Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Débat préalable au conseil européen des 13 et 14 décembre 2012

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes :

La croissance : voilà ce que nous voulons faire !

Ensuite, nous voulons travailler à la remise en ordre de la finance. Contrairement à ce que veulent démontrer certaines théories parfois sommairement développées, y compris dans cet hémicycle, une grande partie de la crise à laquelle l'Europe est confrontée ne résulte pas de la crise des dettes souveraines. Non : la crise de l'Europe résulte du fait que la finance devenue démente et la spéculation désormais sans limite ont conduit les banques à procéder à des investissements spéculatifs hasardeux qui les ont amenées à disposer dans leur actif de produits qui n'étaient pas ceux que l'on utilise généralement pour financer l'économie réelle. Par conséquent, nous avons été confrontés à une véritable crise bancaire qui a nécessité une recapitalisation des banques, parce que ces dernières n'étaient plus en situation de financer l'économie réelle, et que le désordre qui s'était emparé des banques et des marchés financiers avait engendré dans l'ensemble de l'économie européenne un désordre justifiant qu'on y mette fin.

C'est la raison pour laquelle la France a souhaité, lors du Conseil européen de juin, que l'on engage résolument l'Europe sur la voie de l'union bancaire, c'est-à-dire de la supervision de toutes les banques européennes, afin que les désordres ayant conduit aux errements d'hier ne soient plus possibles demain. Cette supervision bancaire doit s'accompagner d'un système de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts des épargnants, de sorte que l'union bancaire puisse offrir à l'économie européenne un système financier stabilisé, transparent, à même de financer durablement l'économie réelle.

Après le Conseil européen de juin qui avait arrêté le principe de la supervision bancaire et de la recapitalisation des banques par le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds européen de stabilité financière, après le Conseil européen d'octobre qui avait stabilisé la supervision bancaire dans son périmètre, la supervision de toutes les banques, et dans ses modalités, la supervision par un acteur unique, la Banque centrale européenne, nous insisterons, lors du Conseil européen de la fin de la semaine, sur la nécessité de consolider cet édifice en faisant en sorte que la supervision bancaire soit définitivement arrêtée et stabilisée dans ses modalités et dans son calendrier. Cela suppose que la Commission européenne soit en situation de présenter au Parlement, en vue de leur adoption, la totalité des textes législatifs établissant les fondements de la supervision bancaire, et que nous soyons capables de prolonger la mise en oeuvre de la supervision bancaire par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts.

Voilà pour la croissance, voilà pour la remise en ordre de la finance. Il nous faut poursuivre, encore et toujours, avec la volonté de réorienter en profondeur l'Europe vers le chemin de la solidarité et de la démocratie.

Sur le chemin de la solidarité, d'abord. Nous voyons bien que la crise qui vient de se dérouler est non seulement une crise de la finance devenue démente faute de régulation, mais aussi une crise de la solidarité au sein de l'Union européenne. Plusieurs idées seront évoquées à la fin de la semaine par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, en vue d'ouvrir un chemin ambitieux pour l'union économique et monétaire. Parmi les idées qui figurent dans la feuille de route d'Herman Van Rompuy, j'en évoquerai trois.

Je commencerai par l'idée de la contractualisation, qui doit permettre aux États de conventionner entre eux et avec les institutions européennes pour faire converger les politiques économiques, ce dont l'Europe a résolument besoin. Mais la contractualisation ne peut pas présenter seulement des nouvelles logiques disciplinaires. Elle doit permettre aux pays qui le souhaitent d'engager des réformes structurelles, mais aussi favoriser la croissance et la compétitivité. Très concrètement, cela signifie que la contractualisation doit comporter non seulement une voie ouverte aux réformes structurelles, parce que les États pourraient souhaiter les mettre en oeuvre, mais aussi des opportunités pour financer de la croissance et des investissements structurants de compétitivité dans les domaines de la croissance verte, de la numérisation du territoire ou des transports.

Tous ces sujets stratégiques pourront, demain, contribuer à renforcer l'Europe dans ses chances de surmonter la crise.

Il faut ensuite que la perspective du budget de la zone euro soit un moyen pour elle de renforcer sa gouvernance – elle en a besoin – par des réunions plus régulières de l'Eurogroupe, par un pilotage plus permanent de l'Eurogroupe, par le renforcement des prérogatives des parlements. À terme, il faut aussi que nous puissions être dotés de capacités destinées à faire face au choc de conjoncture en ayant la possibilité de mener de véritables politiques contracycliques.

Mais le budget de la zone euro, si nous le regardons avec intérêt, ne peut être considéré comme un substitut au budget de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas mettre l'accent sur cette question avant que la négociation sur les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2014-2020 n'ait abouti. De la même manière, nous ne souhaitons pas que le budget de la zone euro, s'il devait advenir dans cette approche contracyclique, soit le seul et unique instrument de solidarité dont l'Europe se doterait. L'Europe a aussi besoin d'une capacité d'emprunt pour renforcer la solidarité et la mutualisation des dettes à terme. C'est nécessaire si les politiques économiques et budgétaires convergent. Nous devons en permanence conjuguer discipline budgétaire, solidarité et croissance. Nous devons faire en sorte que le redressement s'adosse au rétablissement des comptes, permette la convergence des politiques économiques et s'accompagne d'initiatives de croissance et de solidarité, afin de donner envie aux peuples d'Europe de croire encore au projet de ses pères fondateurs. Tout cela ne peut se faire que si les parlements, et notamment votre assemblée, ont davantage et plus souvent à connaître des grandes orientations de la politique de l'Union européenne telle qu'elle est portée par les États qui discutent entre eux au sein du Conseil européen, dans une relation approfondie et confortée avec les parlements nationaux et le Parlement européen.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la conférence interparlementaire prévue par l'article 13 du traité sur la stabilisation, la coordination et la gouvernance puisse être mise en oeuvre le plus rapidement possible pour permettre l'exercice de la souveraineté parlementaire au sein du Parlement européen et dans les assemblées. Il serait également souhaitable comme l'ont demandé Christophe Caresche, Élisabeth Guigou et la présidente de la commission des affaires européennes, Danielle Auroi, que les calendriers budgétaires des parlements, du Parlement européen, des États, de la Commission, puissent converger, afin que nous n'ayons pas les recommandations de la Commission aux pays après l'adoption de leurs budgets, mais avant leur adoption, pour faciliter la transparence et l'efficacité de l'exercice budgétaire en France.

Croissance, remise en ordre de la finance, solidarité, exercice démocratique des prérogatives souveraines des parlements, voilà les sujets sur lesquels, à l'occasion du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains, la France portera, dans une relation étroite avec ses partenaires, et notamment l'Allemagne, une parole forte et convaincante ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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