Intervention de Jean-Pierre Maggi

Séance en hémicycle du 22 juillet 2015 à 15h00
Transition énergétique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Maggi :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui revient dans notre hémicycle pour l’ultime étape parlementaire d’un long parcours, est certainement l’un des textes majeurs de cette législature.

Un long parcours, nous sommes nombreux à l’avoir souligné, qui a débuté en 2012, lorsque le Président de la République a appelé à la mobilisation générale pour placer au sommet des priorités l’écologie et la lutte contre le dérèglement climatique, avec l’ambition de faire de la France la nation de l’excellence environnementale fondée sur la sobriété et l’efficacité.

Souvent évoquée, la transition de notre modèle énergétique a longtemps été retardée en raison du poids de ses enjeux et de la présence d’acteurs puissants. Il manquait une volonté politique forte pour enraciner dans la loi les idées éparses et pas toujours homogènes sur le sujet.

Le projet de loi initial est d’ailleurs l’aboutissement d’un long processus de plusieurs mois de démocratie participative, à travers la concertation de l’ensemble des acteurs socio-professionnels réunis au sein du Conseil national de la transition écologique. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens à redire notre attachement à cette large démarche de concertation.

Nous avons entendu des voix regretter une longue attente et la lenteur de cette phase de concertation, et nous reconnaissons qu’elle a connu quelques ratés. Mais au final, la méthode s’est révélée utile et féconde pour écrire la loi dans une relative sérénité.

Depuis septembre 2014, le temps de la discussion parlementaire a donné lieu à des débats passionnés et passionnants, dans des conditions de travail parfois rocambolesques – je pense notamment à la première lecture à l’Assemblée, en commission et en séance. Mais tout au long du chemin, le projet de loi a été nettement enrichi par le débat parlementaire.

Madame la ministre, c’est un immense travail qui s’est accompli durant des mois sur de très nombreux sujets qui touchent directement la vie quotidienne de nos concitoyens. Certes, nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout, et heureusement d’ailleurs, mais nous vous sommes reconnaissants pour votre implication personnelle et l’énergie que vous avez mise à doter la France des moyens de parvenir à un équilibre solide entre l’exigence de l’excellence environnementale et celle d’une économie compétitive.

Après deux lectures dans chacune des chambres et un nouveau passage – un peu accéléré – en commission spéciale à l’Assemblée ce matin pour la lecture définitive, nous retenons le mot d’équilibre, qui caractérise ce texte.

Avec mes collègues du groupe RRDP, nous rejetons tout autant les postures idéologiques, trop souvent déconnectées de la réalité et parfois périlleuses pour notre croissance, et les chimères d’un développement dévorant nos ressources limitées, sans aucune considération pour les générations futures.

Qu’il s’agisse des matières premières, de l’eau, de l’air, du carburant ou de la stabilité du climat, le temps dans la croyance des ressources infiniment renouvelées est bel et bien révolu. Nous connaîtrons des progrès scientifiques, des ruptures technologiques, et nous trouverons probablement des solutions pour faire face au manque de ressources, mais nous devons prendre définitivement acte de la fin de l’illusion d’une croissance sans bornes.

Ce sont d’ailleurs les scientifiques qui nous le disent. Rapport après rapport, et au-delà des barrières culturelles, la communauté scientifique mondiale est aujourd’hui quasiment unanime sur les dangers majeurs qui nous guettent si nous restons dans l’inaction.

Vous le savez, madame la ministre : au groupe RRDP, nous sommes convaincus que, sur les sujets de l’énergie et de l’écologie, comme sur beaucoup d’autres, nous ne devons rien céder aux diverses idéologies. Notre seule boussole doit être celle de la science.

Un chiffre pour illustrer le constat de la science : depuis cinquante ans, les besoins énergétiques ont été multipliés par quatorze.

Nous sommes réalistes : notre société fondée sur l’exploitation des ressources fossiles a fait son temps. Les alertes se multiplient sur les conséquences économiques et sociales de l’après-pétrole, sur l’impossibilité pour les grands pays émergents de fonder leur croissance sur le même modèle et sur la responsabilité des pays industriels, lesquels doivent montrer l’exemple. Crises alimentaires, problème des ressources en eau, étalement urbain, augmentation constante de la production de déchets, nouvelles migrations climatiques : face à tous ces défis, il serait irresponsable de continuer d’accompagner tranquillement le changement sans impulser une nouvelle dynamique stratégique de transition énergétique à un moment crucial de l’histoire de notre pays, de l’Europe et du monde.

