Intervention de Jean-Marc Lacave

Réunion du 29 septembre 2015 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France :

S'agissant de l'élasticité de nos ressources, sur les 30 millions d'euros liés au commerce, 20 relèvent de la concurrence pure, c'est-à-dire d'appels d'offre soumis par des collectivités publiques, des autoroutes, la SNCF, les médias ou les industriels, sachant que le marché français correspondant est d'environ 40 millions. Nous occupons donc une part de marché de 50 %, ce qui est un beau score, mais si nous gagnions quelques pourcentages, cela ne permettrait pas de faire basculer l'équation économique pour compenser l'évolution des autres ressources – les subventions publiques pouvant baisser de 4 à 5 millions par an. Les 10 autres millions sont composés de recettes publicitaires, pour 4 à 5 millions, par le biais de notre site, et de celles du kiosque – pour un montant comparable –, reposant sur le numéro téléphonique 3250, mais donnant lieu à de moins en moins d'appels – la recette était encore à plus de 12 millions il y a cinq ans.

Beaucoup d'efforts sont faits, en effet, par les équipes commerciales pour apporter le mieux possible les réponses à leurs clients. Nous nous réjouissons d'avoir gagné récemment plusieurs gros appels d'offre, avec la SNCF, les autoroutiers nationaux, ERDF ou d'autres grands opérateurs publics ou privés. La compétitivité de Météo France est donc réelle : elle ne se traduit pas seulement par son prix, mais aussi par la qualité intrinsèque de l'offre.

La recette de la redevance aéronautique est stable jusqu'à fin 2016. Nous avons à démontrer aux compagnies aériennes, par le biais de la direction générale de l'aviation civile, que nous leur apportons le meilleur service et faisons les meilleurs efforts de productivité. On a par exemple récemment installé à Nice un radar nouveau permettant de voir comment le vent peut s'inverser en altitude alors que le temps est beau.

S'agissant des subventions de l'État, nous devons prendre notre part à la réduction des déficits. Mais la façon de les réduire doit tenir compte des enjeux auxquels nous sommes confrontés, qu'il s'agisse de la sécurité publique, de la navigation aérienne ou maritime, ou de la défense nationale. Les Anglais ont publié une étude indiquant que, pour le Royaume-Uni, le bénéfice lié aux services de météorologie permet une économie nationale d'1 à 1,5 milliard de livres. On voit bien que le profit tiré de l'investissement dans ce domaine est réel ; l'OMM a d'ailleurs des chiffres tout à fait comparables. En transposant le cas anglais à la France, on pourrait avoir un rapport de 1 à 5 entre l'investissement consenti et le bénéfice obtenu. Je répète donc régulièrement qu'on ne peut pas indéfiniment baisser les recettes avec de tels bénéfices possibles alors que le coût de la maintenance et de l'amélioration de la performance est de plus en plus élevé.

L'élasticité de nos ressources n'est donc pas, hélas, très importante.

Nous avons une école de la météorologie en France qui est unique, car elle est intégrée aux services météorologiques, contrairement aux autres pays européens, qui se reposent principalement sur le système universitaire. C'est une grande chance dans la mesure où elle forme des techniciens et des ingénieurs immédiatement opérationnels. Il n'y a pas d'équivalent dans notre pays. Nos moyens de formation sont également à préserver pour que les jeunes générations puissent continuer d'en bénéficier.

Il est compréhensible que les représentants du personnel ne voient pas d'un bon oeil la poursuite de la baisse des ressources et des effectifs – d'autant que celle-ci est plus importante que ce que notre ministère a intégré dans son champ de contrainte – et cherchent à faire entendre leur voix. De fait, le rythme qui nous est imposé est trop rapide par rapport aux réformes que nous pouvons produire, même si nous avons encore des efforts d'organisation à faire. Cela étant, je ne pense pas qu'on puisse se limiter à rapprocher les chiffres d'effectifs des Anglais et des Allemands pour en faire un objectif ultime pour la France, car les modèles sont différents, de même que le mode de présence ou le poids de la recherche ou des outils.

Le dialogue social n'est donc, dans ces conditions, pas toujours facile. Reste qu'il y a une forte conscience collective sur la nécessité de préserver Météo France et d'opérer une mutation, dans le prolongement de ce qui a été voulu en 2008 et lors de la réforme territoriale, dans un contexte où les outils se perfectionnent, où les satellites ont un rôle de plus en plus important et où on n'a plus besoin du même nombre d'observateurs et de stations au sol. De même, les modèles numériques donnent des résultats largement supérieurs à ceux d'il y a dix ans : on a coutume de dire qu'ils nous permettent de gagner un jour de fiabilité tous les dix ans – nous avons ainsi quatre ou cinq jours de très bonne fiabilité aujourd'hui. Cela permet de réaliser cette mutation de notre organisation, qui n'exige plus le même maillage fin sur le territoire. Certes, au regard des intempéries et de l'appui des autorités civiles, il est moins commode d'être plus éloigné de celles-ci, mais on s'organise pour que les préfets, les services de la sécurité civile et les collectivités territoriales puissent avoir les informations qui leur sont nécessaires, en recourant au besoin à des webconférences ou des extranets.

