Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la situation économique morose que traverse notre pays persiste et, bien que les années se suivent, les comptes de la Sécurité sociale ne se ressemblent pas. Personne ne conteste ici qu’il soit de notre devoir de combler au mieux nos déficits afin de laisser aux générations futures un pays aux finances saines, tout en instaurant une politique de santé de qualité, et cela alors que la Sécurité sociale fête son soixante-dixième anniversaire.

Toutefois, oeuvrer pour des finances saines, en demandant à tous un effort de solidarité, ne peut se faire sans créer des situations difficiles. Dans ce contexte, il est plus que jamais de notre responsabilité de maintenir une cohésion nationale et sociale, ainsi qu’un socle républicain solide. Les mesures doivent répondre au souci d’un budget équilibré tout en prenant en compte la variable de l’équité et de la solidarité, et ce, sans créer d’inégalités.

Avec ce texte, le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse devrait atteindre 9,7 milliards d’euros en 2016, retrouvant ainsi le niveau d’avant la crise. Ramener le déficit du régime général à un niveau proche de l’équilibre : cela n’a jamais été constaté depuis 2002, et nous pouvons nous en féliciter ! À cet égard, je note que l’opposition tire à boulets rouges sur ce PLFSS et son déficit, qui se réduit, alors même que les progrès budgétaires que nous constatons sont, pour partie, les fruits d’une réforme parfois décriée sous la précédente majorité.

L’Objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM –, sous-exécuté en 2014, devrait être respecté en 2015 ; il sera donc revu à la baisse en 2016. La progression sera bloquée à 1,75 % l’an prochain, contre 2,1 % cette année. Si l’on peut se féliciter de ce taux historiquement bas qui permettra de pérenniser notre système de santé, il faut toutefois souligner qu’il aura des conséquences sur les territoires, particulièrement sur les territoires ruraux – je pense notamment à la rationalisation des transports et au risque de renoncement aux soins qu’elle comporte. Mais il aura aussi un effet sur la branche maladie – la plus déficitaire des quatre branches.

Madame la secrétaire d’État, les économies sur l’industrie du médicament sont problématiques. À nouveau, et comme depuis plusieurs années, elles sont majorées. Certes, elles sont ciblées et, de ce fait, plus faciles à réaliser à court terme. Mais il est malheureux de constater que, pour cette année encore, et comme depuis quatre ans, les coupes sont drastiques. Alors que le médicament représente 11 % des dépenses, 50 % des économies se font à son détriment !

C’est encore un signal négatif qui est envoyé à l’industrie pharmaceutique. Pourtant, celle-ci participe singulièrement à l’innovation dont notre pays a besoin et aux investissements industriels. Les mesures d’économies sur le médicament ont des conséquences désastreuses. Elles peuvent entraîner des délocalisations, des pertes d’emplois, une diminution des investissements en matière de recherche clinique. Et je ne mentionnerai pas le déclin des exportations, l’assèchement des capacités françaises d’innovation, ou encore la diminution drastique des investissements productifs. Alors que l’on invoque la croissance et l’emploi pour notre pays, force est de constater que, dans ce secteur, nous serons bientôt distancés par nos voisins européens !

Quant à la répartition pharmaceutique, élément essentiel du maillage du territoire pour les pharmacies, elle perd 50 millions d’euros avec ce PLFSS, ce qui fragilise toute la chaîne du médicament. Les acteurs de la répartition pharmaceutique assurent au quotidien une mission vitale de service public, en garantissant un accès égal au médicament sur l’ensemble du territoire. Le financement de la distribution des médicaments génériques est un élément important de cette problématique. Nous proposerons donc dans un amendement que la profession soit exonérée de la taxe sur la vente de médicaments génériques. Cette mesure est nécessaire à la stabilité de la profession. Une taxe additionnelle sur la vente de tabac permettrait de compenser la perte de recettes pour l’État.

Le réseau officinal est de plus en plus sinistré, surtout en milieu rural. La désertification pharmaceutique succède à la désertification médicale. La fin du professionnel de santé de premier recours aura un coût très lourd en termes de santé publique pour les patients. Dès lors, il est impératif de mettre en oeuvre des mesures concrètes et immédiates pour soutenir l’ensemble du réseau. Je le rappelle : une pharmacie ferme tous les deux jours en 2015 et 400 fermeront en 2016. Telle est la réalité !

Les baisses de prix des produits matures sont présentées comme devant compenser les prix élevés des nouveautés comme le traitement de l’hépatite C. Il s’agit en réalité d’un leurre, car ces nouveautés sont dispensées par les pharmacies hospitalières, et comptabilisées dans les dépenses de ville. Le résultat est donc négatif pour le réseau officinal.

Il en va de même pour l’annulation de crédits hospitaliers d’environ 425 millions d’euros, prévue pour tenir l’objectif de réduction du déficit de l’assurance maladie : elle conduit à l’augmentation du déficit, déjà lourd, des établissements. En 2014, la même mesure avait creusé le déficit des hôpitaux de 400 millions d’euros !

Refusant les propositions du rapport Polton pour une réforme du mécanisme de remboursement des médicaments, la ministre de la santé a confirmé qu’elle était, à la différence de ses prédécesseurs, opposée au déremboursement des médicaments. Mais ce déremboursement existe ! Il est décidé par la commission de transparence, sous des prétextes scientifiques et avec une évaluation désuète du service médical rendu. C’est le cas des anti-arthrosiques, dont le déremboursement est dénoncé par 1,5 million de patients, qui ont signé une pétition à cet effet.

Enfin, nous pourrions faciliter la médication de premier recours dans le parcours de soins, comme c’est le cas dans la plupart des pays d’Europe.

J’aimerais également revenir sur l’article 42. Les amendements que nous avons déposés pour améliorer le dispositif ont été rejetés car ils contrevenaient à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Nous déplorons que les dispositions relatives à la santé visuelle n’aient pas vraiment été négociées avec les acteurs de la branche. L’article 42 ne permet pas de susciter de manière satisfaisante le développement du « travail aidé » avec des professionnels paramédicaux à tarifs opposables. En effet, un contrat non renouvelable de trois ans ne sera pas très incitatif.

Par ailleurs, ceux qui le souhaiteront ne pourront travailler avec des orthoptistes libéraux que dans les maisons de santé et les centres de santé, alors que les cabinets libéraux d’ophtalmologie sont plus nombreux. Cela ne permettra pas de mobiliser tous les moyens pour la modernisation du secteur. L’extension du contrat collectif aux ophtalmologistes et orthoptistes qui se seraient regroupés pour former un pôle de santé ophtalmologique aurait été nécessaire pour atteindre l’objectif de l’article 42, qui est la réduction des délais d’attente. C’est la recommandation no 10 du rapport de l’IGAS de Dominique Voynet.

Cependant, nous partageons un certain nombre de propositions de ce projet de loi. La première concerne l’instauration d’une véritable protection universelle maladie qui devrait voir le jour en 2016, accompagnée d’une simplification des conditions requises pour ouvrir le droit à remboursement mais surtout avec des droits désormais servis à chaque assuré individuellement. La carte Vitale, qui aura potentiellement vocation à durer toute la vie de l’assuré, devrait être proposée dès l’âge de 12 ans.

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