si l’urgence à légiférer est une réalité, en matière législative, il ne faut pas la confondre avec la précipitation.

En la matière, il eût été nécessaire d’être plus prudent et plus précis. Les derniers amendements déposés par les rapporteurs et le Gouvernement montrent que le compromis élaboré par la CMP souffre de défauts. Sergio Coronado a déjà pu dénoncer l’amendement qui visait à exempter la surveillance des étrangers sur le territoire français du contrôle de la CNCTR. Cette disposition va, et c’est heureux, être supprimée.

Nous regrettons aussi l’atteinte de dernière minute qui est faite à la protection des lanceurs d’alerte par l’amendement gouvernemental no 7, qui est tout sauf un amendement de précision. La protection des lanceurs d’alerte était pourtant une des avancées de nos travaux dans l’hémicycle.

Au-delà, plusieurs éléments ont amené la majorité du groupe écologiste à rejeter ce texte à l’Assemblée comme au Sénat.

Il y a tout d’abord l’extension des finalités du renseignement. L’accès aux techniques spéciales pour recueillir des renseignements liés à la promotion des intérêts majeurs de la politique étrangère, à l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et à la prévention de toute forme d’ingérence étrangère est une extension assez importante par rapport à la loi de 1991.

J’ai donc du mal à comprendre que l’on puisse s’offusquer de la surveillance des USA tout en votant un projet de loi qui donne la même doctrine et les mêmes moyens à nos propres services de renseignement.

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