Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 8 octobre 2015 à 9h30
Modifier les dispositions relatives à l'accueil et l'habitat des gens du voyage — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la problématique de l’accueil et de l’habitat des gens du voyage témoigne de la réalité des enjeux auxquels les élus locaux sont confrontés chaque jour, lorsqu’il s’agit d’assurer une cohabitation harmonieuse entre les différents modes de vie d’une population. En matière d’accueil et d’habitat des gens du voyage, de nombreux problèmes subsistent : la mise en place insuffisante des aires d’accueil, l’émergence de nouvelles tensions liées aux grands passages ou encore la scolarité des enfants.

Trop souvent, comme l’a souligné Mme Genevard, les élus locaux, maires et présidents d’établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – ont le sentiment d’être démunis face au stationnement illicite de caravanes, en petit comme en grand nombre, stationnement qui, à mesure qu’il se prolonge, crée des situations conflictuelles avec les populations locales. Les nombreux textes écrits et discutés sur le sujet démontrent combien il est difficile de légiférer sur ce thème. Depuis 2012, nous en avons débattu à de nombreuses reprises. En juin dernier, nous avons examiné la proposition de loi du groupe SRC, relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

Cette proposition de loi, encore en navette, comportait quelques dispositions que nous jugions nécessaires. L’abrogation de la loi du 3 janvier 1969 visait à mettre fin au régime spécifique des gens du voyage. Elle supprimait ainsi des mesures aussi discriminatoires que le carnet de circulation, considéré par le Conseil constitutionnel comme une atteinte à l’exercice de la liberté d’aller et venir, ou encore l’obligation de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour permettre une inscription sur la liste électorale. On peut en effet considérer que ces dispositions procèdent d’une juste réintégration des gens du voyage dans le droit commun de la République.

Toutefois, si une adaptation de la loi du 5 juillet 2000 est nécessaire, elle doit se faire dans le respect d’un juste équilibre entre les droits et les devoirs réciproques des collectivités territoriales et des gens du voyage. Alors que nous reprochons à la proposition de loi du groupe SRC de renforcer les droits tant des gens du voyage que des collectivités sans s’assurer en contrepartie que chacun ait bien conscience de ses devoirs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui semble davantage respectueuse de cet équilibre.

Elle prévoit en effet de renforcer la procédure et les sanctions pénales, de faciliter la mise en oeuvre de la procédure administrative d’éviction forcée, de réaffirmer le rôle de l’État dans la gestion du bon ordre des grands passages, d’assurer une juste tarification des aires d’accueil et de favoriser l’intégration scolaire des enfants des gens du voyage. Juste contrepartie de l’obligation d’accueil des communes, elle prévoit deux régimes réprimant l’installation de campements illicites sur le terrain d’autrui.

La mise en oeuvre du régime de sanction pénale et du régime de police administrative ne permet pas d’obtenir une éviction des campements illicites dans des délais satisfaisants, chacun le sait ici. En effet, la voie pénale reste sous-utilisée et la procédure administrative n’est pas assez effective. L’article 1er permet ainsi de renforcer les sanctions pénales en doublant les peines encourues pour installation illicite en réunion d’une habitation sur un terrain appartenant à autrui. Il s’agit ainsi d’instaurer un dispositif plus dissuasif alors que la procédure se révèle coûteuse et lente à mettre en oeuvre.

La proposition de loi prévoit également de raccourcir et de systématiser la mise en oeuvre de la procédure administrative d’éviction forcée. Plusieurs articles modifient cette procédure permettant au maire ou au président de l’EPCI à fiscalité propre, au propriétaire ou à l’usager du terrain occupé, de demander au préfet de mettre en demeure les occupants d’évacuer les lieux et de procéder à cette éviction.

Enfin, cette proposition de loi a le mérite d’évoquer la problématique des grands passages. Confondant encore largement aires d’accueil et aires de grand passage, la loi n’a pris en compte cette problématique que de façon partielle et progressive. Or nous sommes tous d’accord pour reconnaître que l’accueil de quelques véhicules et caravanes n’est en rien comparable à l’afflux de plusieurs dizaines ou même centaines de véhicules qui se produit lors de grands rassemblements. Un simple schéma départemental n’est pas en mesure de répondre à cette problématique. La proposition de loi confie ainsi explicitement à l’État et à son représentant la responsabilité du bon ordre pour les grands passages ainsi que pour les grands rassemblements occasionnels ou traditionnels des gens du voyage.

Enfin, le texte prévoit plusieurs mesures qui vont dans le bon sens et qui figurent également dans la proposition de loi du groupe SRC. Je pense à celle qui permet au propriétaire d’un terrain affecté à une activité économique dans une commune non inscrite au schéma départemental de demander au préfet de mettre en demeure les occupants d’un campement illicite d’évacuer les lieux. En effet, le droit en vigueur ne lui permet que d’avoir recours à une procédure en référé devant le tribunal de grande instance.

Je pense également à la mesure visant à assurer que la tarification des aires d’accueil soit juste et équitable, en harmonisant ces tarifs sur l’ensemble du territoire national. Aujourd’hui, les écarts de tarifs d’une commune à l’autre peuvent être très importants, certaines communes pratiquant des coûts importants pour dissuader les gens du voyage de s’installer dans l’aire d’accueil. La présente proposition de loi va d’ailleurs plus loin que le texte adopté en juin dernier à l’Assemblée puisqu’elle fait de l’uniformisation de cette tarification un principe législatif.

Enfin, nous saluons la disposition qui permet l’inscription des enfants des gens du voyage dans plusieurs établissements scolaires. La reconnaissance de ce droit est une juste contrepartie aux devoirs rappelés dans ce texte.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, en raison de l’équilibre qu’elle instaure et des avancées qu’elle prévoit, la majorité des députés du groupe UDI votera en faveur de cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion