Intervention de Bertrand Pancher

Réunion du 29 septembre 2015 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

La question de l'ouverture des données au public est essentielle à la fois en matière économique et démocratique. C'est pourquoi les pays occidentaux s'en saisissent à travers des mesures d'incitation ; l'enjeu figurait par exemple parmi les thèmes centraux du discours du candidat Obama lors de la dernière élection présidentielle américaine.

La France est-elle aujourd'hui en avance dans ce domaine ? Les chiffres sont ambivalents : certes, les entreprises publiques sont en pointe, tout comme certaines grandes collectivités, mais restons modestes face aux résultats des administrations ! D'importants efforts sont nécessaires pour engager une stratégie dans ce domaine.

Les initiatives de l'État avaient très bien démarré avec le lancement par Mme Lemaire d'une vaste consultation publique ; mais le processus s'enraie à cause du télescopage des textes. Sans doute le calendrier s'explique-t-il par l'urgence à transposer la directive ; mais, tout comme pour la « loi Macron » et la « loi Lemaire » à venir, les internautes intéressés, qui ont beaucoup contribué à faire avancer le sujet, ont du mal à retrouver leurs petits ! Il ne suffit pas de lancer des consultations : encore faut-il recueillir les avis et en tenir compte dans les textes de loi. Le recours à une procédure accélérée est également regrettable. Au total, les problèmes de forme entachent le contenu du texte, qui relève du bon sens.

Le groupe Union des démocrates et indépendants déplore le choix fait par le Gouvernement de traiter la question de l'ouverture des données publiques à travers plusieurs véhicules législatifs. Le Parlement devra prochainement examiner le projet de loi sur le numérique porté par Axelle Lemaire, qui devrait poser le principe de l'ouverture des données publiques par défaut. Certes, en instaurant la gratuité de la réutilisation des informations, le texte de transposition de la directive de 2013 va dans le bon sens, mais ces sujets auraient dû être traités en même temps. Pourquoi morceler cette question ? Tout regrouper au sein d'un seul texte aurait donné du sens à cette démarche qui va dans le bon sens, mais dont on attend de voir l'aboutissement.

Nous regrettons l'oubli, à l'article 2, de l'inscription des redevances et des exceptions dans un registre public accessible à tous. Le droit d'exclusivité accordé à un tiers pour la réutilisation d'informations publiques et les redevances octroyées aux administrations constituent des exceptions aux principes de gratuité et de mise à disposition publique énoncés par la loi ; il convient donc de donner aux citoyens l'accès à toutes les informations en cette matière. Le citoyen ainsi mis au coeur du système devrait être en mesure de veiller à la bonne application de ces règles.

Le manque de précision de certaines mesures constitue un autre problème du texte : certains termes devraient être mieux définis, notamment s'agissant du montant des redevances et des hypothèses dans lesquelles celles-ci peuvent être maintenues. Ainsi, à l'alinéa 6 de l'article 3, que fixe exactement le décret en Conseil d'État ? Quelles sont les modalités de fixation des redevances ? Quid de la liste des catégories d'administration et de celle des redevances ? Quel est le rôle précis de la CADA ? Ces points doivent être discutés en commission.

Enfin – même si cette remarque ne remet pas en question le fond du projet de loi –, il faut pointer l'absence de limite dans la durée du droit d'exclusivité en matière de numérisation des ressources culturelles. S'agit-il de renflouer les caisses du ministère de la Culture au prix de l'accès du public aux données ? Il conviendrait de mieux encadrer cette période dans le temps. S'il semble exagéré d'accorder une dérogation sans limites, une échéance ne saurait être fixée ni justifiée que par l'étude d'impact ; or celle-ci n'est pas précise sur ce point.

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