Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 16 septembre 2015 à 15h00
Accueil des réfugiés en france et en europe

Manuel Valls, Premier ministre :

L’émotion peut soulever des montagnes : nous la ressentons et elle nous donne de la force. Mais elle ne peut être le seul guide de l’action publique.

Ce que nous devons à ceux qui fuient la guerre, la torture, les persécutions, ce ne sont pas seulement les bons sentiments – qui d’ailleurs peuvent toujours se retourner au gré des circonstances. Nous devons agir en suivant des principes : humanité et solidarité, mais aussi sérieux et maîtrise.

Il faut du coeur, bien sûr, mais un coeur intelligent, un coeur ferme et un coeur lucide. Et la lucidité, devant la représentation nationale – et, à travers elle, devant les Français –, c’est d’abord nommer et décrire les situations avec précision.

Le nombre des entrées irrégulières dans l’espace Schengen a augmenté, en deux ans, de façon spectaculaire. En 2014, c’est essentiellement l’Italie qui était le point d’attention majeure, avec 170 000 entrées irrégulières, soit 60 % du total européen.

Depuis le début de l’année, alors que les entrées par la voie italienne, principalement en provenance de la Libye, diminuent légèrement, deux routes nouvelles, massivement empruntées, viennent s’ajouter : l’une en provenance des Balkans, avec un volume multiplié par quinze ; l’autre en provenance de la Turquie, empruntée par des Syriens, des Irakiens et des Afghans. À compter de la mi-juillet, ce dernier flux s’est brutalement intensifié ; il a été multiplié par dix par rapport à 2014. En tout, on compte ainsi 230 000 entrées depuis janvier.

Hier, l’agence Frontex estimait à 500 000 le nombre d’entrées irrégulières, en huit mois, à la frontière extérieure de l’Union. Bien sûr, les pays européens sont affectés très différemment, d’abord en fonction de la géographie. L’Allemagne l’est beaucoup : on parle d’un million d’arrivées possibles, après les 400 000 déjà dénombrées en 2014. La situation de la France est, à ce stade, totalement différente, avec une demande d’asile pratiquement stable, autour de 65 000, avec même une légère baisse en 2014. Mais il n’en reste pas moins qu’une incroyable pression pèse sur le continent tout entier.

La lucidité, c’est aussi d’analyser ces flux, de poser le bon diagnostic pour agir comme il se doit. Il y a les réfugiés qui viennent de Syrie, d’Irak, d’Érythrée, du Soudan, et qui ont besoin de protection.

Il y a aussi les migrants qui ne relèvent pas du statut de réfugiés. Ils proviennent, par exemple, des Balkans – Albanie ou Kosovo –, donc de pays sûrs, voisins de l’Union. Ils proviennent aussi d’Afrique de l’Ouest. Ces migrants entrent, pour une immense majorité, dans l’immigration irrégulière. La vérité est là, elle nous oblige. Il faut le rappeler : ils doivent retourner dans leur pays d’origine, dans le respect des personnes et du droit, mais avec fermeté. Sinon, nous mettrions en cause le principe même du droit d’asile.

Je sais que certains proposent de créer un nouveau statut reconnu aux seuls réfugiés fuyant la guerre et qui durerait le temps du conflit. J’examine toute proposition avec intérêt. Mais quel est donc ce besoin de créer quelque chose qui existe déjà, qu’il s’agisse de la protection temporaire européenne ou de la protection subsidiaire prévue par le droit français ?

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