Intervention de Marc Le Fur

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 15h00
Renseignement — Texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, président :

La parole est à M. Lionel Tardy.

Dans la même veine, je dois dire que contrairement à ce qu’indique son exposé sommaire, cet amendement n’est effectivement pas « de précision ». Il remet en question le dispositif prévu pour les lanceurs d’alerte : c’est très clairement un pas en arrière. En effet, selon le texte issu de la CMP, l’agent lanceur d’alerte peut, lorsqu’il y a une illégalité bien sûr, faire état devant la CNCTR d’informations secret défense ou susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnels. C’est ce qui semble vous poser problème : la partie sur la sécurité des personnels et le déroulement des missions. Cependant, avec cet amendement à la fausse qualification, vous supprimez l’ensemble de l’alinéa, et donc la possibilité pour le lanceur d’alerte de donner des informations confidentielles mais utiles à la CNCTR. Vous sapez tout l’édifice.

Pourquoi ce pas en arrière ? C’est incompréhensible. Le Snowden français va devoir se cacher, si un jour il existe – et ce projet de loi lui donnerait matière à exister. C’est regrettable. L’expérience américaine, justement, aurait dû nous instruire, ce qu’elle n’a visiblement pas fait. Compte tenu de l’actualité, comment peut-on raisonnablement défendre cet amendement ? Ce n’est pas parce qu’on n’a rien à cacher qu’on n’a rien à craindre, à mon avis, et le Président de la République doit être d’accord avec ce point de vue. Si cet amendement est adopté, vous réussirez l’exploit d’aggraver ce texte qui pose déjà des questions sur le plan juridique. On a beau s’attendre au pire, il nous surprendra toujours.

Je souhaite terminer sur un simple exemple. Au-delà de l’aspect technique, qui rendra potentiellement inefficaces et contre-productifs des dispositifs comme les boîtes noires, nous devons une nouvelle fois nous méfier des abus qu’un pouvoir politique peu scrupuleux pourrait – j’ai bien dit « pourrait » – faire de cette loi. Rien n’empêche ainsi le suivi d’un parti politique ou d’un syndicat, et je vais le prouver rapidement.

Si le Gouvernement estime, par exemple qu’un tel groupement risque de porter atteinte à la forme républicaine des institutions, soupçon plus que flou, il pourra le surveiller. L’avis de la CNCTR n’étant pas contraignant, celle-ci aura beau se prononcer contre cette surveillance, cela n’y changera pas grand-chose. Il en ira de même si elle saisit le Conseil d’État : en attendant que celui-ci se prononce, la surveillance aura lieu. Quant au justiciable, vous me direz qu’il pourra aussi saisir le Conseil d’État… mais à la condition bien entendu qu’il sache qu’il est surveillé, ce qui, par définition, n’est pas évident !

Voilà pourquoi la surveillance politique est un abus rendu possible par ce texte, et voilà l’une des raisons pour lesquelles il ne faut pas accepter cet amendement.

La parole est à M. Pouria Amirshahi.

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