Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 17 septembre 2015 à 9h30
Approbation de l'accord france russie sur les bâtiments de projection et de commandement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Au plan européen et euro-atlantique, cet acte aurait également été considéré par plusieurs des alliés européens comme une rupture de la solidarité, et même comme un acte de traîtrise compromettant la position française durablement, d’autant que l’on voit mal comment cette crise pourrait évoluer positivement à court et moyen terme. De fait, l’actualité donne raison au gouvernement français, puisque les accords de Minsk peinent à être respectés, le cessez-le-feu total dans l’est de l’Ukraine n’étant pas acquis. Des morts sont encore à déplorer parmi les militaires et les civils et le retrait exigé des armes lourdes et légères ne fait que commencer. Par ailleurs, des membres de la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, ont essuyé récemment des tirs et autres tentatives d’intimidation alors qu’il est essentiel de leur garantir l’accès au front.

La livraison de ces bâtiments ne pouvant donc intervenir dans un avenir proche, le Président de la République et son homologue russe ont décidé, en février 2015, d’engager à l’amiable des négociations pour aboutir à un règlement négocié de ce dossier. Ils y sont parvenus. Cela a permis d’éviter une issue contentieuse, forcément longue et plus aléatoire quant à ses conséquences financières, qui aurait empêché une revente ou un réemploi rapide des navires, du moins tant que les voies procédurales ne seraient pas épuisées. En effet, l’accord de janvier 2011 prévoyait qu’en cas de différend relatif à son application, le litige pouvait in fine être soumis à un tribunal arbitral. Deux accords intergouvernementaux, signés début août, ont permis d’aboutir à une solution négociée.

Parallèlement, les entreprises DCNS et Rosoboronexport, ROE, ont résilié le contrat commercial qui les liait via un avenant à leur contrat initial, qui a également réglé la question des contentieux éventuels, entre elles mais aussi avec leurs sous-traitants. L’avenant prévoit en outre la mainlevée des garanties bancaires qui accompagnaient le contrat. Enfin, il fixe les modalités de restitution à la Fédération de Russie des fournitures gouvernementales.

Le présent accord prévoyait dans un premier temps le versement par le gouvernement français au gouvernement russe de la somme de 949 millions d’euros, correspondant à la restitution des sommes avancées par la Russie pour des dépenses occasionnées par la formation des équipages et le développement de matériels spécifiques. Cependant, sur ce dernier point, la partie française a pu faire valoir qu’elle n’entendait rembourser que les dépenses directement liées à la construction des navires, ce qui a réduit le montant du versement à 893 millions d’euros.

La signature du contrat de vente des bâtiments de projection et de commandement a permis aux chantiers de Saint-Nazaire – et cela n’est pas mince d’un point de vue économique –, d’enregistrer des commandes sans lesquelles ils auraient été contraints sinon de fermer, du moins de procéder à un drastique plan social et de perdre ainsi une main-d’oeuvre qualifiée. Il faut cependant espérer que la revente de ces navires ne se fera pas au rabais et n’entraînera pas une perte financière significative.

En ce sens, il y a lieu de se réjouir que des discussions se soient déjà, semble-t-il, engagées avec plusieurs États intéressés. Nous aimerions d’ailleurs obtenir, autant que le permet le jeu diplomatique, des indications sur les éventuels pays acheteurs qui auraient les moyens de s’offrir des bâtiments de projection et de commandement de premier rang et des marins bien formés.

Il faut en outre parvenir à surmonter l’opposition des lobbies liés aux constructeurs locaux de navires. Le coût d’entretien à quai de ces bâtiments avoisine mensuellement cinq millions d’euros et leur « dérussification » prend du temps, puisque ces navires sont construits pour répondre précisément aux spécifications de la marine russe. Il faut désormais démonter des équipements, changer les systèmes de télécommunications, les interfaces homme-machine qui sont en caractères cyrilliques et toutes les documentations. Par conséquent, dans la perspective de la revente de ces navires, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous donniez, si vous le pouvez, et bien entendu dans un langage diplomatique, car la situation est compliquée, quelques indications sur les pistes qui nous sont ouvertes.

Par ailleurs, au-delà de la question de la revente, la France elle-même ne manque-t-elle pas de bâtiments de premier rang pour exercer pleinement sa souveraineté ?

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