Intervention de Patrick Mennucci

Réunion du 30 septembre 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mennucci :

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, la commission d'enquête a proposé à l'unanimité le rétablissement de l'autorisation de sortie du territoire pour des raisons qui sont en grande partie celles que vous avez évoquées à l'instant.

Rappeler que le vote de la loi qui a précédé la circulaire gouvernementale du 20 novembre 2012 a été obtenu à l'unanimité de l'Assemblée nationale devrait permettre d'ôter tout aspect polémique à ce débat. Il ne peut donc pas y avoir dans cette discussion de volonté de mettre certains d'entre nous en difficulté. C'est ainsi que s'est exprimé le rapporteur et je l'en remercie.

Je vais voter en faveur de cette proposition de loi, mais permettez-moi toutefois quelques mots. Il ne faut pas sacraliser l'autorisation de sortie du territoire. Bien d'autres problématiques peuvent malheureusement conduire un mineur à se retrouver hors du champ de l'autorité parentale sur un territoire extérieur, voire sur un territoire ennemi.

Si nous rétablissons l'autorisation de sortie du territoire, nous devons aussi prendre en compte les critiques formulées au moment de sa suppression afin que cette mesure soit applicable et efficace. Tout d'abord, ce document est falsifiable. On raconte que, dans certaines municipalités, les mineurs pouvaient venir eux-mêmes déposer leur dossier. J'ai été maire et je ne l'aurais pas accepté ; j'ai toujours exigé du personnel de l'état civil que le dépôt du dossier se fasse en présence du ou des parents. Nous devons reprendre cette question et peut-être la traiter par voie d'amendement en séance publique.

Rappelons aussi que la détention d'un passeport valait, pour un mineur, présomption d'autorisation permanente de sortie du territoire. Un passeport attribué en 2015 à un mineur de douze ans sera toujours valable en 2020 alors que ce même mineur sera âgé de dix-sept ans. C'est aussi une question sur laquelle nous devrons nous pencher.

Une autre critique porte sur le travail qu'établir cette autorisation représentera pour les personnels habilités des mairies ou des gendarmeries dans les zones rurales. Alors que nous devrions plutôt réduire leur charge de travail, c'est une objection que l'on peut entendre.

Soucieux d'effectuer un suivi du travail de la commission d'enquête, son président Éric Ciotti et moi sommes en discussion avec le ministère de l'Intérieur sur ces questions et d'autres, ainsi qu'avec le ministère du Budget concernant la préparation du jaune budgétaire sur le terrorisme. Depuis la parution de la circulaire en 2012, le Gouvernement a incontestablement travaillé sérieusement sur ce dossier, notamment par l'intermédiaire de la plateforme de signalisation. Cette dernière a permis de faire prononcer par le procureur de la République un certain nombre d'interdictions de sortie du territoire pour des mineurs contre leur volonté, parfois contre celle de leurs parents ou parfois à la demande de ces derniers. De nombreuses statistiques montrent les difficultés de l'exercice. Mais le chiffre est faible : ce dispositif concerne quatre-vingt-sept personnes.

Nos services indiquent qu'aujourd'hui quatre-vingt-dix mineurs environ sont présents dans les territoires à cheval sur l'Irak et la Syrie, la plupart ayant accompagné leurs parents. Quinze mineurs seraient porteurs d'armes, notamment dans une organisation appelée « Lionceaux du Califat » qui entraîne des enfants soldats dans un cadre tout à fait répréhensible. Nous sommes bouleversés de savoir que des enfants français peuvent être soumis à de telles violences, même s'ils pratiquent eux-mêmes la violence.

Je voterai donc votre proposition de loi, non sans répéter que nous ne pouvons pas nous contenter de rétablir l'autorisation de sortie de territoire pour les mineurs ; il faut le faire en évitant les problèmes qui existaient avant son abrogation. Nous devons entrer en dialogue avec le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve pour obtenir des réponses aux questions qui ont été posées.

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