Intervention de Bérengère Poletti

Séance en hémicycle du 15 septembre 2015 à 16h00
Adaptation de la société au vieillissement — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Madame la secrétaire d’État, vous avez bien pris soin en première lecture – et vous aviez raison –, de ne pas toucher, dans un contexte économique fragile, au dispositif autorisation-agrément. Les sénateurs se sont aventurés vers une modification, par le biais d’une expérimentation. Vous avez transformé l’essai sénatorial en voulant régler définitivement la question, d’une manière par trop précipitée, alors que le sujet est doublement sensible : d’une part, parce qu’il concerne l’accompagnement des publics fragiles, d’autre part, parce que nous devons être, collectivement, particulièrement attentifs à la question de l’emploi.

Le surcoût d’une telle mesure pour les départements, responsables du dispositif, n’est pas non plus pris en compte : la mesure est forcément inflationniste, ne serait-ce que par une ingénierie beaucoup plus importante dans les services des départements, en raison tant de l’examen des dossiers pour l’entrée dans l’autorisation, que de la mise en place des CPOM.

Enfin, vous nous avez dit à plusieurs reprises que vous souhaitiez anticiper une éventuelle décision, celle de la justice européenne ayant été saisie pour juger des discriminations qui existent dans certains départements, entre les différents acteurs, et vous avez raison.

En effet, actuellement en cours d’instruction, ces plaintes visent le non-respect dans certains départements des principes garantis par la directive « services » de 2006, notamment de liberté d’établissement et de libre prestation de services, alors même que les services d’aide domicile entrent dans le champ de cette directive.

Vous faites, je pense, le contraire : la rédaction de votre article 32 bis, dans le texte qui nous est soumis, ne va pas régler ces problèmes, mais les aggraver. Là où elles existent, les dérives discriminatoires contre les entreprises agréées vont à l’évidence être renforcées par cette autorisation revisitée !

Sur ce sujet, nous attendons également vos explications relatives au cahier des charges retenu pour l’application d’une telle refonte de régime. Aucune garantie n’est donnée à ce jour concernant la participation des représentants des entreprises à la préparation de ce document. Vous nous demandez donc de nous prononcer sur un texte où demeurent d’importantes zones d’ombre. J’espère que notre discussion contribuera à les lever.

L’article 32 bis prend ainsi de court les professionnels du vieillissement, ainsi que les départements. Mais d’autres questions restent également en suspens. Le texte réaffirme par exemple la liberté de choix laissée à la personne âgée quant à son projet de vie, mais il n’en tire pas les conséquences. Rien n’est en effet prévu pour assurer le libre choix de l’emploi direct à domicile entre particuliers. La reconnaissance de ce secteur doit pourtant être affirmée comme un mode d’intervention à part entière dans la politique publique du vieillissement.

Aujourd’hui, en l’absence d’énoncé clair concernant ce secteur, il est très compliqué de demeurer particulier- employeur lorsque l’on devient éligible aux prestations sociales, en particulier à l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. Pourtant, en 2010, un million de relations d’emploi ont impliqué un particulier-employeur âgé de soixante ans ou plus, et un salarié en emploi direct. Ce secteur d’avenir qui se structure depuis plus de quinze ans ne doit pas être le grand oublié du projet de loi !

Comme je vous l’ai dit, j’imaginais plutôt un nouveau dispositif laissant une très grande liberté de choix, d’offres, d’organisations concernant le GIR 4, qui représente tout de même plus de 50 % de l’APA domicile. Et, en revanche, un cadrage doublé d’un contrôle plus serré à partir du GIR 3 qui concerne des personnes particulièrement fragiles.

Aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, nous attendons toujours une réponse globale, concrète, pragmatique, au défi de l’âge. Ainsi, le rapport annexé affiche une ambition importante, en proposant par exemple d’envisager d’encadrer le recours à l’assurance privée et de favoriser les contrats les plus protecteurs. À ce jour, rien n’a été mis en place.

Entre contraintes économiques et exigences sociales, la voie est étroite pour trouver une bonne solution, alors que les départements sont déjà soumis à une réduction de leur dotation budgétaire et, surtout, à une compensation très dégradée de leurs dépenses sociales. La « révolution de l’âge » ne figure hélas pas dans ce texte de loi. Nous attendions de votre part une proposition solide, alors que vous n’avez cessé de l’annoncer ! C’est pourquoi nous appelons au rejet de ce texte.

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