Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du 17 juillet 2012 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg, rapporteur :

Le 6 mars dernier, l'Assemblée nationale a adopté le texte que cette proposition de loi vise à abroger dans des conditions pour le moins acrobatiques.

Ultime texte voté sous la précédente législature, la loi du 20 mars 2012 qui en a résulté instaure, sauf décision contraire de la collectivité locale concernée, une majoration de 30 % des règles de constructibilité pour l'agrandissement et la construction de bâtiments à usage d'habitation, sur les terrains couverts par un document d'urbanisme. Il s'agit d'un dispositif temporaire qui s'éteindra au 1er janvier 2016.

Je vous en rappelle brièvement le contenu.

Ce nouveau dispositif de majoration des droits à construire a vocation à s'appliquer sur la totalité du territoire, tout en laissant aux responsables locaux la maîtrise de la décision. Cependant, par rapport aux dispositifs existants, la charge de la preuve est inversée : la majoration est ainsi de droit neuf mois après l'entrée en vigueur de la loi. La collectivité - commune ou établissement public de coopération intercommunale (EPCI) - ne délibère que pour refuser l'application de la majoration ou pour en limiter l'application sur une partie de son territoire. Dans les six mois suivant la promulgation de la loi - soit le 20 septembre 2012 au plus tard -, l'autorité compétente pour élaborer un plan local d'urbanisme (PLU) met à disposition du public une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration de 30 %. Le public dispose alors d'un mois pour formuler ses observations.

À l'issue de cette consultation, le président de l'EPCI ou le maire présente la synthèse de ces observations. La majoration forfaitaire des droits à construire est applicable huit jours après cette séance de présentation et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi - soit le 20 décembre 2012 -, sauf si l'organe délibérant de l'EPCI ou le conseil municipal décide, à l'issue de cette présentation, de ne pas appliquer la majoration sur tout ou partie de son territoire. Voilà pour le dispositif qui se caractérise par une certaine complexité.

J'en viens maintenant aux critiques que l'on peut adresser au système mis en place par la loi du 20 mars 2012. Elles sont largement partagées, comme en témoigne notamment la position adoptée, la semaine dernière, par le bureau de l'Association des maires de France.

Permettez-moi de vous rappeler, tout d'abord, que la loi du 20 mars 2012 a été adoptée dans une grande précipitation et sans réelle concertation avec les acteurs concernés. Elle a immédiatement été accueillie avec scepticisme par les milieux professionnels et les élus des collectivités locales. Scepticisme d'autant plus fort que, tant sur le fond que sur la méthode retenue, la majoration de 30 % des droits à construire constitue une réponse à la fois inadéquate et inadaptée aux défis que soulève aujourd'hui la crise du logement dans notre pays.

Sur la méthode, tout d'abord, le choix qui a été fait d'instaurer une mesure uniforme, de portée générale et à caractère automatique va à l'encontre des efforts engagés depuis plusieurs années pour promouvoir des règles d'urbanisme fondées sur la concertation, le respect des spécificités locales et la prise en compte des exigences de développement durable. Telle qu'elle a été conçue, la majoration de 30 % des droits à construire peut, en effet, s'appliquer sans délibération de l'autorité compétente en matière de PLU puisque le mécanisme institué repose sur une décision implicite. Comme vous pouvez l'imaginer, cette situation ne peut que mettre en danger les cohérences territoriales issues des documents d'urbanisme - PLU et SCOT - établis localement sur la base d'équilibres délicats construits après concertation. Et ce d'autant que la loi du 20 mars 2012 permet à une commune membre d'un EPCI compétent en matière d'élaboration du PLU d'aller à l'encontre de la décision prise par l'établissement ! Il s'agit là d'une direction totalement contre-productive qui vient compromettre les efforts engagés de longue date par de nombreuses collectivités pour promouvoir l'échelon intercommunal en matière d'urbanisme. J'ajoute qu'aucune disposition ne vient garantir l'articulation entre les différents documents d'urbanisme existants, en particulier le SCOT (schéma de cohérence territoriale), ce qui représente, au final, une véritable régression du droit de l'urbanisme.

