Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 20 octobre 2015 à 17h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Madame Langlade, les parlementaires sont sans doute les mieux placés pour comprendre la nécessité de réformer les programmes scolaires puisque la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qu'ils ont adoptée en 2013, constitue le fil rouge de cette démarche. Au-delà des moyens supplémentaires, des postes créés et du retour de la formation des enseignants, ce texte traite de pédagogie, car c'est bien grâce à la pédagogie que l'on fait réussir les élèves.

La loi de 2013 dit la nécessité de faire tourner tous les apprentissages autour d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, que tous les élèves doivent avoir acquis à la fin de leur scolarité obligatoire. Il s'agit d'une sorte de pacte que la nation passe avec les élèves, par lequel elle s'engage à ne plus en laisser aucun sortir du système scolaire à seize ans sans maîtriser ces fondamentaux. Les programmes constituent simplement une déclinaison progressive et cohérente de ce socle tout au long de la scolarité, de l'école primaire au collège. Désormais plus clairs, ils prennent en compte la notion de cycle et laissent le temps à chaque élève d'apprendre. Ils font aussi la part belle à la maîtrise de la langue française, car nous avons tous constaté que beaucoup trop de jeunes quittaient le collège sans être capable d'argumenter, de débattre, de se présenter, et même parfois de lire, ce qui est terrible.

Puisque nous parlons de l'amélioration de l'apprentissage des fondamentaux, je signale que, dès cette rentrée scolaire, sans attendre 2016, nous avons voulu mettre en place, à l'entrée de la classe de CE2, l'évaluation systématique du niveau des élèves en mathématiques et en français, afin que les enseignants s'adaptent aux difficultés de ces derniers.

Monsieur Frédéric Reiss, je crois avoir déjà dit dans cette enceinte que les dépenses en faveur de l'éducation dans notre pays ne sont pas supérieures à celles que consentent les autres pays de l'OCDE. Avec 6,1 % du PIB consacrés à nos élèves, nous sommes dans la moyenne.

Ces dépenses sont-elles toujours engagées de façon efficiente ? La question peut être posée. Pour ma part, j'ai considéré que si nous voulions faire réussir le plus grand nombre d'élèves possible, il fallait mieux allouer nos moyens, par exemple en priorisant des établissements qui cumulent les difficultés sociales. Un travail sur l'allocation progressive des moyens est toujours en cours. Au moins pourriez-vous reconnaître que le Gouvernement a pris à bras-le-corps un sujet sur lequel la Cour des comptes émettait régulièrement des critiques ces dernières années !

En matière de rythmes scolaires, il n'a jamais été dit nulle part que la mise en place des activités périscolaires se ferait sans aucun coût pour les communes : un partage des charges est évidemment prévu. Avant la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, les communes qui s'engageaient dans ce type de dispositif les finançaient seules ; aujourd'hui, l'État aide cette démarche. Celles des villes qui ne faisaient rien du tout ne dépensaient rien, pourriez-vous me rétorquer. Je vous répondrais que nous ne pouvons pas nous satisfaire que des communes se lavent les mains du fait que les gamins, notamment ceux qui vivent des situations sociales difficiles, passent des mercredis entiers devant la télévision. Peut-être pourrions-nous dire collectivement qu'il est bon d'offrir à tous les enfants des activités de loisir, de culture et de sport qui ouvrent le champ de leur horizon. Dans cette nouvelle donne, les communes sont davantage aidées qu'elles ne l'étaient avant la réforme des rythmes scolaires. De plus, l'État n'intervient pas seul : en 2015, la CNAF a versé à ce titre 574 millions d'euros.

Les activités périscolaires peuvent être plus ou moins coûteuses. Elles n'ont, en tout cas, pas besoin d'être « luxueuses » pour être utiles aux enfants. Monsieur Reiss, ce que vous avez dit est faux : la distinction que vous opérez entre communes riches et communes pauvres n'est pas validée empiriquement. Je connais des communes en difficulté financière qui réussissent à organiser des activités périscolaires de très grande qualité sans faire payer les parents. Lorsqu'on y met du sien, on peut obtenir de très bons résultats. La signature d'un projet éducatif territorial constitue sans doute la meilleure façon de proposer des activités périscolaires de qualité, pensées en cohérence avec l'éducation nationale et ses partenaires.

