Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 22 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Après l'article 17

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

J’ai présenté un Programme national de réduction du tabagisme. Au-delà de ce qui peut nous rassembler – au fond, personne ne se dit hostile à la lutte contre le tabagisme –, au-delà du consensus apparent, ce programme donne lieu, en réalité, à des batailles assez difficiles, et nous voyons bien que la lutte contre le tabagisme est plus que jamais nécessaire.

Les chiffres de la mortalité liée au tabac ont été rappelés à l’instant, et ils ont malheureusement été revus à la hausse dans les dernières études : le tabac fait 78 000 morts par an aujourd’hui, alors qu’il en faisait seulement – si je puis dire – 73 000 il y a quelques années. À cela vient s’ajouter une autre préoccupation : par rapport à l’année 2014, nous constatons une augmentation significative, qui varie selon les catégories de tabac, des ventes de tabac chez les buralistes. Ces chiffres ne sont pas ceux de la consommation, puisque rien ne nous dit que ces ventes sont la seule source de la consommation, mais nous observons en tout cas, à rebours des années précédentes, une augmentation des ventes chez les buralistes.

L’ensemble de ces données appelle à une grande vigilance et à une grande mobilisation. J’ai lancé l’année dernière un plan de réduction du tabagisme qui, du fait du calendrier parlementaire, ne prendra son plein essor que cette année, lorsque la loi de modernisation de notre système de santé aura été votée.

J’appelle donc à la mise en oeuvre résolue de ce plan qui comporte des mesures d’information, des mesures de soutien aux personnes qui souhaitent arrêter de fumer, avec l’augmentation de la prise en charge du sevrage tabagique pour certaines parties de la population, par exemple, ainsi que des mesures d’interdiction renforcées. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, l’interdiction de fumer dans les aires de jeux pour enfants. On pourrait parler aussi de l’interdiction de fumer en voiture lorsque des enfants s’y trouvent. Nous avons également adopté des mesures visant à lutter contre les trafics et les ventes illicites de tabac, car ce sont des sources d’approvisionnement en tabac que nous ne pouvons pas ignorer. Il y a, enfin, la mesure phare, nouvelle, forte, que constitue la mise en oeuvre du paquet neutre.

L’augmentation du prix du tabac peut-elle favoriser la réduction du tabagisme ? Oui, c’est évident, et dire l’inverse n’aurait aucun sens. Les études le montrent. Mais elles montrent aussi que ce type de mesure n’a des effets que pendant un certain temps. Vous avez vous-même rappelé, madame la rapporteure, que des mesures ont été prises en ce sens au début des années 2000, mais que l’on a vite constaté un redémarrage de la consommation.

Nous ne devons évidemment pas écarter la perspective de mesures touchant au prix du tabac dans notre action résolue de lutte contre le tabagisme. Cela étant, au moment où nous nous apprêtons à mettre en oeuvre un plan cohérent de réduction du tabagisme, qui passe par le paquet neutre, par des mesures d’interdiction nouvelles et par une campagne de communication totalement différente de ce qui a été fait par le passé, est-il judicieux que nous dispersions nos efforts ?

Le choix que fait le Gouvernement aujourd’hui n’a pas vocation à durer pour l’éternité. Nous disons seulement qu’un plan de réduction du tabagisme est aujourd’hui sur le point d’entrer en vigueur : nous souhaitons qu’il se mette en place et qu’il déploie ses effets. Nous essayons par ailleurs de convaincre nos partenaires internationaux, et pas seulement européens, d’agir avec nous. Lors de la réunion du G7 qui s’est tenue à Berlin il y a une quinzaine de jours, la question du tabac a fait l’objet d’échanges informels entre presque tous les participants, parce qu’il s’agit évidemment d’un enjeu de santé publique majeur pour l’ensemble des pays du G7, et en réalité pour le monde entier.

Les organismes internationaux, l’Organisation mondiale de la santé, en tête, le placent en haut de leur agenda. Et tous ont salué le plan porté par la France ; les associations de lutte contre le tabagisme – elles me l’ont écrit – ont salué le plan mis en oeuvre par la France et ont réaffirmé leur soutien à celui-ci, y compris au cours des dernières semaines, à l’occasion des débats difficiles que nous avons connus au Sénat.

J’appelle à ce que nous travaillions de concert à la mise en place de cette politique de santé publique, qui n’exclut pas d’autres politiques. Je le répète : nous aurons, dans les mois qui viennent, à approfondir notre politique de lutte contre le tabagisme. La question du prix du tabac sera, comme chaque année, et même comme cela arrive deux ou trois fois par an, reprise, revue, réévaluée, et nous verrons si d’autres réponses peuvent être apportées. Mais, au nom de la cohérence de la politique que nous menons, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

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