Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 16 septembre 2015 à 15h00
Accueil des réfugiés en france et en europe

Manuel Valls, Premier ministre :

Chacun doit prendre sa part de l’effort, en fonction bien sûr de ses capacités. Cela implique d’expliquer, de convaincre, et aussi d’assumer une décision devant son opinion publique.

La solidarité n’est pas une valeur à la carte : elle vaut pour tous, et est donc aussi exigible de tous. Sinon, c’est le sens même du projet européen qui s’effondre. Un nouveau Conseil justice et affaires intérieures devrait se tenir en début de semaine prochaine : nous devrons impérativement avancer sur ce sujet.

Nous sommes à l’initiative, notamment grâce à notre diplomatie, à Laurent Fabius et à Harlem Désir. Le Président de la République rencontrera demain le Président du Conseil italien Matteo Renzi. Je serai moi-même jeudi et vendredi en Suède et en Autriche.

Troisième point : nous devons mettre en place une politique de retour effective pour les personnes en situation irrégulière sur le sol européen : il en va de la crédibilité de l’ensemble de ces politiques. Le sérieux, la maîtrise, c’est aussi cela.

Nous devons donc renforcer le rôle de Frontex et la France soutiendra les propositions de la Commission. Le système d’information Schengen devra également être mis à contribution pour empêcher que les migrants auxquels l’accès a déjà été refusé puissent entrer sur le territoire.

Par ailleurs, l’Union européenne a décidé d’autoriser désormais des opérations militaires coercitives dans les eaux internationales contre les bateaux affrétés par les filières de passeurs, dans le respect, bien sûr, de la sécurité des personnes. La France, qui participe déjà à toute une série d’actions en Méditerranée mettra, dans les prochains jours, une frégate à disposition à cet effet.

Quatrième point, qui est essentiel, car il s’agit de la condition sans laquelle rien n’est possible : nous devons coopérer plus étroitement avec les pays de transit et d’origine des migrants en fournissant notamment une aide humanitaire massive aux pays qui consentent des efforts considérables pour accueillir des camps de réfugiés. Il y a, vous le savez et nous l’avons rappelé hier, quatre millions de réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban ainsi que des centaines de milliers dans la corne de l’Afrique.

Cette coopération est nécessaire pour démanteler les réseaux criminels de traite des êtres humains, et pour aider à la mise en oeuvre rapide, dans les pays de transit, de centres d’aide au retour des migrants et de prévention des départs, ce que nous sommes en train de faire au Niger.

Plus généralement, nous n’aurons pas de politique de retour effective sans des dialogues politiques – sous l’égide de la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et avec le soutien de notre diplomatie – avec les pays de départ. Ces dialogues doivent se nouer rapidement, et en particulier promouvoir la réadmission des migrants en situation irrégulière dans leur pays.

Faut-il s’arrêter là ? La réponse est clairement non. Nous devons aider les pays d’origine à mieux se développer économiquement, à donner plus de perspectives à leur population, et notamment à leur jeunesse. Ces objectifs seront au coeur du sommet de La Valette qui se tiendra le 11 novembre prochain.

D’ores et déjà, l’Union envisage de créer un fonds dédié, doté de 1,8 milliard d’euros, afin de résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel, du lac Tchad et la corne de l’Afrique. Et je veux une nouvelle fois rappeler la proposition du Président de la République d’organiser, afin d’amplifier ce mouvement, une conférence que Paris pourrait accueillir début 2016.

Nous devons, ensuite, consolider une politique migratoire à l’échelle européenne. Cela passe par une plus grande harmonisation des procédures en matière d’asile. À cet égard, la proposition de la Commission d’établir une liste commune de pays sûrs, en particulier les Balkans occidentaux, va dans le bon sens. Son principe a d’ailleurs été validé par les États membres : il faut qu’elle entre dans les faits.

Enfin, nous devons renforcer l’espace Schengen. Je connais le débat relatif aux frontières, qui peut nous passionner. Les États-nations n’ont pas disparu avec l’Union européenne, la monnaie unique ni avec l’espace Schengen. La France est toujours là, et il existe toujours des frontières nationales.

Schengen, c’est la libre circulation des personnes. Il s’agit d’un élément essentiel de notre identité européenne, mais aussi de notre sécurité. Mais Schengen, c’est aussi le contrôle efficace des frontières externes, car sinon cela ne marche pas.

Je me réjouis donc que le président Juncker ait clairement indiqué que la Commission proposerait d’ici la fin de l’année la mise en place de gardes-frontières européens, car c’est une idée que la France porte depuis longtemps.

Je sais que certains voudraient faire croire que la solution serait dans l’abolition de Schengen. L’extrême droite nous dit : « j’avais raison ! ». Cette formule est le condensé parfait de ce qu’est le populisme : une pensée qui se nourrit de la catastrophe et des difficultés, qui n’apporte aucune solution et qui, traduite dans les faits, mettrait notre sécurité en difficulté.

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