Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 30 juin 2015 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Mes chers collègues, la mission que Mme la ministre de l'écologie m'a confiée à la suite de la loi relative à la transition énergétique concerne l'ensemble des départements et régions d'outre-mer (DROM) : Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Guyane et Mayotte. Elle comprend deux temps : un pré-rapport, que je m'apprête à lui remettre dans les prochains jours, ayant pour objet, bien circonscrit, d'analyser les conditions de la mise en place d'une filière de traitement des véhicules hors d'usage (VHU) ; un rapport définitif, à remettre à la fin du mois de juillet, visant à étudier l'extension des propositions formulées pour la filière des VHU à d'autres filières (plastique, verre, métaux, etc).

Pour me permettre de mener à bien cette mission, Mme la ministre a mis à ma disposition une équipe de quatre personnes. Composée de membres du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET), elle a fourni un très gros travail, que je tiens à saluer. Une mission de ce genre appelait, bien entendu, de nombreuses réunions. Elle exigeait, surtout, de se déplacer pour prendre connaissance des situations locales ; je me suis donc rendu à La Réunion, en Guadeloupe, en Guyane, et bien sûr en Martinique – malheureusement, je n'ai pas pu me rendre à Mayotte – et j'ai pu être accompagné, lors de mes visites, par deux experts.

Nous avons pu prendre la mesure de la complexité de la situation : si les perspectives de développement de la filière de traitement des VHU sont grandes, elles sont entravées par de multiples blocages, liés à la législation nationale mais surtout européenne ou encore à la discontinuité des processus de recyclage.

Je citerai quelques chiffres pour dresser un rapide état des lieux.

Le nombre de VHU traités dans les centres agréés en vue d'un démantèlement, d'une dépollution et d'une récupération des pièces pour le marché local ou l'export se monte à La Réunion à 4 000 véhicules sur un total de 15 000 véhicules mis hors d'usage chaque année, en Martinique à 7 500 sur 12 000, en Guyane à 1 000 sur 5 000, en Guadeloupe à 10 000 sur 12 000, à Mayotte à 1 100 sur 2 000.

S'il y a moins de véhicules directement abandonnés le long des routes qu'il y a dix ans où la situation était catastrophique, leur nombre reste important, voire très important : beaucoup sont laissés sur des terrains privés, dans les bois ou les ravines. On estime, par exemple, que ces stocks se situent entre 7 000 et 10 000 en Guadeloupe, entre 15 000 et 20 000 véhicules en Martinique, et, plus grave encore, entre 15 000 et 30 000 en Guyane. Non seulement cette situation est dangereuse d'un point de vue sanitaire car ces VHU sont des nids à moustiques vecteurs de la dengue ou du chikungunya, mais elle accroît la pollution visuelle des paysages et la pollution physique de la nature en raison de la présence de certains matériaux et produits.

Elle révèle un grave problème d'organisation des filières. Il n'existe pas de labellisation d'éco-organismes chargés des VHU, donc pas de prise en charge financière du véhicule tant dans sa première vie que dans sa seconde vie, quand il est hors d'usage. Les filières ne sont pas suffisamment structurées pour qu'un maximum de véhicules fasse l'objet d'un traitement en centre agréé.

Cependant les centres agréés émergent peu à peu à côté des casses traditionnelles. Un effort considérable a permis la création de cinq centres en Martinique et de sept centres à La Réunion. Toutefois, des centres sauvages continuent d'exister, comme celui, gigantesque, qui jouxte l'aéroport de Cayenne, que je me disposais à visiter quand on m'a prévenu qu'il n'était pas agréé. Certains sont bien connus de la police et des autorités administratives, d'autres leur échappent, tels ceux qui se situent sur des terrains de particuliers et qui abritent des trafics de pièces détachées.

La situation est tout à la fois difficile et riche de perspectives car nous commençons à assister à la mise en place progressive d'une filière.

Il faut préciser que le traitement des VHU dans les centres agréés qui en assurent la dépollution, obligatoire, et la décomposition porte sur environ trois cents matériaux et que ceux qui sont considérés comme des déchets dangereux au sens de la réglementation européenne ne sont exportables qu'en Europe. Seule La Réunion a obtenu une dérogation administrative qui lui permet d'exporter vers les pays tiers, l'Inde en particulier. Dans les faits, tout le monde fait ce qu'il veut et exporte vers les pays tiers. Vous l'aurez compris, monsieur le président, c'est un désordre complet !

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