Intervention de Denis Baupin

Séance en hémicycle du 17 septembre 2015 à 9h30
Accord france-nations unies concernant la vingt et unième session de la conférence des parties à la convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’état, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, ce texte, qui n’est sans doute pas de nature à susciter la polémique, nous permet de saluer le professionnalisme des équipes qui sont actuellement occupées à organiser la COP21. Je salue en particulier son secrétaire général, M. Guignard, ici présent, et l’important travail effectué depuis plusieurs mois, en coordination avec l’ensemble des acteurs, pour faire en sorte que cette conférence se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Je salue également la place qui est donnée à la société civile dans cette organisation. J’ai participé à un certain nombre de COP et j’ai pu constater que, bien souvent, les réunions des ONG se tiennent à plusieurs kilomètres, voire plusieurs dizaines de kilomètres des sites, ce qui rend beaucoup plus difficile la participation de toutes les organisations aux débats. Le fait d’avoir rassemblé l’ensemble des acteurs sur un même lieu est un élément important de succès pour la COP21.

Je salue naturellement l’engagement du Président de la République et de tous les ministres, en particulier Ségolène Royal et Laurent Fabius, en faveur de la réussite de la COP.

Puisque nous sommes à quelques mois de la tenue de cette conférence et que le texte en lui-même ne soulève pas de questions majeures, je centrerai mon propos sur le contenu de la COP et sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. D’après les indicateurs, l’année 2015 sera probablement l’une des plus chaudes, si ce n’est la plus chaude, que nous ayons jamais connue et, selon les météorologues, il en sera sans doute de même de l’année 2016.

Les conséquences concrètes du dérèglement climatique sont déjà palpables : montée des eaux, fonte des glaces, incendies en Californie, sécheresses qui s’accumulent, risque d’un phénomène El Nino particulièrement grave cette année mais, aussi, question des réfugiés.

On parle aujourd’hui beaucoup de cette dernière en raison des conflits mais, dans un certain nombre d’endroits, notamment en Syrie, chacun sait que les sécheresses des années précédentes peuvent avoir eu un impact.

En tout état de cause, il est probable que ce que nous vivons aujourd’hui, malheureusement, ne soit qu’une petite répétition générale par rapport à ce que pourrait être le drame des réfugiés climatiques si nous ne parvenons pas à enrayer ce dérèglement.

Malgré tout, je salue les étapes progressivement franchies dans la préparation de la COP : nous sommes de plus en plus optimistes quant à la perspective de conclusion d’un accord.

De la même manière, un certain nombre d’États ont annoncé des engagements financiers – dont la France, qui s’est engagée à accroître le sien.

Je salue l’accord intervenu hier entre des villes des États-Unis et de Chine qui se sont engagées à aller bien au-delà des prévisions de leur propre gouvernement.

Je salue également l’évolution de la situation en Australie et le remplacement d’un Premier ministre climato-sceptique, la population et la majorité politique considérant que, face aux conséquences du dérèglement climatique, il était temps de changer de politique. Espérons que cela se traduira concrètement par un engagement plus important de ce pays dans la négociation.

De plus, nous, parlementaires, devons faire évidemment en sorte de contribuer au succès de cette conférence et appeler nos concitoyens à la mobilisation. Il est en effet très important que les chefs d’État réunis lors de cette conférence internationale à la fin de l’année sachent que leur peuple les accueillerait très désagréablement à leur retour s’ils revenaient les mains vides. Ils ont une responsabilité : « mettre la pression ».

Nous-mêmes, en France, devrons prendre nos responsabilités, notamment lors des manifestations des 28 et 29 novembre, afin que la population s’exprime fortement et que le succès soit au rendez-vous.

Précisément, que serait un succès ?

Que les États s’engagent à rester en deçà de l’augmentation de deux degrés du réchauffement climatique. On ne va pas se voiler la face : à ce jour et compte tenu des annonces qu’ils ont faites, nous ne pouvons pas encore certifier et garantir un tel engagement. Cela constitue évidemment une préoccupation importante. La mobilisation de la diplomatie française pour faire en sorte que les uns et les autres multiplient leurs efforts est extrêmement significative.

Néanmoins, si l’accord ne permet pas une telle garantie, il importe d’ores et déjà qu’il inclue des mécanismes permettant de réviser ces engagements de façon régulière, par exemple tous les cinq ans.

Je sais qu’un débat est en cours pour savoir si une telle révision doit intervenir tous les cinq ou tous les dix ans mais, franchement, lorsque l’on est confronté à un phénomène aussi grave pour l’avenir de l’humanité, il est évident qu’elles doivent être les plus régulières possibles, l’échéance de cinq ans étant déjà relativement lointaine au rythme de l’évolution des choses.

Outre les engagements en matière de réduction des émissions, cet accord doit comporter des engagements en matière d’adaptation.

Nombre de pays les plus immédiatement concernés par les dégâts causés par le dérèglement climatique ne sont pas les principaux émetteurs de gaz à effet de serre mais ils en seront les premières victimes.

