Intervention de Jean-Louis Roumegas

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Après l’examen particulièrement rapide de ce texte par la commission des affaires sociales, je remercie nos collègues rapporteurs, ainsi que la présidente de la commission, pour leur investissement, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint par les choix du Gouvernement.

Je rappelle aussi l’attachement du groupe écologiste à notre système de protection sociale qui, depuis soixante-dix ans, assure contre vents et marées nos politiques de solidarité.

Au cours des deux premières années, le groupe écologiste a soutenu la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses, parce qu’elles lui paraissaient nécessaires, dès lors qu’elles étaient réalisées dans un souci de justice et que le niveau des prestations sociales était maintenu, voire augmenté pour les plus faibles.

En ces jours de commémoration de la naissance de la Sécurité sociale et compte tenu des contraintes budgétaires et de l’explosion de maladies chroniques – j’insiste sur ces deux points – l’enjeu est non seulement la pérennité de notre modèle social, auquel les Français sont très attachés, mais aussi la nécessité de faire face à la crise sanitaire.

Cependant, la logique a changé depuis l’application du pacte de responsabilité voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Le Gouvernement s’est en effet engagé dans une politique dite de relance, fondée sur la compétitivité par la baisse du coût du travail, qui s’est traduite par une exonération de cotisations sociales pour les entreprises sans contrepartie ni condition. Cette politique représentait alors 6,3 milliards, mais, le curseur s’étant déplacé, elle coûte 3,5 milliards de plus. En outre, certaines prestations, notamment les aides personnalisées au logement, sont transférées au budget général de l’État.

L’exonération de la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés – passera de 3,25 millions à 19 millions de chiffre d’affaires. Cela se traduira par une perte de recettes d’1 milliard, alors que l’ONDAM progressera de 1,75 %, soit plus de 3 milliards, passant d’environ 475 à 478 milliards.

Depuis le début, nous avons contesté ces mesures, que nous ne croyons ni efficaces ni justes, et qui n’ont hélas produit aucun résultat positif en termes d’emploi. Nous ne pouvons soutenir des dispositions qui grèvent, une année encore, les ressources du budget de la solidarité nationale. C’est pourquoi nous défendrons des amendements de suppression des articles 7 et 8.

Le Gouvernement répète à l’envi que l’État compensera ces pertes de recettes pour la Sécurité sociale. Cependant, l’examen du PLF pour 2016, qui est en cours, met en évidence les coupes budgétaires dans des domaines aussi essentiels que les dotations aux collectivités locales ou l’écologie.

Comment maintenir la qualité des soins et responsabiliser tout un chacun quand les exonérations bénéficient principalement aux entreprises ? Il n’a échappé à personne que les exonérations initialement prévues au bénéfice des salariés en dessous du seuil de 1,3 SMIC ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, ce qui déséquilibre l’engagement initial.

Nous saluons cependant la cohérence de la ministre qui, avec détermination, tente de tenir les deux termes d’une approche contradictoire, car il lui faut faire face à des besoins croissants d’accompagnement et de soins quand ses collègues de Bercy lui imposent année après année une réduction drastique des ressources.

Les réformes structurelles qui ont été engagées, madame la secrétaire d’État, ont permis de réduire significativement le déficit du régime général et du Fonds solidarité vieillesse. Cela a été dit. Une diminution de 8 milliards d’euros, soit de presque 40 %, entre 2011 et 2015, cela mérite d’être saluée.

Bien entendu, nous soutenons certaines mesures du PLFSS, comme celles qui visent à lutter contre l’abus des médicaments, par la promotion des génériques, à développer l’ambulatoire et à maîtriser le nombre d’examens et de diagnostics parfois inutiles et fastidieux. Ces mesures vont dans le bons sens, tout comme l’effort consenti en faveur de l’autonomie des personnes handicapées : l’augmentation de 2,1 % est un rattrapage utile et attendu.

