Intervention de Yannick Moreau

Séance en hémicycle du 8 octobre 2015 à 9h30
Modifier les dispositions relatives à l'accueil et l'habitat des gens du voyage — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Moreau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Une telle situation est inacceptable. À la suite des dizaines d’incidents recensés cet été, qui heureusement ne sont pas tous devenus des accidents ni des drames, le droit en vigueur doit être modifié afin d’équilibrer les droits et les devoirs entre les groupes de gens du voyage et les collectivités qui les accueillent. Celles-ci n’ont actuellement que le droit de subir l’occupation illégale de terrains sans pouvoir réellement s’y opposer ni y mettre un terme pendant une dizaine de jours au moins. La proposition de loi qu’Annie Genevard et moi-même avons déposée vise précisément à rééquilibrer les droits et les devoirs, objectif que la proposition de loi déposée en juin par M. Raimbourg et M. Le Roux n’a pas atteint.

En effet, ce sont les gens du voyage, y compris ceux qui s’installent illégalement sur des terrains, qui bénéficient aujourd’hui de la protection de la loi. Nous voulons que, demain, les collectivités et les Français sédentaires en bénéficient eux aussi contre les occupations illégales de terrains.

Dressons un rapide inventaire du droit en vigueur. En contrepartie d’une obligation d’accueil des communes, le législateur a prévu deux régimes réprimant l’installation de campements illicites sur le terrain d’autrui, consacrant ainsi le principe selon lequel la liberté des uns s’arrête là où commence la propriété des autres. Défendue par Louis Besson, la loi du 5 juillet 2000 procède de la recherche d’un équilibre entre la liberté d’aller et venir, le droit à un logement décent et le droit de propriété.

Ses dispositions sont articulées en trois volets. Le premier prévoit l’aménagement en quelques années d’un nombre d’aires suffisant pour faire face aux besoins en imposant notamment aux communes de plus de 5 000 habitants un délai pour réaliser les investissements nécessaires et en prévoyant que l’État se substitue à elles en cas de carence. Le deuxième comporte plusieurs dispositions destinées à soutenir financièrement les communes en matière de réalisation et de gestion des aires d’accueil. Le troisième renforce les moyens juridiques de lutte contre les occupations illicites. Selon une logique de donnant-donnant, cette loi a introduit un principe clair selon lequel seules les communes respectant leurs obligations peuvent interdire le stationnement sauvage et faire respecter cette interdiction. En pratique toutefois, la complexité des procédures nécessaires pour obtenir une évacuation de résidences mobiles rend cette possibilité largement théorique, ce qui a mené à la modification de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 par la loi du 5 mars 2007.

Le préfet s’est ainsi vu attribuer le pouvoir de mettre en demeure les propriétaires des résidences mobiles des gens du voyage stationnant irrégulièrement sur des terrains publics ou privés de mettre un terme à cette occupation. Il prend cette décision à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain. Sa décision est immédiatement exécutoire moyennant un délai qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Cette procédure suppose toutefois que certaines circonstances soient réunies : le terrain occupé illégalement doit être situé sur le territoire d’une commune respectant ses obligations et l’occupation illicite doit être de nature à porter atteinte à l’ordre public, c’est-à-dire à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité.

À l’issue du délai fixé par l’arrêté de mise en demeure, le préfet est autorisé à procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles. Toutefois, les occupants, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain ont le droit de contester la mise en demeure devant le tribunal administratif. Ce recours a un caractère suspensif mais le président du tribunal administratif ou son délégué doit se prononcer dans les soixante-douze heures.

Or un tel régime de police administrative n’a pour objectif que la fin du trouble à l’ordre public et la restauration de la tranquillité publique – résultats qui, s’agissant de l’installation d’un campement sauvage, seront obtenus par l’éviction ou, dans la plupart des cas, le départ volontaire des occupants à l’heure et au moment qu’ils auront choisi. Il n’offre pas la possibilité de sanctionner ceux qui se sont rendus coupables de ces agissements, même en cas de récidive, ni de réparer les dégâts qu’ils ont causés ou le préjudice subi par ceux dont le bien a été illégalement occupé.

La sanction et la réparation relèvent toujours du régime pénal. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a introduit dans le code pénal l’article L. 322-4-1 réprimant de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende l’installation en réunion et sans autorisation sur le terrain d’autrui en vue d’y établir une habitation même temporaire. L’infraction est constituée lorsqu’elle a lieu sur un terrain privé ou appartenant à une commune qui n’est pas inscrite au schéma départemental ou qui respecte les obligations fixées par celui-ci en matière d’installation d’aires d’accueil. Si l’installation a eu lieu au moyen de véhicules automobiles, le code pénal prévoit qu’il peut être procédé à leur saisie immédiate en vue de leur confiscation – à l’exception des véhicules destinés à l’habitation – et à la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus. Malheureusement, comme on le constate chaque année dans des centaines de communes de France, ce dispositif ne permet pas d’obtenir l’éviction des campements illicites dans des délais satisfaisants.

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