Intervention de Sophie Rohfritsch

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Rohfritsch :

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, le PLFSS n’est pas un simple document financier. Il devrait être le socle sur lequel repose la politique de santé publique, au coeur de notre modèle social. Le document qui prévoit son financement pour l’année à venir devrait être visionnaire, pour permettre à notre système de protection sociale de rééquilibrer ses ressources, certes en faisant des économies, mais surtout en innovant. Innover en 2016 suppose notamment de tenir compte de l’évolution des pratiques et des expérimentations locales, mais aussi du développement de nouvelles technologies médicales.

Pour les pratiques expérimentales locales, je voudrais m’appuyer sur l’exemple alsacien de l’Eurodistrict. Cette zone de coopération transfrontalière permet d’abolir les frontières administratives. En matière de santé, les opportunités offertes par ce territoire permettent une véritable planification transfrontalière, afin de réaliser des économies d’échelle, en autorisant l’acquisition et la maintenance mutualisées d’équipements lourds et en en planifiant l’accès, de façon à mieux équiper le territoire concerné et à réduire les délais d’attente, qui sont en France excessivement longs.

En effet, la décision d’acquisition d’équipements lourds en Allemagne est prise directement par l’établissement hospitalier, au contraire de la procédure française, longue et complexe. Dès lors, en Allemagne, on n’attend qu’un jour ou deux pour faire une IRM, alors qu’en France, et plus particulièrement en Alsace où 2014 a été une année catastrophique, on peut attendre jusqu’à cinquante-huit jours. Je vous laisse imaginer le désarroi d’un patient attendant un examen complémentaire pour valider ou infirmer, dans le cadre d’un bilan thérapeutique, l’extension d’un cancer par exemple… C’est intolérable !

Dans ce contexte, la zone transfrontalière dont nous proposons la création permet une rapidité d’accès au système d’imagerie. De manière générale, les indications des IRM progressent très fortement dans notre pays. Elles ont, par exemple, augmenté de 32 % pour les cancers de la prostate, alors que, parallèlement, nous installons de moins en moins d’équipements. Le taux de couverture IRM en France est à peine de 10 pour un million d’habitants, alors que l’objectif est de 20 pour un million d’habitants, ce qui est d’ores et déjà le cas dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest. Les projets régionaux de santé, validés par votre ministère, prévoient un rythme de 10 % d’augmentation d’installations d’IRM par an, qui est très loin d’être respecté.

Cependant, vous n’avez absolument pas répondu aux diverses questions que je vous ai posées à ce sujet et vous n’avez pas accepté d’exploiter les possibilités offertes par ce territoire transfrontalier. Au contraire, vos services, par l’intermédiaire de l’Agence régionale de santé, se sont réfugiés derrière l’éventuelle création d’un observatoire des délais d’accès aux IRM, ainsi que derrière une étude détaillée de la pertinence de la prescription des examens par les généralistes ! Ce sujet aurait permis d’innover sur la base d’une expérience territoriale et de réaliser des économies d’échelle.

Après cet exemple, tiré d’une expérience territoriale, je voudrais insister sur l’innovation à l’hôpital. Ce PLFSS ne fait que peu, si ce n’est pas du tout, évoluer l’organisation hospitalière. Les résultats de la recherche en milieu hospitalier tendent à être relativement faibles et ne sont pas du tout à la hauteur des attentes.

Or, se multiplient parallèlement des infrastructures de recherche, nées suite aux appels à projets lancés par les pôles de compétitivité ou au titre du programme d’investissements d’avenir, et qui sont aujourd’hui en mesure de s’équiper. Le risque est grand de voir évoluer en parallèle la recherche et la pratique hospitalière sans que les patients hospitalisés ne puissent avoir accès aux techniques innovantes. De nombreux CHU souffrent aujourd’hui d’un manque de moyens qui les empêche d’acquérir les équipements nécessaires, par exemple aux opérations mini-invasives, ou de les mettre à niveau quand ils en disposent.

La fonte des moyens doit être anticipée puisque, de toute façon, ces techniques se mettront en place et qu’elles entraîneront une baisse des recettes pour l’hôpital. Il est important de réfléchir à cette question mais, je le répète, ce PLFSS ne tient pas du tout compte de ces innovations dans le secteur hospitalier alors qu’elles sont pourtant tout à fait nécessaires.

Il faudrait, et c’est d’ailleurs préconisé par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, engager d’urgence une réflexion nationale sur le mode de gestion et de fonctionnement des grandes plates-formes d’imagerie médicale. Il faudrait aussi disposer d’un recensement exhaustif des cohortes de patients susceptibles d’avoir accès aux nouveaux outils technologiques, comme cela se fait en Hollande ou en Suède. Il est urgent de réaliser des économies, mais il est encore plus urgent de programmer une révolution complète de l’offre de soins. Les performances de nos dépenses de santé ne sont pas établies.

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