Intervention de général Jean-Paul Paloméros

Réunion du 23 juin 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Jean-Paul Paloméros :

La bande sahélo-saharienne correspond pour l'Alliance à une forme de défense de l'avant. Je peux témoigner que l'engagement français y est particulièrement apprécié et soutenu – du moins moralement, même si d'aucun aimerait que ce soit davantage le cas physiquement de la part de nos alliés européens.

La vision que l'on a de la globalité des conflits montre bien que la France contribue à la sécurité de l'Alliance par ses interventions extérieures visant à réduire les foyers de crises, sachant que celles-ci sont interconnectées et qu'il est difficile d'enrayer leur diffusion. Si notre pays ne peut en effet agir seul, une certaine solidarité transatlantique et européenne se développe.

Quant à l'interopérabilité que vous évoquez, elle n'est pas seulement technique, mais concerne aussi, par exemple, les hommes ou la doctrine, afin de pouvoir agir vite, bien et au bon endroit. Tous les pays n'ont pas la même maturité dans ce domaine, y compris au sein de l'Alliance. D'où notre travail de développement de cette interopérabilité pour que tous arrivent au même niveau.

S'agissant de l'innovation, le rôle de mon commandement est de tirer le meilleur parti des meilleures pratiques et d'essayer de les faire partager par le maximum de pays qui le souhaitent, dans le domaine des standards, des doctrines, des concepts, de l'entraînement ou de l'expérimentation. Nous voulons gérer au mieux la trilogie délais-coût-performance. La transformation ne peut se concevoir avec un seul pilier, mais en menant de front la réflexion stratégique, le développement capacitaire, l'entraînement, la formation, les partenariats. On essaie de conduire un effort équilibré, qui s'appuie sur une capacité d'innovation – nos adversaires et le monde nous l'imposent. L'innovation est désormais dans les mains de la société civile, des entreprises privées : on le sait aux États-Unis encore mieux qu'ailleurs. Je prétends qu'elle existe aussi en France et en Europe, où le niveau d'éducation et de formation est très élevé : il faut lui donner une chance de s'exprimer, d'autant que l'Alliance a besoin d'être rééquilibrée. Je crois que les peuples appellent cette Europe de leurs voeux malgré tout. D'ailleurs, une Europe sans un pilier de défense et de sécurité solide ne sera jamais une Union crédible sur le plan stratégique.

Il n'y a pas de solution miracle, mais un ensemble de petits pas. La volonté d'avancer est évidente. Vis-à-vis des crises hybrides en particulier, l'Europe a tous les outils de la puissance, diplomatiques, économiques, de même que dans le domaine de la cyber sécurité. On essaie de développer des centres d'excellence, comme celui sur la cyberdéfense en Estonie. On s'appuie ainsi sur les compétences des différents pays pour les mettre en synergie, partout où elles se trouvent, au sein des États, des appareils militaires, dans l'industrie ou les universités. Tel est à mon avis l'avenir de la transformation, alors que s'exerce la pression des budgets et de l'environnement – qu'il est plus facile à soutenir à vingt-huit que seul.

Concernant la dissuasion, la dimension nucléaire de l'Alliance est garantie par une composante aéroportée. S'agissant des processus de décision, ils sont définis par des plans très rigoureux et précis et sont susceptibles d'autoriser un transfert d'autorité au commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) quand le Conseil de l'Atlantique Nord le décide.

L'Alliance a appris depuis sa création à mettre en synergie les dimensions politique et militaire. Elle a appris à décider en mettant en regard ces deux dimensions pour créer le consensus. Elle s'est réformée et a comprimé ses structures pour être plus efficace. Elle est en transformation permanente. Son organisation est unique, avec des commandements stratégiques, le Conseil de l'Atlantique Nord et des représentants travaillant au quotidien dans des comités à la recherche d'un véritable consensus, le plus important possible. Si son processus décisionnel est remarquable, il repose aussi sur les processus décisionnels nationaux ; la question est de savoir comment les adapter au moment où l'on redécouvre le besoin d'une défense collective crédible et moderne. La réinvention des forces de réaction rapide fait d'ailleurs bien apparaître ce problème : à quoi sert une force de réaction rapide si le processus décisionnel ne l'est pas ?

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