Intervention de Gérard Cherpion

Réunion du 29 septembre 2015 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion, rapporteur :

J'avais pourtant cru entendre, à travers certaines déclarations d'un ministre, qu'il existait des possibilités d'évolution sur divers sujets. Nous verrons bien ce que décidera la commission…

La période que nous traversons se caractérise par une croissance faible : probablement 1 % cette année, peut-être moins encore étant donné l'atonie du deuxième trimestre. Cette croissance « molle », en tout état de cause, ne crée pas d'emplois. Nous comptons 5 536 000 demandeurs d'emploi dans les catégories A, B et C, et nos entreprises n'investissent plus faute de confiance. Or celle-ci ne peut se construire que lorsque le discours pro-entreprise du Gouvernement – le Premier ministre a été jusqu'à dire : « J'aime l'entreprise » – est constamment infirmé par des dispositions contraires à cet esprit.

C'est pourquoi la présente proposition de loi vise l'abrogation d'un certain nombre de mesures qui nous semblent en contradiction avec ce discours, en ce qu'elles imposent aux entreprises des contraintes supplémentaires sans apporter de mieux-être aux salariés.

L'article 1er tend à supprimer le compte de prévention de la pénibilité, notion qui partait au demeurant d'une bonne intention et était d'ailleurs déjà reconnue, en fonction de critères médicaux. Aujourd'hui, le dispositif est bien trop complexe, ainsi que le Gouvernement l'a lui-même reconnu en supprimant la fiche individuelle, impossible à remplir par les entreprises, et en limitant le nombre des critères – ce qu'il faut porter à son crédit. En 2030, le coût supporté par les entreprises s'élèvera à 2,5 milliards d'euros, pour un montant de cotisations de 800 millions, soit un écart considérable. Il s'agit ni plus ni moins que de constituer, à terme, un nouveau régime spécial de retraite, ce qui va à contre-courant de ce qu'il faut faire.

Ce compte se trouve désormais dissous, qui plus est, dans un « compte personnel d'activité » ; ces fluctuations incessantes sont cause d'une grande insécurité juridique et rendent notre système toujours plus complexe. Il nous semble que l'application des lois relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, de la réforme des retraites de 2010 ainsi que du dispositif des carrières longues, serait suffisante, moyennant quelques améliorations éventuelles, alors que le dispositif actuel ne fait que créer un frein à l'emploi.

L'article 2 vise la suppression de la durée minimale hebdomadaire de 24 heures, dont notre commission a déjà largement débattu. Cette disposition résulte, il est vrai, de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, ce qui marque d'ailleurs la limite entre l'exercice de la démocratie sociale et celui de la démocratie politique, et certains des signataires de l'accord ne cachent pas aujourd'hui leurs regrets. Elle constitue une barrière psychologique, alors que des dérogations existent déjà, notamment pour les étudiants de moins de vingt-six ans ou pour les métiers de l'aide à domicile, où les plages de travail sont souvent courtes et réparties dans la journée. Nos voisins européens ont su, eux, résister à la crise de 2008 en recourant au travail à temps partiel.

L'article 3 tend à abroger plusieurs dispositions de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange », qui était en fait la traduction d'un engagement du candidat François Hollande. Force est de constater qu'elle n'a en rien empêché les fermetures d'entreprises, qu'elle pose même plus de problèmes qu'elle n'en résout, comme je peux le constater dans ma région, et qu'elle constitue un obstacle psychologique aux investissements étrangers.

L'article 4 tend à abroger certaines dispositions, notamment en matière d'information obligatoire des salariés, de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, qui entravent la création d'entreprises de taille intermédiaire, ainsi que le Gouvernement l'a reconnu en revenant partiellement dessus dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

L'article 5 tend à supprimer la majoration de la part patronale de la contribution d'assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée. Cette part, normalement fixée à 4 % tandis que la part salariale est de 2,4 %, est en effet portée à 7 % pour les contrats d'une durée égale à un mois, à 5,5 % pour ceux d'une durée comprise entre un et trois mois et à 4,5 % pour les contrats d'usage d'une durée inférieure ou égale à trois mois. Certes, ces contrats présentent un risque de précarisation des salariés, et nous ne contestons pas le principe, au demeurant retenu par l'ANI déjà mentionné, d'une modulation des cotisations destinée à faire supporter par les employeurs le coût social de leurs décisions, mais il convient, pour que de telles mesures aient une chance de provoquer un recours plus massif aux contrats à durée indéterminée (CDI), de libérer les entreprises des charges financières et administratives qui pèsent sur elles. Par ailleurs, il ressort des données fournies par l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) que les recettes effectives sont de 70 millions d'euros au lieu des 257 millions espérés, soit un gain sans commune mesure avec la complexité engendrée par le dispositif.

L'article 6 tend à lever les obstacles au financement de l'apprentissage créés par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, qui a restreint le nombre d'établissements éligibles au barème de la taxe d'apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d'établissement susceptibles d'y prétendre. Certes, la régionalisation de la taxe a permis de renforcer les moyens des régions, passés de 1,529 milliard d'euros en 2012 à 1,653 milliard en 2015, mais la part de la taxe dite « barème » a été, quant à elle, diminuée en 2015 d'environ 50 millions d'euros supplémentaires par rapport à son évolution tendancielle, orientée à la baisse depuis 2011. Ont été ainsi exclus du financement les écoles et campus créés sur l'initiative des entreprises, soit 1 400 établissements privés formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs. Cet état de fait, ainsi que l'a reconnu le Premier ministre, obère ce qui constitue une voie vers l'emploi.

L'article 7, enfin, tend à supprimer le plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises. Un décret a certes été pris la semaine dernière, qui relève ce plafond de 10 % à 15 % de l'effectif d'une entreprise ; il me semble cependant que ce n'est pas une affaire de quotas, mais de responsabilité du chef d'entreprise, à charge pour l'Inspection du travail de contrôler les conventions de stage et leur respect. Cette mesure diminuera inévitablement le nombre total des stagiaires et induira une nouvelle insécurité juridique pour les entreprises, dont certaines prévoient déjà de ne plus prendre de stagiaires ou d'en prendre moins, alors que 1,6 million de conventions de stage sont signées chaque année en toute légalité dans le cadre d'un cursus scolaire et universitaire.

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