Monsieur Martial Saddier, je suis parti de l'idée que, si je commençais à remettre en cause le programme de réorganisation territoriale de 2008-2012, on aurait un grand flottement dans la structure et du mal à savoir où on devrait aller. D'ailleurs, Mme Royal a conforté ce choix dès qu'elle a pris ses fonctions. C'était, je crois, la seule façon de terminer correctement ce grand chantier.

Sur la COP21, nous sommes très présents et pourvoyeurs d'informations de base et de simulations. Nous avons essayé de mettre sur pied des conférences scientifiques, comme en juillet avec le CNRS, ou sur le climat urbain – volet très important de la recherche – et menons aussi beaucoup d'actions de formation et de vulgarisation. Ce matin, nous avons ainsi édité un nouveau site internet, appelé « climat HD », dans lequel on a par région administrative des éléments sur le climat passé et futur. On va aussi participer au « climat train », qui va partir de Paris pour rejoindre plusieurs autres villes françaises et alimenter les discussions et l'information.

La réforme du statut de Météo France ne me paraît pas la bonne porte d'entrée des évolutions qu'on a à conduire. La réforme territoriale a d'ailleurs un peu péché de ce côté-là. Avant de parler du statut, il faudra d'abord avoir largement redéfini le projet et la mission de l'établissement.

S'agissant de la cohabitation entre radars et éoliennes, comment arbitrer entre deux politiques publiques aussi légitimes l'une que l'autre ? Le radar est indispensable pour connaître la pluie et la prévoir, et l'éolienne, une énergie renouvelable à promouvoir. Il faut donc concilier la politique de sécurité publique qu'est la météorologie et la politique énergétique, ce qui n'est pas facile puisque les éoliennes polluent le signal des radars. De nouvelles règles ont été édictées depuis 2014, allant dans le sens d'une forme d'assouplissement dès lors qu'on arrive à démontrer que l'impact est bien cerné. J'espère qu'on trouvera partout des réponses appropriées, notamment s'agissant du cas que nous avons actuellement en Guadeloupe.

S'agissant des Antilles, nous sommes favorables à être acteur de coopérations locales dans des zones géographiques de ce type, sachant que la Guadeloupe comme la Martinique sont les îles les mieux pourvues en services météorologiques et en outils d'observation de l'ensemble de l'arc antillais. On a d'ailleurs déjà apporté des contributions à l'île de Cuba à la suite d'un tremblement de terre et nous sommes prêts, pour les alertes sur les phénomènes sévères, à jouer aussi un rôle de coopération. Nous le faisons savoir localement ; cela ne dépend pas que de nous, mais nous en avons les compétences et les moyens.

Quant à la fusion des régions, elle n'a a priori pas d'impact pour nous puisque nous n'avons que sept directions interrégionales, qui sont toutes, sauf erreur, dans les chefs-lieux des futures grandes régions.

Nous faisons la distinction des activités commerciales sous l'oeil très attentif de l'Autorité de la concurrence, qui ne manque pas de regarder nos comptes analytiques de façon approfondie. Et depuis l'affaire du recours que nous avions eu de la part d'un de nos concurrents, nous n'avons jamais été inquiétés.

Par rapport aux modèles européens, les nôtres sont excellents, du fait notamment de notre tradition d'ingénierie dans la météo. On peut dire que le centre européen de prévision à moyen terme – au-delà de quatre à cinq jours – a un modèle, sinon meilleur, en tout cas de très bonne qualité, mais par rapport aux services anglais et allemand, qui sont les deux autres plus gros en Europe, nos modèles sont meilleurs.

Concernant les données publiques, nous acceptons bien sûr la politique d'ouverture. C'est une chance pour développer de la valeur et de la richesse. Mais la mise à disposition de ces données qui, pour certaines d'entre elles, était payante et va devenir gratuite constitue une perte de revenus immédiate. En même temps, l'afflux des demandes sur ces données nous oblige, comme je l'ai dit, à prévoir des infrastructures de transmission adaptées. Cela étant, si on nous laisse le temps nécessaire, nous n'avons pas peur de la concurrence. Nous devons apporter de la valeur ajoutée sur ces données aussi bien que n'importe quel service privé qui les utiliserait. Nous voulons, encore une fois, garder le contact avec le client final : si nous étions seulement un pourvoyeur de données, il y aurait beaucoup de souci à se faire sur ce qui resterait à Météo France.

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