Intervention de Patricia Adam

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam, présidente :

Je souhaite maintenant vous présenter en quelques mots les conclusions que je tire du déplacement que j'ai effectué le 25 juin au 61e régiment d'artillerie, à Chaumont. Ce régiment, les « Diables noirs », est bien connu pour être celui qui met en oeuvre les drones de l'armée de terre ; il a donc une place très importante dans notre système de défense. Notre commission avait eu l'occasion d'apprécier toute l'utilité de ces systèmes d'armes, notamment lorsqu'ils ont été déployés en Afghanistan après l'embuscade d'Uzbin. La LPM a prévu le remplacement progressif de l'actuel système de drone tactique intérimaire, plus connu sous le sigle « SDTI ». C'est donc pour faire le point sur l'état de ces matériels, sur leur remplacement et sur leur emploi que j'ai organisé ce déplacement.

En premier lieu, je me suis donc attachée à étudier l'état de nos capacités actuelles en matière de drones tactiques. Nous en possédons vingt, mais en réalité, nos capacités sont plus limitées qu'il n'y paraît. En effet, le SDTI a une « empreinte logistique » assez lourde : pour un drone en vol, il faut dix camions au sol pour assurer son lancement, son pilotage, la récupération des images et leur exploitation. Aussi faut-il mesurer nos capacités en termes de « systèmes de drones » plutôt qu'en nombre d'appareils. Or il s'avère que nos capacités actuelles ne s'élèvent qu'à deux systèmes de drones en théorie. Ils affichent un taux de disponibilité technique opérationnelle de 60 à 70 % – et encore, ce bon taux n'est atteint que parce que le régiment dispose, sur son site, d'une batterie de maintenance intégrée : si le maintien en condition opérationnelle était effectué ailleurs, la disponibilité technique opérationnelle serait inférieure. Aussi, nous n'avons en permanence, en moyenne, qu'un système et demi de drones. Et la ressource est en réalité encore plus limitée, car c'est sur cette ressource que doit être assurée la formation de l'ensemble des opérateurs de drones de l'armée de terre : les capacités sont donc très comptées. C'est là une contrainte qu'il faudra avoir à l'esprit au moment du remplacement du SDTI : assurer la formation sur un parc spécifique, voire sur simulateur, simplifierait les choses.

Ainsi, ce déplacement a permis de prendre la mesure de tout l'environnement nécessaire pour mettre en oeuvre nos drones tactiques. Et au sein de cet environnement, j'ai pu voir en particulier ce que fait le groupe d'exploitation des images, c'est-à-dire l'ensemble des personnels chargés de l'analyse des images prises par les drones, mais aussi par d'autres capteurs – des données géographiques, ou des images satellite. Il y a là une expertise de pointe, tout à fait précieuse, et – je crois – trop peu connue. J'ai pu voir comment ces spécialistes assurent la fusion de tous les renseignements d'origine image disponibles au profit de l'armée de terre, bien sûr, mais aussi au profit d'autres organismes, comme la DRM ou, plus récemment, la gendarmerie. Il y a là, assurément, une expertise rare qui pourrait gagner à être davantage employée dans une logique de « continuum sécurité-défense ». Le remplacement des SDTI pourrait constituer l'occasion d'une réflexion approfondie sur ce sujet. Notre commission pourrait utilement s'y attacher.

Ce remplacement, j'ai pu mesurer son urgence. Nos SDTI datent de 2004 – et encore, à l'époque, il s'agissait d'un système « intérimaire », développé en urgence et appelé à être remplacé en 2011. Nous sommes en 2015, et les premiers exemplaires du remplaçant du SDTI ne devraient être livrés à la DGA qu'en 2017, pour une mise en service en régiment en 2018. Aussi, pour assurer le « tuilage » entre les deux systèmes et attendre la montée en puissance de la flotte de remplacement, il faudra conserver le SDTI jusqu'en 2019… Pour son remplacement, quatre candidats sont en lice : le Watchkeeper de Thales, qui serait développé sur la base du Watchkeeper en service au Royaume-Uni moyennant la « francisation » – tout à fait réalisable – de certains éléments ; le Patroller de Sagem ; le Shadow 200 proposé par Airbus sur la base du produit développé par l'américain AAI Corporation ; et le Pelerin de Latécoère, construit sur la base du Heron de Israel Aerospace Industries. Le commandement du régiment s'est naturellement gardé d'exprimer une préférence. Il m'a toutefois assuré que les quatre candidats répondent aux besoins primordiaux exprimés par l'armée de terre. Celle-ci a en effet besoin d'un drone plus endurant que le SDTI, c'est-à-dire capable d'une dizaine d'heures de vol au lieu de cinq, ce qui correspond mieux au tempo des engagements tactiques. Elle souhaite aussi améliorer la précision et le champ de détection des capteurs, en couplant à la charge optique une charge radar. Enfin, le commandement n'estime plus nécessaire le système de lancement par catapulte et de récupération par parachute : il y a selon lui suffisamment de pistes, même sommaires, pour un système classique de décollage et d'atterrissage.

Mais quel que soit le système retenu, encore faut-il que l'on l'utilise. C'est là une des préoccupations majeures de l'armée de terre : que l'on emploie ses drones. Ils ne sont absolument pas utilisés aujourd'hui. Dans la bande sahélo-saharienne comme en République centrafricaine, les armées se sont reposées sur les drones MALE. Nous avons pu apprécier toutes les performances du Reaper, et personne ne les conteste. Mais reste que nous n'avons pas assez de Reaper pour couvrir nos engagements tactiques : l'armée de terre indique que 40 % seulement de ses demandes d'heures de vol de drone MALE sont satisfaites. De plus, le drone tactique est mieux intégré à la manoeuvre tactique que le drone MALE, qui relève nécessairement d'un échelon de commandement supérieur : l'outil perd donc en souplesse et en réactivité.

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