Intervention de Olivier Picot

Réunion du 22 juillet 2015 à 21h30
Commission des affaires économiques

Olivier Picot, président de la Fédération nationale des industries laitières :

En novembre 2008, lorsque le bilan de santé de la PAC a été approuvé à l'unanimité par l'ensemble des États membres sous présidence française, il instaurait une dérégulation complète des marchés : la volatilité qui existait sur le marché mondial est entrée en Europe. Aussi, dès 2008, on savait ce qui allait se passer.

Je ne reviendrai pas sur les causes multifactorielles de cette situation dont souffrent tout particulièrement les éleveurs, et qui affecte aussi les entreprises sur les marchés. Pourquoi la France est-elle plus particulièrement touchée ? Trois points peuvent l'expliquer.

Premièrement, la France est extrêmement exposée au marché mondial, car la moitié de sa production laitière y est directement connectée : soit parce qu'elle y vend des produits élaborés ou industriels, comme les poudres et matières grasses, soit parce qu'elle vend sur les marchés européens au prix mondial. Ainsi, la moitié des 24 milliards de lait collecté est directement impactée par le marché mondial, et quand celui-ci s'effondre, comme c'est le cas aujourd'hui, c'est 50 % du lait collecté en France qui en pâtit.

Deuxièmement, une guerre des prix fait rage sur l'autre moitié du lait français qui est vendue en France sous forme de produits de grande consommation. Or cette guerre de prix, je ne l'impute pas à la distribution : c'est la LME qui l'a organisée en autorisant les discriminations et en vidant de sa substance la notion de seuil de revente à perte. Organiser la dérégulation européenne, d'un côté, et la guerre des prix avec la LME, de l'autre, il fallait le faire ! En matière de choix politiques, nous demandons de la cohérence : si on dérégule, il ne faut pas de guerre des prix.

Troisièmement, la gestion départementalisée non marchande des quotas avait certes des vertus au regard de l'installation des jeunes, mais elle n'a pas permis à la France de se préparer, comme l'ont fait des pays d'Europe du Nord, à la sortie des quotas.

Que faut-il faire ? Sans revenir sur les mesures prises, il est fondamental de découpler le prix du revenu, de sorte que le revenu du producteur de lait ne soit pas directement impacté lorsque le marché est en baisse. C'est exactement ce que les Américains ont fait, il y a un an, avec le nouveau Farm Bill : une assurance, subventionnée par l'État, permet, lorsque le marché baisse, d'assurer un revenu minimum au producteur de lait. Ainsi le marché peut-il fonctionner sans plonger le monde agricole dans la détresse, comme il l'est en Europe aujourd'hui.

Pour terminer, l'Europe doit envisager de modifier le prix d'intervention, car il n'est pas raisonnable de rester à ce seuil. Il faut qu'un signal soit envoyé aux marchés. La Lituanie vient de mettre pour la première fois des produits laitiers à l'intervention : c'est du jamais vu en Europe en période estivale ! Et, à mon avis, ce n'est que le début. Par ailleurs, il conviendrait de signaler à la Commission européenne qu'engager des négociations bilatérales avec la Nouvelle-Zélande n'est pas la meilleure idée qui soit.

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