Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Débat préalable au conseil européen des 13 et 14 décembre 2012

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré la nouvelle péripétie que crée la crise italienne, le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 devrait permettre à nos gouvernants de prendre un peu de champ après le traitement à chaud des crises qui nous assaillent depuis cinq ans, comme vient de l'indiquer M. le ministre. Certes, les indicateurs économiques restent en berne et les difficultés grecques, espagnoles, portugaises, et j'en oublie, nous montrent combien il reste à faire.

Mais, pour la première fois depuis longtemps, l'Europe semble avoir un peu de répit pour réfléchir aux défis fondamentaux qui sont les siens. Elle semble aussi commencer à comprendre que l'austérité comme seule ligne de conduite est un dogme mortifère.

Au coeur des propositions que le président Van Rompuy présentera au Conseil, figurent deux enjeux européens majeurs : le défi de l'union économique retrouvée et l'ancrage démocratique à approfondir.

Les derniers épisodes grecs et italiens soulignent plus encore la nécessité pour les États de renforcer leur union. Et les technocrates, aussi intelligents soient-ils, ne peuvent se substituer ni aux citoyens, ni aux parlements qui les représentent.

Le président Van Rompuy nous a, la semaine dernière, décrit lui-même ses propositions. Permettez-moi de placer ces réflexions dans la cohérence d'ensemble de ce qui manque à notre Union, pour en apprécier la portée, mais aussi les limites.

Quel est le rôle d'un gouvernement économique ? Une camisole de force budgétaire, d'obscurs mécanismes de prêts au coût différé ? Une énième usine à gaz montrant que le millefeuille européen n'a rien à envier à celui de la France ? Rien de tout cela !

L'Union, c'est d'abord et avant tout une exigence de solidarité. En dépit des progrès accomplis pour aider les États les plus vulnérables, beaucoup reste à faire. Cette solidarité implique plus que le déploiement de filets de sécurité pour des pays au bord du gouffre. Elle est incompatible avec la concurrence fiscale, sociale et environnementale que se livrent trop souvent nos nations.

Certes, le chemin qui conduit à l'harmonisation est ardu, mais il faut nous y engager. Même si, comme le disait La Fontaine, le chemin est « montant, sablonneux, malaisé », même si les montées sont difficiles, elles conduisent en général vers de très beaux points de vue, croyez-en une Auvergnate !

Il ne faudrait donc pas s'engluer dans la gestion du court terme et se contenter d'une politique à très petits pas. Quant à la supervision bancaire, je l'évoquerai dans ma deuxième intervention de cet après-midi.

Prenons la proposition des engagements contractuels, la France y tient beaucoup. Le président Van Rompuy suggère que les États qui s'engagent à des réformes reçoivent des contreparties financières. Ce n'est acceptable que si cela ne se limite pas aux recommandations pour des « réformes structurelles » dont les effets désastreux sont dénoncés par le FMI lui-même.

Ces incitations seraient plus intéressantes pour mener des réformes « positives », harmonisation des droits sociaux par le haut, lancement de la transition écologique de l'économie, seule piste durable de prospérité partagée.

Dans un esprit comparable, est-il juste que certains États bénéficient de taux d'intérêt exceptionnellement favorables parce que d'autres acquittent une facture exorbitante ?

La piste des eurobonds est celle de la justice et de la solidarité – encore faut-il en convaincre de nombreux collègues, y compris le président Van Rompuy –, comme l'idée, née outre-Rhin, du fonds de rédemption des dettes accumulées depuis 2008, qu'il faudrait rappeler à nos collègues du Bundestag.

Mais un gouvernement économique doit aussi donner des directions d'envergure, avec les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre.

Le débat sur la capacité budgétaire de la zone euro ne saurait cacher le paradoxe dans lequel s'enlise notre Union. Comment parler de relance, d'investissements d'avenir, d'innovation, de recherche, d'Erasmus, tout en refusant un budget d'envergure à l'Europe, qui peine aujourd'hui à disposer de quelques moyens très chiches ? Oui, je le dis avec force, nous devons nous donner les moyens d'agir pour bâtir l'Union de demain.

La transition énergétique, l'éducation, la santé, la culture, la solidarité avec les plus démunis, ne doivent pas être les victimes de l'austérité. Oui, il nous faut trouver des solutions audacieuses pour réorienter notre destin commun.

La taxe sur les transactions financières et la contribution climat-énergie peuvent constituer ces leviers essentiels pour donner des ressources propres à l'Union, tout en exerçant mieux notre solidarité à l'égard des pays en développement, comme à l'égard des générations futures.

L'audace sera également nécessaire pour traiter le second grand sujet sur la table, à savoir l'impératif démocratique. Notre assemblée s'y est pleinement engagée, comme l'a prouvé l'adoption de la résolution de Christophe Caresche. Je n'y reviens pas, M. le ministre ayant développé ce sujet.

Le rapport que j'établis en ce moment sur l'ancrage démocratique de l'Union me permet de constater la vitalité des débats, partout en Europe, pour refonder le lien entre l'Union et les citoyens.

Ne nous y trompons pas : les peuples aspirent à une démocratisation approfondie de l'Union européenne. Les timides propositions qui seront présentées au prochain Conseil ne suffiront pas à répondre à ces attentes !

La crise économique, sociale, environnementale, met plus que jamais en lumière la nécessité de choix politiques nécessaires pour une intégration européenne renforcée, pour faire face ensemble à nos défis communs.

Jacques Delors, que nous avons auditionné ce matin, a lancé, en conclusion un appel éloquent au courage politique. Il nous a exhortés à abandonner, sans faux-semblant, un attachement littéral à la souveraineté nationale pour débattre explicitement, devant l'opinion, des partages de souveraineté nécessaires.

C'est avec conviction que je transmets aujourd'hui ce message de lucidité et de courage à notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

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