Intervention de Brigitte Allain

Réunion du 22 juillet 2015 à 21h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Personne ne peut se réjouir d'échanger à nouveau sur la énième crise des filières d'élevage, car ce sont avant tout des femmes et des hommes qui souffrent. Permettez-moi cependant de m'interroger sur les choix successifs qui ont été faits, qui confortent un type d'agriculture spécialisé et industrialisé. Alors que le commissaire européen à l'agriculture, M. Phil Hogan, voyait dans la fin des quotas « une chance en termes de croissance et d'emplois grâce à de nouveaux marchés à l'export », c'est précisément l'abandon progressif des instruments de gestion de marché qui a conduit à la dégradation de la situation financière des éleveurs.

Quelles leçons allons-nous tirer de ces crises à répétition ? Allons-nous analyser les raisons profondes de la disparition progressive de nombreux emplois dans les secteurs de l'élevage ? Entre 2000 et 2010, 37 % des élevages laitiers ont disparu. En Allemagne, ce chiffre atteint plus de 50 %. Les redressements et liquidations judiciaires ont augmenté de 11,7 % entre 2013 et 2014. Laisserons-nous notre pays poursuivre cette quête des marchés mondiaux, fatale aux producteurs depuis des décennies ? Allons-nous nous satisfaire de gérer, une fois de plus, les crises avec les dispositifs habituels ou accepterons-nous enfin de repenser nos politiques agricoles ?

Que faire ? Écouter toutes les organisations professionnelles et syndicales ? C'est précisément ce que nous faisons ce soir ; c'est ce que n'a pas fait le Sénat. S'il est utile d'activer des dispositifs d'urgence pour garantir le maintien des familles sur leur ferme, il est indispensable de définir en parallèle une stratégie de territoire favorisant une activité agricole durable. Il convient aussi d'interdire la vente à perte et, dès à présent, de construire l'après-crise.

Dans leur rapport d'information sur l'élevage, nos collègues Germinal Peiro et Alain Marc avaient avancé des propositions visant notamment à favoriser les circuits courts et de proximité, à approvisionner la restauration collective en produits locaux et à accroître l'autonomie protéique des exploitations. Au terme de six mois d'auditions des professions alimentaires, j'y ajouterai quelques idées : favoriser la conversion bio, qui n'est pas une niche puisque nous importons actuellement 30 % de lait bio en France ; élaborer au niveau européen une politique agricole et alimentaire commune assortie de véritables outils de régulation et de contractualisation, pour rétablir la maîtrise de la production et garantir un revenu ; refuser des accords bilatéraux avec les États-Unis ou le Canada, qui ne font qu'aggraver une concurrence aux finalités mercantiles et non humanistes ; croiser les logiques de filière avec des logiques de territoire. Voilà le défi que je vous propose de relever pour redonner de la valeur à l'alimentation, comme je le préconise dans mon rapport d'information intitulé Et si on mangeait local ? Ce n'est pas là une utopie que je vous propose, mais bien un projet d'avenir pour les territoires et pour l'agroalimentaire.

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