Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 21h50
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Après l'article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Permettez-moi d’abord de remercier le Gouvernement d’avoir soutenu l’amendement de mon collègue de Ganay, défendu il y a un instant par mon ami Guy Geoffroy. Je crois que c’est un progrès, qui montre qu’il n’y a pas de problème idéologique ou politique entre nous sur cette question clé qui est la protection des enfants contre les prédateurs sexuels dans les lieux où ces enfants sont éduqués, que ce soit l’éducation nationale ou ailleurs. Aujourd’hui, ils sont exposés, ne serait-ce que par le changement des rythmes scolaires, à toutes sortes d’éducateurs dont on sait qu’il est parfois compliqué de les recruter, surtout dans les grandes villes.

Si vous m’autorisez un mot sur la discussion précédente, c’est-à-dire sur l’information avant la condamnation, je pense, madame la garde des sceaux, parce qu’il y a des principes fondamentaux qui concernent les droits de l’homme et donc les droits de la défense, que tout ce qui concerne l’information pendant la phase d’enquête et même, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, pendant la phase de poursuite ne tiendra pas en termes de constitutionnalité. Il y a, tout simplement, des droits fondamentaux, qui sont les droits de la défense, et, quand vous faites une enquête ou même quand vous déclenchez des poursuites, vous n’êtes pas sûr que la personne soit coupable. Instaurer une sanction grave, consistant à l’écarter de sa profession, pose un problème de constitutionnalité, j’en prends devant vous le pari.

J’en viens très rapidement à l’approche que je vous ai proposée, qui consiste à taper non pas avant mais après la condamnation, et à le faire non pas sous l’angle de la transmission de l’information mais sous celui de l’interdiction d’exercer. La vraie faille, dans notre système, ce n’est pas la circulaire de 2001, mesdames les ministres, ce n’est pas le fait que les circulaires ne sont pas appliquées, c’est que la sanction principale, dans ce genre d’affaires de prédateurs sexuels à l’école, doit être de sortir ceux-ci du milieu scolaire, ce doit être l’interdiction d’exercer. C’est là qu’il faut taper.

L’information, c’est une chose, mais ce qu’il faut c’est cette peine d’interdiction d’exercer. Prévue par le code pénal aujourd’hui, elle n’est que facultative et peut n’être que temporaire. Cela me paraît totalement décalé par rapport à ce que nous avons vécu, y compris, par exemple, au mois de mars dernier – un chef d’établissement condamné a pu continuer à être un prédateur bien des années après !

Cela veut dire que, dès lors qu’une personne est condamnée – il s’agit non pas d’une suspicion mais d’une condamnation –, le juge doit prononcer en même temps l’interdiction définitive d’exercer dans le milieu scolaire, avec les enfants, parce qu’un prédateur sexuel recommence toujours, toutes les enquêtes le montrent. Le problème n’est plus un problème d’information, c’est un problème de sanction pénale immédiate.

Et, le principe d’individualisation de la peine étant maintenu, si le juge décide de ne pas appliquer cette peine complémentaire, alors il doit expliquer pourquoi à ses yeux la personne condamnée ne représente plus un danger pour les enfants. Voilà ce que, pour ma part, je vous ai proposé modestement. J’aurais souhaité y travailler davantage avec votre cabinet, madame la garde des sceaux, parce que je crois que c’est probablement là l’un des plus efficaces leviers dont nous disposions pour résoudre ce problème tragique auquel sont confrontées beaucoup de familles dans notre pays.

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