Monsieur Salles, nous nous rejoignons sur la nécessité d'améliorer les savoirs fondamentaux. Peut-être suis-je trop enthousiaste, certains semblent me le reprocher, mais je l'assume, et je trouve formidable que notre pays prenne enfin l'engagement moral auprès de ses enfants de ne plus les laisser sortir du système scolaire à seize ans sans qu'ils maîtrisent les compétences, les connaissances et la culture qui leur permettront de s'insérer professionnellement et de se projeter dans leur vie personnelle. Je trouve formidable que cela soit inscrit dans la loi de refondation de l'école. Il fallait faire s'entendre le Conseil supérieur de l'éducation et le Conseil supérieur des programmes sur ces acquis indispensables : ce n'était pas simple, mais nous avons réussi.

Vous avez évoqué la question du lycée. Les remarques de la Cour des comptes concernent une réforme conduite en 2010 par d'autres que nous. Plutôt que de revenir immédiatement, par idéologie ou sectarisme, sur ce qui avait été fait par la majorité précédente, nous préférons tirer posément le bilan de la réforme des lycées, ce qui sera fait durant cet automne, y compris avec les syndicats. J'ai également demandé aux organisations lycéennes de participer à ce travail, car j'ai pensé qu'il était intéressant d'entendre les jeunes sur des questions pédagogiques. À l'issue de ces travaux, nous verrons comment prendre en considération les remarques de la Cour des comptes.

Madame Attard, j'ai bien entendu vos interrogations. Nous avons beau vouloir donner la priorité à l'éducation nationale, nous ne pouvons pas tout faire en même temps. Depuis 2012, nous avons été obligés de procéder par ordre de priorité. Prenons la rémunération des enseignants, question qui n'a pas encore été évoquée : le budget étant tourné vers la création de 60 000 postes, l'augmentation indispensable qu'il faut veiller à leur offrir viendra dans un deuxième temps. De la même façon, après avoir remis en place la formation initiale, nous nous attelons à présent à la formation continue. Plus de 70 millions d'euros lui seront consacrés en 2016, crédits très utiles pour accompagner les réformes que nous mettons en place mais aussi pour réaliser le plan national de formation continue qui vise à améliorer la professionnalité des enseignants. L'effort important consenti en matière de formation continue pour la période 2015-2016 ne doit pas être une exception liée aux réformes. Nous voulons initier une dynamique appelée à s'amplifier. La formation continue doit être ce qu'elle aurait toujours dû être : un passage quasi-obligé pour tous les enseignants. On apprend tout au long de sa vie, surtout dans ce métier-là.

Monsieur Carpentier, vous appelez de vos voeux des efforts supplémentaires en faveur du dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Vous avez parfaitement raison. Pour la rentrée 2016, nous prévoyons de créer 3 911 emplois dans le premier degré, effort exceptionnel qui permettra de donner de l'ampleur à ce dispositif. Depuis 2012, rappelons que 2 500 emplois ont déjà été créés. Je vous invite à vous reporter au très bon rapport d'étape rédigé par le comité de suivi du dispositif. Il montre que les bénéfices liés à l'arrivée d'un enseignant supplémentaire dans une école ne se limitent pas à la prise en charge des difficultés scolaires au sein d'une classe, ils s'étendent à l'organisation pédagogique de l'établissement dans son entier. Un travail d'équipe peut se mettre en place et se nourrir du regard extérieur ainsi porté.

Enfin, j'aimerais réparer un oubli en répondant à la question de M. Fauré sur les démissions et les non-titularisations d'enseignants. Elles restent très marginales puisqu'elles ne dépassent pas la centaine sur plus de 25 000 enseignants recrutés cette année. Il faut y voir une conséquence du fait que nous avons remis en place une formation initiale pour les enseignants, qui leur permet d'entrer progressivement dans le métier au lieu d'arriver sans rien connaître dans des salles de classe comme c'était le cas auparavant.

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