Mais n’oublions jamais que l’énergie la moins chère est celle qui n’est pas consommée. Peut-être serait-il judicieux de relancer des campagnes de sensibilisation sur le sujet, sur le modèle de « la chasse au gaspi» des années 1970.

Appeler nos concitoyens à la sobriété, c’est vouloir non pas la décroissance, mais une autre croissance, reposant sur un mix énergétique équilibré.

Le texte issu du travail parlementaire que nous allons examiner est globalement un bon texte, dans la mesure où il acte ce constat, prend des engagements pour l’avenir et propose de multiples solutions pour parvenir à trouver progressivement le chemin d’un modèle renouvelé. Il est le fruit d’une conviction, et il signe une volonté politique forte. Il devrait d’ailleurs réunir bien au-delà des clivages politiques partisans, puisque nous sommes quasiment tous déterminés à relever le défi de la transition écologique.

Pour répondre à ce défi, le projet de loi initial affichait des objectifs ambitieux et pour le moins volontaristes : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et les diviser par quatre à l’horizon 2050 – c’est le fameux facteur 4 ; réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012 et porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030 ; réduire la consommation d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012 ; porter la part des énergies renouvelables à 23 % de notre consommation énergétique finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % en 2030 ; porter la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité à l’horizon 2025.

Vous le savez, les députés du groupe RRDP approuvent globalement les grandes lignes du projet de loi sur l’énergie, la décarbonisation de l’économie ou l’adoption de mesures concrètes pour faire face aux changements climatiques et à la réduction de la facture énergétique ; mais nous vous avions aussi exprimé notre méfiance et nos doutes sur le caractère parfois incantatoire de tous ces objectifs à long terme.

Ces grands chiffres ont d’ailleurs été largement réécrits au Sénat : la dimension économique a été renforcée et les contraintes intermédiaires sur le mix énergétique ont été supprimées.

Si l’Assemblée a réécrit le texte en nouvelle lecture pour revenir au texte adopté en première lecture, plusieurs compromis habiles et utiles ont été trouvés, et nous saluons l’état d’esprit constructif des sénateurs comme des députés.

Nos collègues sénateurs ont introduit plusieurs amendements intéressants. Je pense notamment à la définition de la croissance verte, à la déclinaison de l’objectif d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, ou encore à la modulation de l’objectif de réduction de la consommation des énergies fossiles en fonction du facteur d’émission de gaz à effet de serre de chacune de ces énergies – autrement dit, il est préférable de réduire d’abord le charbon et le fioul plutôt que le gaz.

Sur les grands objectifs, le Sénat a clairement amélioré la définition des territoires à énergie positive, les TEPOS. Les TEPOS ont un effet d’entraînement sur les volontés respectives des acteurs locaux, parfois éparpillées, dont le rassemblement encourage les opportunités et la motivation pour le bien commun du bassin de vie, l’amélioration du développement durable sur leur territoire et la création d’emplois locaux pérennes et non délocalisables.

Plus globalement, avec l’enrichissement du projet de loi par le Sénat sur toutes les mesures relatives au bâtiment, au transport, à l’économie circulaire, à la lutte contre le gaspillage alimentaire et aux déchets, ou encore au développement des énergies renouvelables, nous arrivons à un texte nettement amélioré.

Il reste de petits arbitrages à la marge à effectuer dans la dernière étape qui nous attend. Nous vous proposerons d’ailleurs une vingtaine d’amendements pour parfaire encore le texte. Mais le travail parlementaire a abouti à des consensus robustes et productifs : cette loi ne se résumera pas à un catalogue de déclarations de bonnes intentions.

En dépit de quelques points, madame la ministre, vous avez compris que dans l’ensemble, le texte nous convient. Avec des dispositions utiles dans de très nombreux domaines de la vie quotidienne de nos concitoyens, il nous permet de dire que la France est en mouvement pour répondre aux enjeux écologiques afin de dynamiser la croissance verte, et donc nos emplois.

Les heures que nous avons passées à débattre de ce texte ont été fécondes : elles nous ont permis de bâtir un projet de loi plus efficace et plus pragmatique. Dans ces conditions, vous pouvez compter sur le soutien des députés du groupe RRDP.

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