Intervention de François Lucas

Réunion du 22 juillet 2015 à 21h30
Commission des affaires économiques

François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale :

La crise est installée, enracinée ; elle n'est pas, en effet, conjoncturelle. Je suis surpris que certains découvrent aujourd'hui qu'il y a un problème, alors même que nous sommes dotés d'un Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, et que celui-ci a relevé, dans son rapport annuel, que presque tous les producteurs agricoles français ont vendu leur production en dessous de leur coût de production. Quel système économique peut perdurer dans de telles conditions ?

S'agissant des prix, je m'étonne de la nature des débats actuels. Comment, alors que l'Autorité de la concurrence nous surveille, peut-on convenir de hausses de prix programmées de semaine en semaine ? Surtout, est-il normal, des points de vue économique, social et éthique, d'acheter la production la plus noble qui soit, celle qui est vitale, qui nourrit les populations, en dessous de son coût ? Ce scandale permanent n'empêche pourtant personne de dormir. Alors que l'Observatoire des prix estimait, en 2013, le coût de production d'une tonne de lait à plus de 400 euros, il est surréaliste que les producteurs en réclament aujourd'hui 300 à 340 euros.

Cette crise profonde ne pourra être réglée que par des mesures structurelles. Aussi sommes-nous perplexes devant le plan annoncé cet après-midi : si certaines mesures peuvent contribuer à soulager quelque peu la trésorerie des agriculteurs, beaucoup procèdent du recyclage. Ainsi, les 150 millions d'euros d'avances de remboursement de TVA sont-ils dus aux agriculteurs. Ce sont là des mesures de nature conjoncturelle. Quant à celles qui permettraient à un producteur de se projeter dans l'avenir et d'espérer pouvoir respirer l'année prochaine, il n'y en a aucune puisque les distributeurs comme les transformateurs sont soumis à une loi, celle du marché, et à une règle, celle de l'Autorité de la concurrence.

C'est donc de Bruxelles que la réforme structurelle doit partir. Je suis surpris que la PAC soit peu évoquée. Bien sûr, la France est confrontée à des problèmes de compétitivité. Bien sûr, elle croule sous une réglementation coûteuse et paralysante. Mais l'essentiel, c'est quand même que, au sein de l'Europe, les producteurs puissent vivre de ce qu'ils produisent. C'est pourtant ce que la PAC a nié depuis 1992, année à partir de laquelle le prix payé aux producteurs a été déconnecté de la réalité économique. Dans le même temps, la PAC était soumise aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), avec pour effet d'exposer la viande bovine française à la concurrence brésilienne qui ne présente pourtant pas les mêmes caractéristiques.

Nous attendons une mobilisation pour que le constat soit enfin établi au niveau de l'Europe. Les PAC se succèdent sans qu'aucune ne soit jamais évaluée. Il est temps de le faire ! La PAC doit se remettre en phase avec les missions qui lui ont été assignées par les différents traités : régulation, prix raisonnables pour les consommateurs, niveau de vie équitable pour les producteurs.

Évidemment, les aides qui viennent d'être annoncées sont bonnes à prendre, mais le problème reste entier. Nous appréhendons beaucoup le mois de septembre prochain. C'est au niveau de Bruxelles que les choses doivent bouger. La PAC doit être revue.

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