Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Réunion du 16 septembre 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn', rapporteur :

Notre commission est saisie du projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, adoptée le 16 mai 2005.

Cette convention remplace, la convention de 1990 dont le titre ne mentionnait pas le financement du terrorisme et qui n'en traitait pas. C'est principalement pour cette raison que ce texte devait être complété, mais compte tenu de l'importance des évolutions qui ont eu lieu depuis 1990 dans ces domaines, il a été jugé préférable de remplacer la convention de 1990 par une nouvelle convention plutôt que de la compléter par un avenant ou un protocole additionnel.

Il s'agit en effet prendre en compte non seulement l'importance croissante prise par la lutte contre le terrorisme, notamment depuis 2001, mais également le lien qui est apparu entre le blanchiment, qui vise à recycler l'argent issu d'activités illicites, et le financement du terrorisme, qui fait pareillement usage de circuits financiers complexes et difficiles à tracer, mais cette fois-ci afin d'utiliser des sommes d'argent qui ont pu être acquises légalement à des fins illicites. Si les deux activités ne sont pas identiques, elles sont cependant liées et peuvent s'appuyer sur des mécanismes similaires.

Cette convention vise donc à rassembler dans un seul texte les aspects préventifs et répressifs de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

L'évolution dont elle résulte a été rapide. Le GAFI, Groupe d'action financière, structure ad hoc créée en 1989 pour émettre des normes en matière de lutte contre le blanchiment, a étendu à partir de 2001 son champ d'action à la lutte contre le financement du terrorisme. Le groupe Egmont, structure d'échange entre cellules de renseignement financier des principaux États, où la France est représentée par Tracfin, a également été créé en 1995.

Sur le plan juridique, les Nations Unies ont adopté en 1999 une convention sur la répression du terrorisme. Le Conseil de sécurité a pour sa part adopté plusieurs résolutions sur ce sujet, dont la résolution 1373 du 28 septembre 2001, dix-sept jours après les attentats de New York et Washington.

De son côté, l'Union européenne a adopté en octobre 2005 une directive relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, qui s'applique notamment aux établissements financiers et de crédit, modifiée en mai 2015 par un accord interinstitutionnel approuvé par le Parlement européen.

La France s'est, quant à elle, dotée d'un dispositif à la fois préventif, comportant des obligations particulières de vigilance s'appliquant aux acteurs du secteur monétaire et financier, et répressif, en assimilant désormais le financement du terrorisme à des actes de terrorisme. Ce dispositif devrait être renforcé par une série de mesures annoncées à la suite des attentats de janvier 2015.

Tel est le contexte dans lequel s'inscrit la convention du Conseil de l'Europe sur laquelle notre commission est appelée à se prononcer.

La convention se décompose en sept chapitres. Le premier contient des définitions visant à réduire le risque d'erreurs d'interprétation. Le second oblige les parties à adopter les mesures législatives nécessaires à son application.

Le chapitre III évoque la qualification pénale des infractions de blanchiment et prévoit la responsabilité des personnes morales. Le chapitre IV détaille les règles de la coopération internationale en matière d'investigation concernant la communication d'informations et le suivi des comptes bancaires.

Le chapitre V traite plus particulièrement de la coopération entre les cellules de renseignement financier. L'article 47 prévoit notamment la possibilité de suspendre en urgence une transaction en cours à la demande d'une cellule de renseignement financier étrangère, ce qui impliquera de la part de la France une modification du code monétaire et financier, lequel prévoit bien, à son article L. 561 25, la possibilité pour TRACFIN de s'opposer à une opération ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon prévue à l'article L. 561 15, mais ne prévoit pas à cette fin de procédure d'urgence.

Pour le reste, l'ensemble de la convention se trouve déjà dans le droit positif français.

Les chapitres VI et VII traitent du suivi de la mise en oeuvre de la convention, du règlement des différends, et des modalités d'entrée en vigueur, d'amendement et de dénonciation de la convention et n'appellent pas de commentaire particulier.

Je ne voudrais toutefois pas terminer cette présentation sans aborder un aspect à mes yeux essentiel.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait souhaité, au début de l'année 2005, que le texte final de la convention fasse mention de certains aspects touchant au Droits de l'Homme, comme le principe de proportionnalité et de respect des droits des tiers ou la question des garanties procédurales adéquates compatibles avec les obligations des États Parties au titre de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Elle demandait ainsi que soit précisé qu'« Aucune des dispositions de la présente convention ne doit être interprétée de manière à porter atteinte ou à permettre de porter atteinte aux droits de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des protocoles additionnels auxquels l'État est partie. ».

Elle n'a pas été entendue et le texte final de la convention n'a pas repris ses suggestions. On peut le regretter.

Au terme de cette présentation, je vous invite naturellement à approuver le projet de loi autorisant la ratification de cette convention qui aura pour effet de consolider la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment et de financement du terrorisme.

Je vous remercie.

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