Intervention de Camille Grand

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique :

Je suis d'accord.

Il est vrai que Poutine situe son action dans la durée. Je ne suis pas sûr qu'il ait raison, dans la mesure où il y a des points de vulnérabilité. L'élément de paranoïa qu'on trouve chez Poutine contraste à cet égard avec la popularité affichée dans les sondages. Il souhaite en effet incarner un modèle autoritaire alternatif, beaucoup plus conservateur en termes de valeurs, et mettre l'accent sur les divisions au sein de nos sociétés – au fond, pour certains Russes, l'Union européenne c'est Conchita Wurtz plus l'incapacité à régler la crise grecque. Il a en outre conçu un mariage de raison avec l'orthodoxie, qui donne un nouveau substrat idéologique en l'absence du communisme, mais je ne suis pas sûr que ce soit avec enthousiasme. Dès lors, il est difficile de concevoir une interdépendance avec la Russie, dont elle ne veut pas.

Du coup, il pense le rapport avec l'Union européenne au travers d'une série de relations bilatérales – avec l'Allemagne d'abord, un peu avec la France, moins avec l'Italie et le Royaume-Uni, un moment avec la Pologne… – et en vue de la diviser. On voit ainsi des connivences avec des droites un peu dures, comme celle de M. Orban, ou des formes modernes d'extrême-gauche, comme celle de M. Tsipras – lequel a été le seul dirigeant politique en exercice présent à Saint-Petersbourg au « Davos russe ». Reste qu'il n'est jamais reparti avec un chèque lui permettant de tourner le dos à l'Europe, qui n'est d'ailleurs pas dans les moyens de Moscou.

À long terme, nous avons intérêt à un partenariat avec la Russie – compte tenu notamment de l'idée de l'Allemagne, selon laquelle il y a des ressources dont on a besoin dans ce pays, celui-ci ayant en retour besoin de l'Europe pour se moderniser –, mais elle s'en détourne et prétend construire avec la Chine. Il s'agit probablement d'une mauvaise idée à terme, mais elle correspond au projet géopolitique de Vladimir Poutine pour le moment.

S'agissant du Mistral, je crois que le dossier a été bien géré : il n'y a pas eu d'impact sur nos exportations, bien au contraire. Cela montre que la Russie a besoin de cash et qu'elle a intérêt à sortir plutôt vite de la négociation. Le choix de ne pas livrer ce bateau tout en sortant de cette crise me semble bon – même s'il reste la question des clients à trouver pour que le coût ne soit pas trop élevé pour le contribuable et l'entreprise.

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