La création d’une protection universelle et continue annoncée par le Président de la République, tenant compte de l’évolution des changements de vie et des ruptures potentielles de couverture, nous interpelle positivement, mais nous attendons les moyens concrets de sa mise en oeuvre.

Nous approuvons votre volonté de renforcer encore l’accès à la contraception et l’autonomie des femmes, avec notamment la fin du statut d’ayant droit. Les caisses d’allocations familiales pérenniseront le versement de 100 euros mensuels aux mères isolées, abandonnées par des conjoints indélicats. Cette mesure de solidarité est positive.

La gratuité qui s’applique au dépistage du cancer du sein sera étendue aux examens supplémentaires réalisés pour les femmes présentant un risque plus élevé. Des programmes de prévention de l’obésité chez les jeunes enfants seront expérimentés. La gratuité et la confidentialité du parcours de contraception des mineures seront garanties. Nous souhaitons d’ailleurs porter ce dernier sujet plus loin et ouvrir le débat sur la contraception masculine.

En revanche, nous regrettons la faiblesse des moyens consacrés à la prévention primaire, alors même que la loi santé a introduit le concept majeur d’exposome. Nous restons convaincus que ce sont les investissements dans la prévention qui feront les économies de demain.

On ne peut maîtriser les enjeux budgétaires sans répondre à la crise sanitaire : c’est d’abord la multiplication de maladies chroniques non transmissibles qui grève durablement les comptes de l’assurance maladie. Faut-il rappeler l’impact sanitaire de nos modes de transport, du diesel et des particules fines sur la qualité de l’air que nous respirons ? Son coût se monte à 97 milliards par an selon le compte rendu de la commission d’enquête sénatoriale, sans parler de la qualité de l’air intérieur où nous passons 80 % de notre temps et dont l’ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – évalue l’impact sanitaire à 19 milliards par an.

La révélation sur la tricherie du groupe Volkswagen sonne le glas du tout-diesel. Des mesures ont été votées pour favoriser la convergence de la fiscalité de l’essence et du diesel. C’est un premier pas. De même, nous saluons les annonces, qui restent à confirmer, sur l’augmentation des primes à la conversion des véhicules roulant au diesel. Notons au passage que l’avantage fiscal accordé à ce carburant a coûté entre 7 et 8 milliards par an, selon un rapport de la Cour des comptes.

On ne peut renvoyer à la seule responsabilité des usagers et des patients la prolifération de maladies émergentes liées au choix de mode de transport et exonérer les pollueurs de tous ordres. C’est pourquoi nous défendrons à nouveau des amendements visant à limiter l’usage du diesel et d’autres tendant à renforcer la lutte antitabac, à sensibiliser aux méfaits de la mauvaise alimentation – l’huile de palme par exemple – et à prévenir les risques liés à l’usage abusif du médicament ou à la systématisation de certaines campagnes de vaccination. Je pense en particulier qu’une évaluation bénéfices-risques s’impose concernant le Gardasil.

Certains nous opposeront le maintien de l’emploi et l’évolution de notre modèle sanitaire. Ce débat est dépassé. Le monde industriel doit engager sa mutation par l’innovation et conformément au principe de précaution. On ne peut d’ailleurs que s’interroger sur les relais actifs, au sein de notre assemblée, de groupes de pression industriels, pharmaceutiques et agroalimentaires.

Inutile de caricaturer mon propos en arguant que nous créerions une panoplie de taxes supplémentaires ! Taxer n’est pas notre obsession. Il s’agit au contraire de renforcer les pratiques vertueuses, de donner une chance à des alternatives en les soutenant, de sortir de la multiplication des contentieux et de tracer la voie d’une société apaisée.

Si demain des crises sanitaires se multiplient parce que certaines alertes n’ont pas été entendues, il serait dommage que seuls les pouvoirs publics en portent la responsabilité et en assument les conséquences.

Enfin, la généralisation de la complémentaire santé est une bonne mesure. Cependant, nous défendrons un amendement visant à garantir la qualité des prestations.

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