Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 16 septembre 2015 à 15h00
Accueil des réfugiés en france et en europe

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avec le ministre de l’intérieur, nous partageons, depuis le début de cette crise, un souci de vérité et de précision. La vérité, je le rappelle, c’est que nous affrontons une crise. Une crise majeure pour l’Europe, avec un flux de réfugiés et de migrants d’une ampleur que nous n’avons pas connue depuis le dernier conflit mondial. Face à cela, il faut une mobilisation et des réponses exceptionnelles.

Il importe également de rappeler quelles sont les valeurs de la France et de l’Europe. Tous les orateurs qui sont intervenus – Sergio Coronado, Jeanine Dubié, le président André Chassaigne, le président Bruno Le Roux, le président Philippe Vigier, les présidentes Élisabeth Guigou et Danielle Auroi, ainsi que Valérie Pécresse – ont fait référence, avec des nuances, cela va de soi, et chacun selon son style, à ces valeurs. C’est une bonne chose que l’Assemblée nationale ait réaffirmé ces valeurs cet après-midi, comme le Sénat le fera ce soir, je n’en doute pas, à l’occasion du débat qui s’y tiendra en présence du ministre de l’intérieur. Il est très important de rappeler ces valeurs, afin d’éviter que ce type de débat ne bascule.

Nous avons évoqué le risque terroriste, mais aussi l’urgence climatique, qui a elle aussi un lien avec ces migrations. À cet égard, André Chassaigne a eu raison de rappeler que les migrations, aujourd’hui, se font d’abord du Sud vers le Sud. Le climat y est évidemment pour beaucoup, en plus des situations politiques, économiques, ou des situations de guerre. Chacun est donc bien conscient qu’une solution strictement franco-française n’aurait aucun sens : une fermeture totale des frontières n’aboutirait à rien. Les solutions à trouver sont difficiles, et il ne faut donc pas céder à la facilité.

Il s’agit évidemment de trouver, au niveau méditerranéen, dans nos relations avec l’Afrique et au niveau mondial, des solutions diplomatiques et militaires. Mais c’est au niveau européen que nous devons trouver une solution : il importe de ne pas remettre en cause ce principe. L’Europe pourrait-elle faire mieux ou plus ? Bien évidemment ! Et c’est pour cela que, contrairement à ce que j’ai pu lire ou entendre, la France a été, depuis le début, à l’offensive. Et j’ai rappelé tout à l’heure que nous aurions aimé être suivis par tous les pays concernant le plan français préparé et présenté il y a un an. Un an !

Ce goût, qu’on ne retrouve pas nécessairement dans les autres pays, du bon mot ou de la petite phrase, proférés dans le seul but de s’opposer au Gouvernement, sans que ceux qui le critiquent connaissent rien des initiatives qu’il a prises depuis un an sur la scène européenne, est regrettable. Au mois de juin, les Italiens et les Français ont été bien seuls pour défendre l’idée d’une répartition. Madame Auroi, vous avez affirmé que nous étions opposés à la répartition. Je suis désolé de vous le dire en dépit de l’amitié qui je nous lie : vous vous trompez. C’est au contraire à ce moment-là que nous avons accepté la proposition de la Commission européenne. Je récuse, en revanche, toujours le mot « quota » qui ne peut pas s’appliquer au cas de l’asile. Toutefois, il fallait que chaque pays prenne ses responsabilités.

M. Bruno Le Roux a eu raison de rappeler la césure existant entre le Nord et le Sud, plus particulièrement entre les pays qui sont entrés plus récemment dans la démocratie et au sein de l’Union européenne et les autres. L’histoire doit rester présente à l’esprit de chacun : nous ne pouvons pas, aujourd’hui, ne pas nous montrer solidaires devant les événements qui se déroulent en Europe. Oui, il faut une solution européenne, ce qui interdit de manier le concept de Schengen avec légèreté. Ce traité est perfectible pour une seule raison : il doit être effectivement mis en oeuvre, notamment à nos frontières extérieures. En revanche, mettre en cause Schengen en faisant des propositions qui, à terme, rendraient impossible son fonctionnement, c’est mettre en cause l’idée même d’Europe.

Chacun doit prendre position dans ce débat, où il convient de rester pragmatique. Il appartient à la Commission et aux États membres de fournir les moyens nécessaires. Il ne faut pas non plus hésiter à recourir à tous les aspects de Schengen, notamment en rétablissant temporairement les contrôles aux frontières en cas de difficulté majeure. Nous l’avons fait et n’hésiterons pas à le faire de nouveau chaque fois que ce sera nécessaire. Je tiens toutefois à rappeler que, lorsque je me suis rendu, en tant que ministre de l’intérieur, à mon premier conseil JAI, la première décision que j’ai eu à prendre fut de rassurer mes homologues européens. En effet, en raison de l’attitude du gouvernement précédent dans la crise tunisienne, Schengen ne fonctionnait plus bien.

Un grand pays comme la France, qui a contribué à la construction européenne et qui souhaite compter et voir d’autres pays suivre ses propositions, ne doit pas oublier les valeurs de l’Europe, surtout lorsqu’il s’agit de gouverner au coeur de difficultés. Je regrette d’entendre, à l’extérieur de l’Assemblée nationale, des propositions inconséquentes, qui ne sont pas fiables et ne pourraient pas être mises en oeuvre tout simplement parce qu’elles ne correspondent pas au compromis nécessaire sur lequel doit reposer l’Europe. Je tiens à prévenir les Républicains : attention ! À force de chercher à courir derrière certains, vous mettez en cause le combat européen qui a été le vôtre.

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