Intervention de Paul Auffray

Réunion du 22 juillet 2015 à 21h30
Commission des affaires économiques

Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine, FNP :

La filière porcine est en crise depuis le mois de septembre 2007, soit depuis huit ans, et les éleveurs sont fatigués. Cette crise est due à l'inflation des normes et des charges depuis plusieurs années, à la volatilité des matières premières, à l'abandon des outils de régulation, à une guerre incessante des prix en France plus qu'ailleurs, à l'embargo russe depuis le mois de février 2014, à des règles sociales et fiscales différentes d'un pays européen à l'autre.

En 2014, la perte pour les éleveurs de porcs s'est élevée à près de 500 millions d'euros ; elle représente environ 800 millions d'euros depuis dix-huit mois. La situation est invivable, insurmontable même pour beaucoup d'éleveurs, dont quelques centaines sont actuellement en dépôt de bilan. En France, un éleveur de porcs moyen a près d'un million d'euros d'engagements financiers sur le long terme, près de 200 000 euros de cote de crédit à gérer au quotidien pour financer le stock circulant et souvent le double de dettes chez les fournisseurs. La plupart des éleveurs de porcs français a aujourd'hui souvent plus de dettes à court terme qu'à long terme, ce qui est un problème majeur. Pour sortir de ce marasme, il nous faut des prix. Continuer à produire en dessous du prix de revient, c'est à la fois une destruction de valeur pour les producteurs de porcs, une perte économique importante et une perte de vitalité de nos territoires ruraux. Derrière chaque producteur, il y a, en effet, des activités économiques indirectes, beaucoup d'emplois et un savoir-faire reconnu dans le monde entier.

Depuis plusieurs années, nous nous impliquons dans la démarche « Viandes de France ». Les éleveurs français se sont beaucoup mobilisés pour améliorer la traçabilité et assurer une certaine qualité en investissant très lourdement dans tous les processus de production. Si la situation est aujourd'hui globalement satisfaisante s'agissant de la viande fraîche, il est, en revanche, très difficile d'obtenir des industriels qu'ils fassent figurer l'origine de la viande sur les produits transformés, ce qui est pourtant indispensable à la fois pour garantir une qualité de production et rassurer le consommateur.

En ne réglant pas ce problème, on entretient une confusion sur les viandes consommées en France. Ainsi, près de 30 % des volumes de porc sont issus de viande importée de pays qui ne sont pas dotés des mêmes règles fiscales, sociales et environnementales. Alors qu'ils sont parmi les plus performants au monde sur les plans technique et économique, les éleveurs de porcs éprouvent un sentiment d'injustice : aujourd'hui, ils sont hors-jeu, car les processus industriels nécessitent des investissements très lourds pour pouvoir supporter la comparaison avec les pays voisins.

Je veux dénoncer toutes les distorsions de concurrence que nous subissons, notamment avec l'Allemagne. Lorsqu'un salarié dans l'abattage coûte environ 25 euros de l'heure en France contre quasiment la moitié en Allemagne, comment résister durablement à une telle pression économique ? C'est mission impossible pour l'industrie, et c'est finalement la disparition programmée de l'élevage.

Je pense, moi aussi, qu'il faut expertiser la dimension contractuelle et qu'il est indispensable de rénover les relations commerciales entre producteurs, industriels et distributeurs. Nous n'avons pas vocation à passer notre vie sur les barricades. Ce que nous réclamons à cor et à cri, ce sont des relations commerciales apaisées qui permettent à chaque maillon de la filière de vivre dignement de son métier.

Sans doute faudra-t-il aussi réintroduire de la régulation. À l'heure où je vous parle, le secteur porcin français diminue de 2 % par an tandis que les Espagnols continuent à augmenter leur production à un rythme de 5 % par an. Cette situation totalement injuste et inacceptable met à mal le sentiment pro-européen des agriculteurs français ; elle crée un fossé énorme entre la dimension sociétale qui nous est chère et les ambitions que nous avons au plan européen.

Une fois les problèmes actuels réglés, nous espérons que pourront être mis en place tous les outils permettant aux éleveurs de réinvestir pour répondre aux nouveaux enjeux, qu'ils soient sociétaux, environnementaux et surtout agro-énergétiques. C'est essentiel pour l'avenir de notre métier et pour assurer la sécurité alimentaire des citoyens français.

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