Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 21h50
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Mais nous voilà aujourd’hui enfin réunis pour discuter de cela – et de bien d’autres choses.

Le projet de loi visait initialement à transposer des décisions-cadres et des directives de l’Union européenne. En la matière, nous sommes tous d’accord, nous sommes en retard, même si des efforts ont été faits – qui ne datent pas d’hier : une accélération avait été tentée et partiellement réussie au cours de la précédente législature. Nous n’allons pas nous rejeter éternellement la responsabilité de ce retard, mais si des textes datant de 2008 et 2009 n’avaient pas été transposés en 2011 et 2012, comme ils auraient dû l’être, pourquoi avoir attendu trois années supplémentaires pour le faire ? Je pense – et certains collègues sont eux aussi intervenus en ce sens – qu’il faudra que nous, aussi bien Parlement que Gouvernement, fassions collectivement preuve de plus de volonté si nous ne voulons pas prendre trop de retard en la matière.

D’autant que la question dont il s’agit est importante, et tient au coeur de nombreux parlementaires, sur tous les bancs. La dynamique engagée lors du Conseil européen de Tampere en 1999 répondait à une belle idée : celle d’instituer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union européenne. Comme nombre de mes collègues, j’ai été particulièrement attentif aux premières étapes : la création d’Eurojust, puis les dispositions tendant à rendre plus cohérentes, plus efficaces et mieux structurées les actions menées par Europol et Eurojust. L’ambition finale, dont nous attendons toujours la concrétisation, est de créer un parquet européen travaillant le plus efficacement possible en vue de lutter contre toute forme de criminalité à l’intérieur des frontières de l’Union, mais aussi d’assurer la protection des données personnelles, civiles et commerciales. Tous ces sujets sont importants. Nous avançons : raison de plus pour ne pas prendre du retard.

Je ne reviendrai pas sur le contenu des trois décisions-cadres qui devaient, initialement, être l’objet exclusif du projet de loi. Je dirai simplement quelques mots sur le troisième texte, relatif à la prévention et au règlement des conflits, qui vise à favoriser – sans pour autant résoudre tous les problèmes – l’application du principe « non bis in idem » : en l’absence de contrainte conduisant au dessaisissement automatique d’un État au profit d’un autre, la procédure qui aboutira la première sur une condamnation définitive sera prise en compte par l’État ayant ouvert une procédure parallèle.

Le Sénat a accepté d’introduire dans le texte des dispositions figurant dans deux autres directives européennes, qui auraient dû être transposées au plus tard fin 2015. Nous sommes donc dans les clous, et nous ne pouvons que vous en donner acte.

Jusque-là, tout va bien : il y a un sujet, des textes à transposer, et cela est plutôt bien fait. On aurait pu s’arrêter là.

Mais il y eut aussi quelques bizarreries. La première concernait les modifications que vous souhaitiez apporter au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Que cela venait-il faire dans ce texte ? Il s’agissait d’une directive communautaire qui aurait dû être transposée au mois de décembre 2013. La commission des lois s’est montrée fort sage – et j’en remercie son président et le rapporteur –, puisqu’elle a opportunément estimé qu’il fallait supprimer ces dispositions, qui n’avaient pas leur place dans le texte.

Et puis, il y a ce que vous avez fait au Sénat, et qui n’était pas anodin. Vous avez en effet voulu introduire deux dispositions par voie d’amendements – lesquels, fort heureusement, n’ont pas été adoptés. Le premier amendement visait à soumettre aux garanties de l’audition libre les auditions conduites par des fonctionnaires dotés de prérogatives d’officiers de police judiciaire. Quant au second, il ne concernait rien de moins que le statut du juge des libertés et de la détention. Heureusement que tout cela n’a pas abouti !

Il y eut aussi, monsieur le rapporteur, – vous en êtes à moitié pardonné puisque vous l’avez reconnu en commission – ce que vous avez vous-même appelé votre « petit forfait » : vous avez pris l’initiative d’inclure dans le texte des modifications de la procédure pénale au regard, non pas du droit européen, mais de certaines réalités.

C’est ainsi que, bien que le Sénat ait déjà délibéré, quatorze articles additionnels ont été adoptés en commission – excusez du peu ! Il eût été plus pertinent de faire autrement, notamment de ne pas utiliser une procédure dont on a vu qu’elle n’était pas si accélérée que cela. Tout cela n’est pas très sérieux.

Si certaines des dispositions qui ont été ajoutées nous paraissent bonnes, ce n’est pas le cas de deux nouveaux articles : l’article 5 octies, qui permet la conversion des peines d’emprisonnement de six mois au plus en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale, et l’article 5 quaterdecies, qui prévoit la prise en compte de la surpopulation carcérale par le juge de l’application des peines dans l’octroi des réductions supplémentaires de peines. Nous sommes clairement en désaccord sur ce point ; vous l’assumez, et nous aussi. Il est regrettable que ce véhicule législatif serve de cheval de Troie pour introduire de telles dispositions.

Le présent texte ne posait pas de difficulté particulière dans sa version initiale, mais cela a changé au fur et à mesure des ajouts que vous avez faits. Dans l’attente de l’examen des amendements, et des nôtres en particulier, nous resterons par conséquent sur une position prudente, voire un peu réticente, qui pourrait se concrétiser par une abstention non violente,

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