Intervention de Dominique Chargé

Réunion du 22 juillet 2015 à 21h30
Commission des affaires économiques

Dominique Chargé, président de la Fédération nationale des coopératives laitières, FNCL :

Trois mois après la sortie des quotas laitiers, le secteur est en crise. Si cette sortie change la donne économique à l'échelle européenne, la situation a été initiée en 2004, avec le démantèlement de l'ensemble des outils d'encadrement des marchés laitiers. Désormais, les marchés laitiers européens sont exposés à la volatilité des cours mondiaux.

Le retard de compétitivité de l'ensemble de notre filière – production et transformation – n'est pas suffisamment évoqué. De mon point de vue, il est en partie dû au mode de gestion particulier des quotas laitiers que nous avions choisi en France. Les quotas départementaux ont été utilisés comme outils d'aménagement du territoire : à travers la répartition de la production laitière, ils ont favorisé le développement de produits à haute valeur ajoutée sur certains territoires, permettant à ces derniers de vivre de cette activité. Toutefois, en période de dérégulation, la volatilité expose dangereusement lesdits territoires et notre production laitière au risque des marchés.

Le dogme du prix bas est une autre explication, en ce qu'il nie la nécessité pour l'activité laitière de créer de la valeur, de la répartir sur l'ensemble de la chaîne puis de la faire redescendre sur les territoires. En clair, les produits alimentaires servent de carburant à ce dogme du prix bas. Pourquoi, alors que l'alimentation est une nécessité première ? Les surpromotions appliquées aux produits ont fait perdre au consommateur le bon repère du prix, au point qu'il ne comprend plus les problématiques liées aux activités de production et de transformation.

Ajoutons à cela que les importations de lait de consommation en brique ont augmenté de 50 % entre janvier et avril 2015 et celles de produits tels que l'emmental de 28 %. Il est clair que nous sommes exposés à la volatilité des marchés mondiaux. Avec la diminution des importations chinoises et l'embargo russe sur 250 000 tonnes de fromage européen, une partie du lait non valorisé à l'exportation revient sur le territoire national pour concurrencer nos transformations.

Je salue les mesures destinées à soulager les trésoreries et à désendetter les exploitations. Répondre à l'urgence est une nécessité. Pour autant, les producteurs et les industries laitières ont besoin de plus de perspectives et d'actions de long terme.

Dans ce contexte, nous sommes mobilisés pour accompagner les adhérents de nos coopératives. De mon point de vue, il n'y aura pas de solution durable sans une Europe volontariste et interventionniste sur les marchés. Comment peut-on laisser les producteurs laitiers assumer les conséquences d'une décision politique comme l'embargo, avec un système d'intervention valorisant la tonne de lait à 200 euros, alors que les coûts de production sont bien plus élevés ? Je souscris à ce qui vient d'être dit sur le système de sécurisation des marges. Cette voie doit être explorée pour l'Europe dans la perspective de la négociation PAC après 2020. Nous avons besoin de votre soutien, mesdames et messieurs les députés, sur ce nouvel outil.

L'export est un défi qu'il faut relever. La France a des atouts : ses produits sont plébiscités pour leur niveau de sécurité sanitaire et jouissent d'une bonne image gastronomique dans les pays où émerge une nouvelle classe de consommation à hauts revenus. Il faut continuer à promouvoir les produits français à l'étranger.

Enfin, monsieur le ministre, j'appelle à la responsabilisation des acteurs de notre secteur devant les marchés ; je sais que vous y tenez beaucoup. C'est le sens de la contractualisation, mais aussi de l'action des coopératives. Il faut inciter à faire des choix économiques partagés et assumés, avoir l'audace de parler de gestion du risque – car le risque économique, le risque de marché fait partie des problèmes à traiter –, passer au développement maîtrisé, qui consiste à mettre en production ce que l'on est capable de transformer et de vendre. J'y inclus le développement des marchés à l'exportation, car le marché mondial est demandeur.

Le deuxième volet de la responsabilisation des acteurs consiste à créer de la valeur en privilégiant l'offre française dans la distribution française et dans la restauration hors domicile, grâce à un meilleur encadrement des relations commerciales et à une relation plus responsable entre les acteurs économiques, notamment entre les transformateurs-fournisseurs et la distribution.

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