Intervention de Chantal Guittet

Séance en hémicycle du 25 juin 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Guittet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, j’avais, en première lecture, salué ce projet de loi qui a le mérite de réformer notre système d’asile. Je ne ferai pas de même s’agissant des modifications apportées par le Sénat. Celles-ci sont, pour la majorité d’entre elles, tout bonnement inacceptables ; le texte en sort dénaturé et vidé de sa substance. Au diapason de la précédente majorité, le Sénat nous renvoie un texte affublé de dispositions caricaturales qui ne corrigent pas les défauts de notre système d’asile. Dans ces conditions, la commission mixte paritaire a logiquement échoué.

Les conditions matérielles de l’exercice du droit d’asile ne nous permettent plus d’accueillir, comme nous le souhaiterions, celles et ceux qui ont un réel besoin de protection. Attention : ces dysfonctionnements ne doivent pas être imputés aux demandeurs d’asile ; c’est notre système qui est inadapté, et il faut le réformer.

Les événements tragiques qui se sont déroulés ces derniers mois, et en particulier ces dernières semaines, où l’on a assisté à la mort de milliers de migrants lors de traversées décidées au mépris de toute sécurité, ont démontré qu’il était nécessaire de faire également avancer l’harmonisation des législations et des pratiques européennes dans un domaine où chacun sait que la solution ne peut être strictement nationale.

Nous devons éviter tout amalgame. Il ne faut pas confondre politique d’asile et politique d’immigration : ce sont deux champs bien distincts de l’action publique. Ceux qui s’aventurent sur ce terrain le font souvent dans un but politicien, tendant à faire croire que la France accueille « toute la misère du monde ». Or, si le nombre des demandeurs d’asile en France a presque doublé entre 2007 et 2013, pour s’élever à près de 65 000, ils sont 173 000 en Allemagne ! Nous sommes donc loin de crouler sous le poids des demandes d’asile, comme on voudrait nous le faire croire. Je vous rappelle, chers collègues, que la France n’est que le neuvième pays d’accueil. Sans pastiche aucun, il va de soi qu’aucun demandeur d’asile ne recourt à cette procédure « de gaieté de coeur ».

Cette procédure fait suite au départ, souvent précipité mais toujours nécessaire, d’une personne contrainte de fuir sa terre natale, de quitter un pays dans lequel sa vie même est en danger, et de le faire dans des conditions souvent risquées. La réduction des délais de traitement des demandes pour redonner un vrai sens au droit d’asile et l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile sont des promesses faites par François Hollande au cours de sa campagne présidentielle. Aussi la gauche entend-elle réformer efficacement et avec humanité un système d’asile en crise.

Alors, quand le Sénat s’attache à réduire tous les délais – délai de recours, de validité de la carte de séjour temporaire, délai pour la qualification de demandes tardives –, il aggrave de manière significative la précarité de la situation des demandeurs. La réduction des délais de procédure ne va-t-elle pas à l’encontre même du droit d’asile ? Celui-ci a pour objet de protéger des personnes en leur proposant une sécurité, une pérennité sur le territoire. C’est bien là la vocation de la France, terre d’accueil. Face à cette détérioration inconcevable, il s’agit bien sûr de retrouver l’équilibre qui avait été adopté en première lecture dans cet hémicycle.

Quand enfin, le Sénat annule les dispositions relatives à l’identification et à la prise en compte des vulnérabilités, la disposition sur la possibilité d’accéder au marché du travail au bout de neuf mois si l’OFPRA n’a pas statué ou encore une disposition sur la révision régulière des pays d’origine sûrs, cela traduit une méconnaissance de ce que doit être le droit d’asile. Confondre rejet d’une demande d’asile et obligation de quitter le territoire français revient à confondre une nouvelle fois asile et immigration.

Alors, le Gouvernement propose aujourd’hui une réforme globale du système, conçue à partir d’une large concertation qui associe tous les acteurs – administrations, associations, usagers – et toutes les parties prenant part au traitement des demandes d’asile.

Pour ma part, je trouve que cette réforme est conforme à l’idée d’une France ouverte, juste et humaine. C’est pourquoi je vous invite tous à voter pour ce projet républicain, qui est fidèle à notre héritage révolutionnaire.

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