Intervention de Patricia Adam

Réunion du 23 juin 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam, présidente :

Cinq députés m'accompagnaient : Mme Catherine Coutelle et MM. Yves Fromion, Francis Hillmeyer, Alain Marty et Frédéric Barbier. Deux sénateurs, MM. Jacques Gautier et Daniel Reiner, se sont également joints à ce déplacement. La délégation allemande était composée de quatre parlementaires membres de la commission de la Défense du Bundestag. Des représentants de l'ambassade d'Allemagne en France et de l'ambassade de France en Allemagne, ainsi que le consul de France à Stuttgart étaient également présents. Je souhaite que cette communication figure parmi les comptes rendus de la commission car nos observations doivent être rendues publiques.

Ce déplacement a été l'occasion de découvrir les réalités de cette brigade créée en 1989. Nous avons été accueillis par le général de brigade qui commande la BFA, ainsi que par des officiers de son état-major, et la matinée a été consacrée à la présentation d'une plateforme d'interopérabilité des systèmes d'information et de communication, à la description des missions et des équipements de la brigade et à la découverte des hommes et des femmes qui y servent, ainsi que de leurs conditions de vie au sein du bataillon de commandement et de soutien, seule unité mixte de la brigade. Nous avons apprécié les contacts spontanés et enrichissants que nous avons noués à cette occasion avec l'ensemble des militaires rencontrés.

Cette visite nous a permis de découvrir de façon complète une unité binationale unique en Europe, véritable outil politique et opérationnel disposant de ses propres appuis et soutiens, une des réalisations les plus emblématiques de la coopération bilatérale en matière de défense et de sécurité. La BFA est aujourd'hui répartie sur les deux pays. Depuis qu'un bataillon d'infanterie allemand a rejoint Illkirch en Alsace en 2009, à peu près 500 militaires de chaque nationalité stationnent respectivement en Allemagne et en France. En tout, la BFA est forte d'environ 5 000 hommes et femmes, répartis en sept formations de taille variable, et demeure, depuis 1996, régulièrement engagée en opérations extérieures, dans des missions de sécurité civile et pour des prises d'alertes dans des cadres binationaux, nationaux ou communs, le dernier théâtre en date étant le Mali. À moyen terme, la brigade franco-allemande pourrait faire partie du dispositif d'alerte à haute réactivité de l'OTAN.

Toutefois, ce déplacement a très concrètement mis en lumière certaines limites et difficultés rencontrées par la BFA. Nous avons été particulièrement surpris devant le faible niveau d'interopérabilité humaine, technique et procédurale d'une brigade binationale qui vient pourtant de fêter ses vingt-cinq ans d'existence. Si chacun peut certes s'exprimer dans sa langue – afin que l'autre fasse l'effort de le comprendre –, la langue véhiculaire de la BFA semble malheureusement être l'anglais. En outre, les personnels relèvent respectivement de leur service de santé national, ce qui limite les engagements communs. S'agissant de l'interopérabilité technique, nous avons malheureusement constaté que chaque pays met en oeuvre des systèmes d'information aux standards différents, qui ne peuvent pour l'instant échanger qu'avec les plus grandes difficultés. Par ailleurs, il est frappant de constater la différence entre les matériels allemands modernes mis à disposition de la BFA et ceux plus anciens, voire vétustes, de l'armée française, celle-ci préférant logiquement affecter ses équipements les plus opérationnels aux opérations extérieures. De la même façon, les militaires des deux pays s'entraînent selon des cycles opérationnels propres à chaque pays. Enfin, les règles juridiques étant distinctes, il demeure impossible d'emmener des unités mixtes au combat et la BFA semble donc pour l'instant condamnée à juxtaposer ses unités. Les parlementaires tant français qu'allemands estiment indispensable de procéder rapidement à un état des lieux de la BFA afin de donner une nouvelle impulsion politique au développement d'une brigade réellement binationale, interopérable, qui puisse être utilisée par nos deux pays.

La visite de la BFA a ensuite été l'occasion d'un échange entre les délégations. La discussion s'est déroulée en deux temps, d'abord en présence du général commandant la brigade et de son état-major, puis entre parlementaires. Elle nous a offert l'opportunité d'un échange franc de deux heures environ sur les convergences en matière de vision stratégique, l'analyse des menaces communes et les perspectives de la coopération franco-allemande, y compris industrielle, dans le domaine de la défense – sujet sensible, comme nous avons pu le constater à l'occasion des discussions sur le rapprochement Nexter-KMW.

Après avoir procédé à un état des lieux de la brigade, qui a montré qu'en règle générale, la partie française était plutôt engagée au sud de la Méditerranée et dans ses DOM-COM, alors que la partie allemande se concentrait en centre Europe, Balkans et Afghanistan, nous avons constaté que la mise en place de l'opération Sentinelle avait entraîné l'annulation de la participation des unités françaises de la BFA aux exercices de l'OTAN organisés dans les pays baltes dans le cadre des mesures de réassurance. Compte tenu des recrutements votés à l'Assemblée nationale, qui seront prochainement examinés au Sénat, la France devrait réinvestir ces activités. Enfin, les délégations ont échangé leurs vues sur les voies d'approfondissement de la coopération de défense entre les deux pays et sont convenues de se rencontrer désormais deux fois par an. Il me semble en effet essentiel de développer la diplomatie parlementaire entre la France et l'Allemagne, symbole fort de la coopération entre ces deux grands pays européens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion