Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 27 octobre 2015 à 21h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Dans un contexte budgétaire contraint, la stabilité du budget des outre-mer est une bonne nouvelle, puisque nous constatons une stabilité globale du budget de la mission « Outre-mer », qu'il s'agisse des crédits, des dépenses fiscales ou de l'effort financier total de l'État.

Plusieurs avancées sont concrétisées par ce budget, en particulier l'augmentation des crédits affectés à la formation professionnelle et aux contrats de plan État-région, le rétablissement de la contribution de l'État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française – combat extrêmement important de nos amis polynésiens –, le maintien des crédits alloués au service militaire adapté et la création d'un dispositif de continuité funéraire.

Au-delà de la mission « Outre-mer » stricto sensu, les mesures de réduction du coût du travail en outre-mer – CICE « outre-mer » au taux de 9 %, « équivalent CICE renforcé » pour les secteurs exposés et allégement national de cotisations familiales – offrent un panel de réductions de charges intéressant.

Des réserves existent néanmoins. Tout d'abord, à la différence des crédits de paiements, les autorisations d'engagement diminuent de 14 millions d'euros. C'est selon moi un mauvais signal pour le budget de la mission à moyen terme.

Par ailleurs, les exonérations de charges sociales subissent un coup de rabot. Pour compenser les augmentations de crédits du programme 123, il est prévu une réduction des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». Ce coup de rabot représente 75 millions d'euros sur les exonérations de charges patronales. Le Gouvernement réduit les exonérations sur les salaires les plus élevés, on peut le comprendre, mais ce choix fait courir des risques. Premièrement, cela peut conduire à ce que l'on néglige le besoin d'encadrement des entreprises, qui est fondamental. Deuxièmement, cela peut créer une trappe à bas salaires. Enfin, cela peut remettre en cause la dynamique des TPE et des PME qui, je le rappelle, représentent 51,5 % de la valeur ajoutée dans les outre-mer, contre 31,5 % en métropole.

Le Gouvernement aurait pu envisager une solution économiquement plus équilibrée à dépenses constantes. La proposition consisterait à conserver ces exonérations à leur niveau actuel dans les secteurs prioritaires, en compensant par le report de la montée en charge du CICE « outre-mer » de 7,5 % à 9 % pour les secteurs non prioritaires – les grandes surfaces commerciales par exemple n'ont pas besoin d'une augmentation du CICE à 9 %. Cela permettrait de renforcer et favoriser les secteurs prioritaires et surtout de conforter le développement endogène.

Notre collègue Ollier a soulevé une question essentielle : quel sera le devenir des dispositifs d'avantages fiscaux tels que la défiscalisation des investissements productifs et du logement ou le crédit d'impôt créé en 2015 en faveur des investissements productifs et du logement social ? Il faut le saluer, le PLF aménage favorablement l'extinction de certains de ces dispositifs fin 2017. Toutefois, il ne règle pas la question du devenir, après 2017, de ces dispositifs pourtant déterminants pour les entreprises d'outre-mer et la politique du logement social. Je présenterai donc un amendement à l'article 43 – non rattaché – du présent PLF pour repousser l'extinction de ces dispositifs à 2025.

C'est très important : je suis partisan du maintien de la ligne budgétaire unique telle quelle tout en ayant un dispositif de défiscalisation dont les ressources financières ne sont pas contraintes par les enjeux budgétaires de l'État – je veux parler du crédit d'impôt que vous voulez substituer progressivement à la défiscalisation.

Il est nécessaire de développer la logique de développement endogène, je ne cesse de le répéter, notamment dans les zones franches. Il faut en proroger le régime au-delà de 2017 et repenser leur fonctionnement pour les centrer sur filières économiques locales : c'est là un sujet dont on ne parle pas suffisamment, à l'instar de l'avenir de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). Nous sommes actuellement sur une logique de zones franches globales ; ne faudrait-il pas en revenir à une politique « zonale », autrement dit de zones franches parfaitement ciblées ? Cela semble une démarche logistique susceptible de relancer des filières économiques essentielles pour nos pays.

L'aide au fret pourrait être étendue aux échanges régionaux. Je regrette que nous soyons obligés d'utiliser l'aide au fret pour importer des intrants qui viennent de 8 000 kilomètres, et pas de la zone géographique indiquée.

Sur le logement, il existe une inquiétude liée à la baisse de 9 millions d'euros des crédits de paiement de l'action « Logement » du programme 123. Il est nécessaire de renforcer les incitations à construire, mais aussi à réhabiliter les logements en outre-mer. Aujourd'hui, le dispositif de réhabilitation fonctionne pour les logements sociaux HLM, mais pas dans le cadre des logements privés. Il serait important de le faire, d'autant plus que le plan logement outre-mer, annoncé par le Gouvernement, est une très bonne nouvelle. Pour ce qui concerne enfin l'habitat indigne, nous avons fait voter une loi très importante, qui a été récemment modifiée. Le PLF devrait en tenir compte et mettre les moyens nécessaires.

En dépit de ces réserves, le présent projet de budget de la mission « Outre-mer » pour 2016 est globalement satisfaisant. Je suis donc favorable à son adoption.

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