Intervention de général Jean-Paul Paloméros

Réunion du 23 juin 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Jean-Paul Paloméros :

L'enjeu de la standardisation a fait l'objet d'une véritable prise de conscience en Europe. En effet, l'Union européenne – à laquelle je rappelle appartiennent vingt-deux des vingt-huit pays Alliés – possède une puissance normative considérable. Si elle décide de s'en servir, elle peut peser sensiblement sur le cours des choses, et elle le fait déjà. Cela étant, la règle du consensus ne saurait aller contre les réalités du monde dans lequel on vit. Bon nombre de standards dans le domaine des systèmes d'information nous viennent des États-Unis, mais aujourd'hui l'ère de la création d'Internet par le Department of Defense (DOD) est dépassée, d'autres sociétés prenant le relais de la définition des normes. Cette globalisation et cette normalisation par les faits dépassent les Américains eux-mêmes. La force de l'OTAN est de permettre de réfléchir ensemble à la manière de domestiquer, d'appréhender et de définir les conditions qui soient acceptables pour les vingt-huit pays. L'hétérogénéité de l'Alliance – dont certains membres ont des legacy systems hérités de l'ancien pacte de Varsovie – rend cette tâche difficile. Mais les systèmes d'information constituent clairement la priorité pour l'OTAN ; il s'agit du coeur vital et du sang de l'Alliance, qui lui permet d'assurer ses missions permanentes : la mission de dissuasion, celle de surveillance et de défense aérienne et maritime, et de plus en plus celle de réactivité. Mon commandement est donc totalement engagé dans ce débat sur la normalisation des standards. Celle-ci étant difficile à définir sur le papier, nous menons une politique de plus en plus ambitieuse d'expérimentation. Récemment, plus de trente pays se sont réunis au centre d'entraînement de Bydgoszcz, en Pologne – qui dépend de mon commandement – pour tester l'interopérabilité des systèmes des différentes nations avec le système de références de l'OTAN. C'est du reste une bonne chose que nous en ayons un : s'il n'existait pas, les États-Unis continueraient à avancer seuls, sans se préoccuper de leurs alliés, suivant leur politique qui découle de leurs besoins et de leur stratégie globale. L'Alliance incite les États-Unis à tenir compte de leurs alliés en matière d'interopérabilité ; à l'OTAN de tirer le meilleur parti des innovations américaines.

S'agissant de l'Ukraine, nous sommes – je l'espère ! – en train de prendre conscience du fait que l'information représente une arme en soi et la bataille pour l'information, une réalité. On l'avait oublié parce que dans les démocraties, la bataille se situe du côté de la liberté de l'information et de la liberté individuelle ; mais aujourd'hui, nous avons clairement une longueur de retard. Certes, le processus démocratique nous impose de nous battre pour nos valeurs avec nos valeurs, mais cela n'implique pas d'être naïfs ! C'est pourquoi nous essayons de promouvoir, au sein de l'Alliance et de l'Union européenne, l'idée d'une politique beaucoup plus proactive, offensive, à développer ensemble. Ce changement – qui exige de revoir en profondeur notre culture et nos traditions – prendra du temps, mais nous devons travailler davantage avec les médias, en toute transparence. Tout le monde sait que ce que disent les Russes n'est pas exact ; mais encore faut-il pouvoir le prouver ! Pour cela, nous devons partager les renseignements, puis les employer utilement pour démontrer à tous que l'OTAN et les pays alliés continuent à assurer leur mission en toute transparence, dans le respect des lois, des règles et des traités. Ce combat est difficile car nous jouons le même jeu, mais avec des règles différentes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion