Intervention de Laurent Pinatel

Réunion du 22 juillet 2015 à 21h30
Commission des affaires économiques

Laurent Pinatel, secrétaire national, porte-parole de la Confédération paysanne :

Ce n'est jamais de gaîté de coeur que les agriculteurs passent des journées entières sur des barrages. C'est pourtant certainement ce qui contribué à réunir des gens autour de la table pour trouver des solutions, même si la Confédération paysanne considère qu'elles ne répondent pas à la situation.

La crise en cours est structurelle et non conjoncturelle. Certes, quelques éléments de conjoncture – embargo russe, fermeture du marché chinois, sécheresse – ont contribué à l'accentuer, mais c'est la structure même du paysage agricole qui l'annonçait.

La Confédération paysanne estime que ce sont les décisions politiques qui ont conduit à la situation actuelle. Aujourd'hui, les paysans sont coincés dans un modèle qui ne correspond plus aux enjeux. Ceux qui sont surendettés ont simplement été les bons élèves des politiques publiques. Comment les sortir d'un système qui les étouffe et les empêche de dégager un revenu ? Comment changer le système agricole, réorienter l'agriculture ?

À court terme, il est indispensable de soulager les trésoreries, de rendre aux paysans la possibilité de regagner du revenu. À moyen terme, il faudra continuer à travailler et engager des réformes structurelles. La table ronde organisée cet après-midi par le ministère de l'agriculture n'a pas permis de lever tous les doutes en ce qui concerne la capacité des uns et des autres à travailler ensemble en toute transparence. C'est à un travail de reconquête de prix et de confiance dans les rapports commerciaux qu'il faudra s'efforcer.

La Confédération paysanne a pour principal cheval de bataille de faire de l'agriculture une pourvoyeuse d'emplois. Nous aimerions entendre qu'il faut sauver les éleveurs aussi bien que les élevages – car le drame, c'est qu'on peut très bien sauver l'élevage sans sauver les éleveurs. Dans un pays qui compte de plus en plus de chômeurs, la contribution du monde agricole à l'inversion de la courbe du chômage n'est pas à négliger. Le Gouvernement n'a pas dit s'il estime qu'il y a encore trop de paysans dans ce pays, et s'il faut encore en sacrifier quelques-uns pour sauver les autres. C'est bien dommage.

Toute l'agriculture doit se réorienter. D'abord, en changeant ce système productiviste qui abîme les hommes, les oppresse et les empêche de vivre. Il détruit tout notre cadre de vie et notre environnement. Or sans environnement, il n'y a pas d'agriculture, puisque c'est le support même de notre activité économique.

Ce sont, ensuite, les productions qui doivent être réorientées, notamment en viande bovine. La reconquête de la valeur ajoutée et d'un revenu décent pour les producteurs de viande bovine passe par la mise en adéquation de l'offre et de la demande – produire ce que l'on consomme et consommer ce que l'on produit, ce dernier terme n'étant pas le plus évident. Puisque l'on ne peut pas obliger les gens à manger ce qu'ils ne veulent pas, il nous semble que, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC), des politiques incitatives de réorientation de certaines productions auraient pu être menées pour satisfaire des besoins qui le sont aujourd'hui grâce à des importations.

Quant à l'exportation, la Confédération paysanne considère qu'elle n'est pas un gage de sécurisation des revenus. J'en veux pour preuve l'exportation du lait sur le marché chinois : ceux des segments qui étaient porteurs le sont restés, d'autres se sont révélés ne pas l'être du tout et ont mis aujourd'hui tout un secteur d'activité en difficulté. À moins qu'elle ne concerne des produits qui valorisent les savoir-faire, l'exportation n'est pas une bonne solution quand elle ne vise qu'à faire du chiffre d'affaires. Et ce n'est pas en s'agitant sur les marchés émergents, comme la Grèce ou le Vietnam dont on parle beaucoup en ce moment, qu'on résoudra le problème : le système est à bout de souffle. Or je n'ai pas entendu aujourd'hui une volonté forte de changer de cap, ce qui est bien dommage.

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