Intervention de Dominique Bureau

Réunion du 20 octobre 2015 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Dominique Bureau, délégué général du Conseil économique pour le développement durable, président du Comité pour l'économie verte :

Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à toutes les questions qui m'ont été posées… Certaines portent sur les travaux du comité, d'autres sollicitent parfois mon avis personnel ; je vous propose d'y répondre assez directement. On a dit que j'étais un technocrate ; je suis chargé d'essayer de faire en sorte que les dispositifs soient étudiés, sans doute vais-je un peu me cacher derrière cela ! Si nous voulons que les dispositifs d'éco-fiscalité soient acceptés par rapport aux critères de pouvoir d'achat, il faut à la fois donner des explications et des solutions techniques, et je me trouve plutôt du côté de ces dernières. Certaines questions sont encore ouvertes, et je ne donne pas un avis officiel du comité. Toutes celles que vous posez sont des sujets de travail pour le comité, et à part dans certains cas, la réponse ne se trouve pas dans les travaux du comité. Je veux juste préciser que si mes propos vont un peu plus loin que ce qui se trouve dans les travaux du comité, je le fais dans l'esprit de confiance qui est la règle du jeu d'une telle audition.

Beaucoup sont revenus sur le fait qu'il fallait une vision plus globale ; j'en suis d'accord, c'est pour nous un sujet de perturbations. L'OCDE est en train de faire un rapport sur les performances environnementales de la France, ses experts ont réalisé des auditions cet été, alors que la loi de transition énergétique venait de paraître. Qu'il s'agisse de ce qui est prévu par cette loi ou de ce qui a été réalisé sur un temps plus long, notamment sur les déchets ou l'essor du recyclage, ils ont été très surpris. On peut toujours trouver que la bouteille est à moitié vide ou à moitié pleine ; mais là, il s'agit bel et bien d'un regard extérieur – Porte de la Muette… – et ces gens se sont déclarés impressionnés par ce qui a été fait en si peu d'années. Ce qui est perturbant, c'est que cela s'est effectivement fait de manière parfois un peu chaotique.

Vous avez évoqué le travail du comité sur la composante carbone. J'ai essayé de faire en sorte que les économistes ne disent pas qu'il était nul de fixer un prix du carbone nul, et qu'ils reconnaissent que créer l'instrument était utile. Dans beaucoup de pays, y compris en Suède, la fiscalité environnementale a été introduite de manière très progressive, en commençant par des substitutions d'assiettes existantes. Ces expériences nous ont permis de constater que les effets ne sont que progressifs et qu'il faut commencer par créer les assiettes. Le bon impôt étant le vieil impôt, il faut rendre incitatifs les vieux impôts afin qu'ils soient mieux compris. Nous avons été surpris, car ce n'est pas ce que nous aurions suggéré au niveau théorique, mais nous avons ainsi appris que les questions de pouvoir d'achat et de compétitivité sont cruciales et doivent être regardées systématiquement.

Un élément est très important pour le comité pour l'économie verte, qui travaille surtout sur les euros et le financement ; il peut exister des situations dans lesquelles la création d'une incitation en vient à détruire un système de financement existant. Par exemple, les réseaux électriques étaient financés par ceux qui consommaient de l'électricité, donc des kilowattheures ; or, dans le prix du kilowattheure pour les ménages, une bonne moitié finance le réseau. Il n'y a pas de raison que ce soit le cas, mais c'est bien pratique : le kilowattheure est plus facile à taxer. De même, l'assainissement est financé par l'eau potable, parce qu'il est beaucoup plus facile de faire payer les gens pour l'eau potable que pour l'assainissement. Ou encore, pour les déchets, il était plus commode de se caler sur les coûts fixes de fonctionnement des usines d'incinération qui ont été financées à une époque.

Donc, à chaque fois que des politiques d'incitation sont mises en place parce qu'il est souhaitable de modifier les comportements sur le long terme, on peut être amené transitoirement à modifier des modèles de financement préexistants, dans des conditions qui ne sont pas forcément établies. Pour nous, technocratiquement, la question est de savoir comment gérer ces basculements. Il est important de savoir que l'instrument fiscal existant servait en fait à financer des coûts fixes d'équipements qui n'avaient pas vraiment de rapport, mais si l'on ne traite pas correctement le sujet, ce modèle de financement va s'écraser. Cette articulation avec la fiscalité existante est essentielle si nous voulons continuer à introduire la fiscalité écologique.

Madame Sophie Rohfritsch, il est vrai que notre coeur de cible, au sein du Comité pour l'économie verte, n'est pas à proprement parler le public, mais plutôt les parties prenantes plus constituées.

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