Intervention de Philippe Folliot

Séance en hémicycle du 15 septembre 2015 à 16h00
Déclaration du gouvernement sur l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Être une terre d’asile fait partie de notre ADN et de cela, nous ne pouvons nous détourner.

Enfin, cette crise sans précédent a atteint l’Europe de manière spectaculaire. Le défi est immense. Les réfugiés tentent par milliers de rejoindre nos rivages. L’aide humanitaire que nous pouvons essentiellement leur apporter en les accueillant est essentielle, mais ne pourra résoudre le coeur du problème : tant que Daech prospérera, les civils continueront, au péril de leur vie, à fuir la barbarie et les territoires dévastés.

Par ailleurs, les combattants étrangers venant grossir les rangs de Daech affluent de plus d’une centaine de pays. La France occuperait d’ailleurs, assez tristement, la première position parmi les pays européens : près de 1 700 Français seraient impliqués d’une façon ou d’une autre dans les filières irako-syriennes. Chaque individu qui rejoint ces terroristes met en péril la sécurité de la France et des Français : les auteurs des terribles attaques sur notre sol ces derniers mois avaient d’ailleurs, dans leur immense majorité, combattu en Syrie.

Force est donc de constater que l’action de la communauté internationale en Irak n’a pas atteint son but. Si les frappes aériennes ont peut-être permis de freiner l’avancée des terroristes et de reprendre le contrôle de certaines villes, elles n’ont suffi ni à entamer une véritable reconquête territoriale, ni à affaiblir durablement Daech.

Le temps de la parole politique est passé, et les jours sont comptés : pour éliminer Daech, il convient de mener une action déterminée là où ce mouvement est né, en Syrie. À ce titre, nous saluons l’inflexion de la politique du Président de la République, qui a décidé de se tourner vers la Syrie, alors qu’il avait affirmé lors du lancement de l’opération Chammal que la France n’interviendrait qu’en Irak. Les députés du groupe UDI soutiendront les vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Nous appelons également le Gouvernement à décider sans plus tarder de frappes aériennes : elles ne constituent à nos yeux qu’une première étape, qui aurait dû être engagée depuis de nombreux mois. Nous ne pourrons toutefois pas en rester là. Pour mieux faire face au soulèvement de son peuple, Bachar Al-Assad, dans un premier temps, et pour mieux déstabiliser ses opposants, a laissé avancer Daech qui, dès lors, a malheureusement pu prendre l’ampleur inédite que nous connaissons aujourd’hui. L’absence d’opposition solide aux terroristes en Syrie pendant de si nombreux mois leur a permis de s’y implanter de manière durable, de se comporter en véritable État et de s’enraciner toujours plus profondément dans les territoires qu’ils contrôlent.

Nous devons, dès à présent, nous engager de manière décisive pour une intervention terrestre, aux côtés des forces locales affrontant les djihadistes – les combattants kurdes, les milices chiites en Irak et l’Armée syrienne libre, qui, à eux seuls, sont malheureusement incapables de changer la donne. Au-delà, nous devons, avant tout, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, être le fer de lance d’une mobilisation internationale permettant de déboucher sur le vote d’une résolution autorisant une opération au sol avec le concours des puissances de la région – Arabie Saoudite, Égypte, Iran, Turquie –, avec une participation active des États-Unis, aux côtés de la France et de l’Europe, sans oublier la Russie, à replacer au coeur du jeu.

Entre deux maux, il faut avoir le courage de choisir le moindre. Si dans l’indicible horreur, Daech et le régime syrien se valent, force est de constater que l’un nous fait la guerre et l’autre pas : il est urgent d’en tirer les conséquences. Pour résoudre la question des réfugiés en Syrie et en Irak, cette résolution devrait prévoir très rapidement une force d’intervention du type de la Force intérimaire des Nations unies au Liban – FINUL ; elle devrait être engagée afin de sécuriser des camps de réfugiés sur place, dans l’attente d’une solution politique au conflit, tant en Syrie qu’en Irak.

Les immenses moyens financiers de Daech et l’assèchement de ceux-ci sont une des clefs de ce conflit. Tout un chacun sait, en effet, que ces soutiens financiers ont conduit de nombreux soldats de l’Armée syrienne libre à rejoindre les milices de Daech ou les groupes djihadistes. Pour qu’une intervention étrangère sur le sol syrien soit réellement efficace, il apparaît essentiel d’aider la coalition nationale syrienne, afin d’identifier les combattants républicains, les équiper et les former militairement, car eux seuls sont parfaitement connaisseurs de la région et des positions terroristes, et, partant, sont rodés à les combattre.

C’est seulement de cette manière que la communauté internationale se donnera les moyens de détruire Daech. C’est une décision extrêmement lourde et grave. C’est pourtant une décision que nous ne pouvons plus repousser. Le grand dessein d’un pays comme le nôtre reste non seulement d’être partie prenante de la décision, mais aussi de donner du temps et de la profondeur à sa politique étrangère, qui doit retrouver des inspirations gaulliennes, et non être tributaire de la tyrannie de l’émotion.

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