Non seulement les catastrophes climatiques pourraient avoir lieu chez eux, mais ils sont mal préparés pour y résister. L’effort d’adaptation et l’aide financière dont ils ont besoin sont considérables. Il s’agit d’une clé essentielle si nous voulons que l’ensemble des pays de la planète puisse s’engager.

La question financière est donc directement liée à cet engagement sur l’adaptation. Je sais que le Président de la République, comme le ministre des affaires étrangères, président de la COP, ont appelé l’attention sur ce sujet à de nombreuses reprises.

Toujours sur cette question, je souligne qu’outre l’engagement de 100 milliards de dollars annuels au-delà de 2020, il importe de savoir comment la finance prendra ou non en compte le problème du dérèglement climatique.

La question de la décarbonisation de la finance est vraiment essentielle si nous voulons réussir à changer le modèle dans lequel notre mode de développement nous entraîne.

Toutes les campagnes en cours en faveur du désinvestissement dans les énergies fossiles et du réinvestissement dans l’économie verte ont une importance évidemment considérable.

En effet, ce ne sont pas des centaines mais, sans doute, des milliers de milliards qui sont directement concernés. Les 100 milliards de l’accord sont évidemment importants mais, plus globalement, l’impact sur l’ensemble de la finance doit être sensible.

Avec Arnaud Leroy, nous avons agi pour faire en sorte que la loi sur la transition énergétique contienne des engagements afin que l’empreinte carbone dans la finance soit désormais évaluée pour tous les investisseurs institutionnels. Il s’agit là d’un élément important, cette loi ayant été ainsi saluée dans le monde comme l’une des plus avancées si ce n’est la plus avancée.

Je le dis à cette occasion : nous attendons le décret d’application de cet article. Avec Arnaud Leroy, nous avons adressé hier un courrier à Ségolène Royal et à Michel Sapin à propos de nos attentes afin que ce décret soit le plus efficace possible.

À cette occasion également, je souhaite évoquer une proposition soutenue par les Brésiliens s’agissant des questions financières.

On parle beaucoup de la définition d’un prix du carbone, ce qui est essentiel, mais des mécanismes peuvent être équivalents et encore plus positifs – ce que nos collègues brésiliens appellent le positive pricing : il s’agit de donner des certificats à ceux qui font des efforts afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre – énergies renouvelables, rénovations thermiques de bâtiments, transports collectifs, etc. Il s’agit donc de valoriser la réduction du carbone.

Ce message très positif peut très largement contribuer au grand transfert de moyens financiers nord-sud dont nous avons besoin afin de contribuer à lutter contre le dérèglement climatique.

De notre point de vue, il importerait que l’accord de la COP 21, en fin d’année, mentionne cette valorisation sociale, donc, économique de la réduction du carbone et que l’on y travaille dans les prochaines années.

Le succès de cette COP implique également l’exemplarité française. Nous avons commencé à la mettre en pratique avec la loi sur la transition énergétique, dont les objectifs sont historiques, en rupture claire avec le modèle existant.

En effet, nous considérons dorénavant que l’efficacité énergétique doit primer sur la consommation et qu’il faut sortir des vieilles énergies de stock comme le charbon, le pétrole, le gaz, l’uranium, pour passer aux énergies renouvelables qui, seules, peuvent nous permettre d’affronter le XXIe siècle.

La fin du soutien à l’exportation du charbon constitue un signal très positif confirmé par le Président de la République et le Premier ministre voilà quelques jours.

Il en est de même de la mise en place d’une fiscalité carbone progressive – nous attendons évidemment que la loi de finance traduise les engagements de la loi sur la transition énergétique, de même que tout ce qui doit favoriser concrètement l’application de cette dernière loi, décrets, mise en oeuvre progressive, ordonnances dont nous avons besoin pour développer plus encore les énergies renouvelables et pour mettre en place une politique d’efficacité énergétique encore plus rapide.

À ce propos, nous sommes inquiets quant aux certificats d’économie d’énergie, dont le Gouvernement doit soutenir plus encore la mise en place.

Il convient également de donner des feuilles de route à toutes les entreprises énergétiques dans lesquelles l’État est présent telles que EDF, Engie, Areva, mais aussi les entreprises de transport telles que la RATP, la SNCF ou les constructeurs automobiles tels que Renault ou Peugeot afin qu’ils soient au rendez-vous de la lutte contre le dérèglement climatique et donc que leurs produits soient de plus en plus compatibles avec elle.

Je conclus, monsieur le président.

Nous avons besoin que la France soit au rendez-vous, nous avons besoin que l’Europe soit au rendez-vous. Des efforts doivent encore être accomplis en matière de pilotage énergétique mais nous avons confiance : si nous mettons les moyens, nous démontrerons à la fin de l’année que ce qui est bon pour l’environnement est bon pour l’emploi, le pouvoir d’achat et… la paix car le prix Nobel du GIEC est celui de la paix et ce n’est pas pour rien.

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