Intervention de Commissaire-colonel André Geoffroy

Réunion du 8 avril 2015 à 10h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Commissaire-colonel André Geoffroy, président de l'association nationale des officiers de réserve de l'armée de l'air (ANORAA :

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous, à travers cet échange direct avec votre commission et la représentation nationale.

Je voudrais aussi préciser que je m'exprime ici en mon nom personnel et en ma qualité de président de l'association nationale des officiers de réserve de l'armée de l'air (ANORAA).

Je suis réserviste opérationnel, commissaire – et fais donc partie à ce titre du service du commissariat des armées (SCA) –, mais détaché dans l'armée de l'air pour emploi. Je préside par ailleurs la délégation française de la confédération interalliée des officiers de réserve (CIOR).

Pour ce qui concerne le service du commissariat, il m'est difficile de faire un point de la situation de la réserve opérationnelle pour deux raisons essentielles. D'une part, les différents services du commissariat – terre, air et mer – se sont récemment rassemblés et le sujet des réserves arrive maintenant dans le domaine des priorités : la politique d'emploi et les règles de gestion sont en cours d'harmonisation et de refonte. En outre, cette priorité s'est renforcée depuis la mise en oeuvre de l'opération Sentinelle, puisque les bases de défense – sous responsabilité du SCA – ont la charge de son soutien et ont dû faire appel à leurs réservistes pour faire face à cet important surcroît de charge. D'autre part, le SCA ne compte à ce jour qu'un nombre modeste de 80 réservistes, étant donné qu'il s'agit de spécialistes en droit, en finances, en logistique, en audit ou en ressources humaines. De plus, il va devoir tout prochainement intégrer les 800 réservistes du SSA.

L'armée de l'air compte 4 320 réservistes, principalement employés en tant que compléments individuels dans leurs domaines de spécialité, comme le contrôle aérien ou la maintenance aéronautique.

Elle compte également 12 unités aériennes, composées chacune de 17 réservistes opérationnels, qui utilisent des avions légers de type aéroclubs. Appelées sections aéronautiques de réserve de l'armée de l'air (SARAA), elles participent – modestement – à la sûreté aérienne.

27 sections de réserve d'appui (SRA) sont également employées à la protection des bases aériennes et des sites rattachés.

L'ensemble se compose d'environ 1 200 officiers, 2 000 sous-officiers – qui sont en sous-effectifs – et 1 300 militaires du rang – en important sous-effectifs. 60 % des contrats signés dans la réserve opérationnelle sont détenus par des anciens personnels d'active, 9 % par des personnels du contingent et 31 % par des personnes issues de la société civile.

Le nombre d'engagements à servir dans la réserve (ESR) est par ailleurs passé dans l'armée de l'air de 5 400 à 4 400 en cinq ans, soit une baisse de 20 %.

Ces chiffres illustrent le fait que la réserve pâtit, entre autres, d'un manque d'attractivité. Le recrutement des réservistes reste déséquilibré, avec un déficit parmi les sous-officiers et surtout parmi les militaires du rang. Il reste en effet difficile de conserver les anciens sous-officiers subalternes et les militaires du rang contractuels. Cela tient essentiellement à cinq facteurs : le faible niveau de rémunération des réservistes, notamment dans les premiers grades de la carrière – un militaire du rang perçoit seulement 40 euros par jour, soit 800 euros par mois – ; la diversité des opportunités de volontariat offertes par la société – chez les pompiers, dans la police, la gendarmerie, les ONG, où les candidats ont le sentiment d'apporter une aide concrète, visible et immédiate – ; la crise de l'emploi, qui fait hésiter des candidats ne voulant pas prendre le risque de perturber leur emploi civil – d'où les réservistes dits « clandestins » – ; la fin du service obligatoire et la multiplication des « déserts militaires » par la disparition de sites militaires, qui donnent parfois le sentiment que la France a un besoin moindre de militaires – et donc de réservistes – ; enfin, parfois le sentiment d'un manque de reconnaissance de la part de l'institution.

Par ailleurs, la réserve de l'armée de l'air connaît également des limitations budgétaires, ainsi que les autres armées et services, comme le montrent les chiffres précités. Pourtant, cette armée a fortement besoin de ses réservistes, notamment pour assurer la gestion de ses interventions et des crises dans la durée, alors qu'elle est engagée sur de nombreux théâtres d'opérations. Il lui faudrait certainement tout à la fois augmenter le nombre de SARAA, les effectifs des SRA, ceux des spécialistes en cyberdéfense, et recruter et former des réservistes pour les spécialiser sur la conduite des drones ou celle des opérations.

Au-delà, il convient de souligner l'importance de la spécificité des réservistes opérationnels, certes professionnels militaires à temps partiel, mais souvent également professionnels civils à temps plein dans leur entreprise. Il leur faut en permanence conjuguer leur souhait de servir leur pays, qui est leur première motivation, avec des obligations privées, familiales et professionnelles.

Légiférer en contraignant davantage les entreprises ne nous semble pas une bonne solution. Comme nous l'ont montré certains pays alliés, comme les États-Unis, ces contraintes deviennent des freins à l'embauche ainsi qu'à l'évolution des carrières et sont donc contre-productifs.

Un important chantier pourrait peut-être être mis en oeuvre pour mettre l'accent sur la responsabilité sociale des entreprises et sur le patriotisme de nos concitoyens. Quand on échange avec nos amis canadiens, britanniques ou américains, on constate en effet combien la notion de patriotisme est beaucoup plus largement valorisée chez eux.

Enfin, je voudrais souligner l'importance du rôle que jouent les associations, notamment les associations de réservistes, dans le renforcement de la cohésion nationale et du lien avec la Nation, comme dans la lutte contre les « déserts militaires ».

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