Sur le fond, ensuite, l'objectif affiché de la loi du 20 mars 2012 était, je vous le rappelle, de stimuler l'offre de logements - objectif auquel nous pouvons tous, je le pense, souscrire - en favorisant, par des allégements réglementaires, la densification des constructions. Or le dispositif de majoration prévu par cette loi ne s'inscrit dans aucune stratégie globale d'optimisation de l'utilisation des surfaces alors même qu'il s'agit d'un enjeu majeur pour parvenir à surmonter la crise du logement. La majoration de 30 % s'inspire pourtant d'une technique de dépassement des règles de constructibilité qui est d'ores et déjà utilisée à trois reprises dans le code de l'urbanisme, sans que l'articulation entre les différents dispositifs existants et leur impact ne soient ni évalués ni pris en compte. Ces trois facultés de majoration visent, je vous le rappelle, à favoriser la production de logements sociaux - par la majoration du volume constructible de 50 % -, à promouvoir des constructions répondant à des critères de performance énergétique - grâce à une majoration de 30 % -, et à encourager l'agrandissement ou la construction de logements en zone urbaine - le pourcentage de majoration, initialement fixé à 20 %, ayant été porté à 30 % par la loi du 20 mars 2012. A cet égard, madame la ministre, je ne peux que souscrire au voeu, exprimé notamment par nos collègues sénateurs, de remettre à plat les majorations existantes afin de parvenir à un ensemble cohérent de règles favorisant effectivement l'utilisation optimale des surfaces.

Au-delà de ces aspects juridiques, j'ajouterai une dernière chose. Au cours des auditions que j'ai menées en qualité de rapporteur, tous mes interlocuteurs, sans exception, ont souligné le véritable effet d'aubaine que la majoration de 30 % des droits à construire représentait pour les propriétaires, dont la valeur des biens sera mécaniquement accrue. Et tous ont décrit des comportements de surenchère et d'attentisme qui ne manqueront pas d'accroître les tensions sur un marché foncier qui, nous le savons tous, n'en a vraiment pas besoin.

Dans ces conditions, mes chers collègues, je suis bien entendu favorable à l'initiative de nos collègues sénateurs dont je vais maintenant présenter, très brièvement, le contenu.

L'article 1er de la proposition de loi vise à abroger le nouvel article L. 123-1-11-1 du code de l'urbanisme, qui instaure la majoration de 30 % des droits à construire. De fait, il supprime également la possibilité de combiner cette majoration avec les autres facultés de dépassement que j'ai évoquées, pour la construction de logements sociaux par exemple. Enfin, cet article rétablit le seuil initial de dépassement des règles de constructibilité autorisé en zone urbaine, qui était de 20 % et que la loi du 20 mars 2012 avait porté à 30 %.

Le second article de la proposition de loi aménage un dispositif transitoire pour les communes - ou les EPCI - dans lesquelles la majoration de 30 % des droits à construire sera applicable au moment de la promulgation de la présente loi. Son premier alinéa a pour effet de maintenir l'application des majorations qui ont été souhaitées implicitement, en l'absence de délibération en sens contraire par le conseil municipal, au terme de la procédure de consultation du public dans les conditions prévues par la loi du 20 mars 2012. Dans ce cas de figure, la majoration de 30 % des droits à construire s'applique aux demandes de permis de construire et aux déclarations préalables déposées, au plus tard, le 31 décembre 2015. En revanche, cette majoration ne sera plus applicable sur le territoire des collectivités n'ayant pas engagé de procédure de consultation du public d'ici à la promulgation de la présente proposition de loi, sans que ces dernières n'aient à entreprendre la moindre démarche. Du fait du maintien de la majoration de 30 % pour les collectivités l'ayant adoptée implicitement, il convenait de prévoir, dans le même temps, la possibilité pour ces collectivités de sortir du dispositif, comme initialement prévu. Tel est l'objet du second alinéa qui prévoit que, dans les communes et EPCI sur le territoire desquels la majoration de 30 % sera applicable à la date de promulgation du présent texte, le dispositif restera en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015 et les collectivités concernées conserveront la possibilité d'y mettre fin à tout moment.

Dans la mesure où ces dispositions transitoires permettent d'assurer la stabilité des droits applicables ainsi que le respect du principe, qui nous est cher à tous, de libre administration des collectivités locales, j'y suis favorable et vous recommande donc l'adoption de la présente proposition de loi.

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