Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 27 octobre 2015 à 18h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Ne dénaturez pas tous les sujets dont vous vous emparez ! Il est normal que le ministère de l'intérieur, qui est le ministère des valeurs de la République, finance les diplômes universitaires de formation aux principes de la laïcité et de la République. Nous souhaitons que ces formations soient désormais obligatoires pour les aumôniers recrutés dans les administrations de l'État, quelle que soit leur religion, car nous estimons qu'ils doivent parler français et être formés aux principes et aux valeurs de la République. Comment peut-on transformer ce sujet, qui devrait faire consensus, en objet de polémique ? Depuis des années, dans toutes les universités – celle de Strasbourg, par exemple, où je me suis rendu –, vous verrez des étudiants qui n'ont rien à voir avec la religion et qui préparent ces diplômes.

On a déjà voulu polémiquer à propos d'avions qu'on nous a reproché d'avoir affrétés alors qu'ils sont utilisés par le ministère de l'intérieur depuis 2006 et qu'ils ont fait l'objet d'un contrat de location signé par l'un de mes illustres prédécesseurs, dont certains d'entre vous sont ici les porte-parole. Dans un contexte marqué par des débats dictés par l'agenda du Front national, je commence à être las de voir certains préempter tous les sujets pour asséner des contre-vérités, avec les résultats que l'on sait. Les rapporteurs peuvent venir vérifier sur pièce et sur place la véracité de ce que je dis. Cessons d'instrumentaliser ces questions de façon malsaine pour lancer des débats malsains qui ont des conséquences malsaines.

Monsieur Charroux, rassurez-vous, les crédits ne passent pas de 75 à 55 millions d'euros, mais de 75 000 et 55 000 euros et correspondent aux crédits de maintenance du répertoire national des associations. Cette baisse n'est pas de nature à remettre en cause le soutien que nous apportons aux associations. Je souhaitais dissiper votre inquiétude sincère en vous apportant cette précision et lever toute ambiguïté sur les objectifs que nous poursuivons.

Monsieur Molac, nous maintenons les crédits pour le financement des partis politiques, après plusieurs années consécutives de baisse. Je partage votre sentiment sur la nécessité de ne pas diminuer encore davantage les moyens des partis politiques qui concourent à l'expression démocratique et au suffrage.

Quant à la dématérialisation, je rejoins votre préoccupation sur laquelle, en réponse au rapporteur, j'ai proposé que nous avancions ensemble.

Monsieur Dussopt, la réforme territoriale vise notamment à renforcer l'échelon infradépartemental de proximité. Dans ce cadre, notre objectif est d'améliorer l'ingénierie territoriale par la mise en place d'équipes projetables auprès des intercommunalités afin de leur permettre de bénéficier d'un soutien plus efficace. Les nouvelles compétences des intercommunalités et des EPCI issues de la loi NOTRe vont accroître le rôle des intercommunalités : les préfets sont saisis de cette question, ils ont convoqué les commissions départementales de la coopération intercommunale auxquelles ils présentent leur pré-projet. La concertation commence : l'approbation des schémas départementaux de coopération intercommunale est fixée à la fin mars et le périmètre doit être établi dès cet été.

Pour les aspects plus techniques – l'eau et les risques aquatiques –, la loi NOTRe a repoussé les délais. Un travail approfondi a été conduit par Mme Lebranchu avec l'AMF ; les préfets sont mobilisés pour assurer l'appui des services de l'État. Plus globalement, l'objectif du ministère de l'intérieur dans le cadre du PPNG est de renforcer l'appui aux collectivités locales en termes d'ingénierie administrative. J'espère que vous serez rassuré quant à la volonté du Gouvernement d'atteindre cet objectif.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, le PPNG sera mis en oeuvre à compter de 2017 pour pouvoir prendre en compte l'ensemble des éléments d'aménagement du territoire. L'année 2016 sera mise à profit pour préparer la réforme et former les agents des préfectures concernées. Le plan prévoit une formation et une requalification qui permettront de renforcer les compétences des agents des services au bénéfice des usagers.

Madame Descamps-Crosnier, un dispositif centralisé a été mis en place auprès du secrétaire général dont le principal objectif est d'accompagner la mobilité fonctionnelle des agents afin d'éviter autant que possible la mobilité géographique. Compte tenu de la modularité de l'organisation territoriale de l'État que nous préconisons, les préfets font remonter des territoires des projets de programmes de formation qui s'appuient sur la concertation engagée avec les personnels pour faire du cousu main. Ces informations permettront d'affiner le dispositif global d'accompagnement prévu par le secrétaire général et sur lequel je lui ai demandé de travailler de façon approfondie. Je vous transmettrai dès la fin de la réunion une note précise sur les moyens mobilisés par l'État pour la mobilité fonctionnelle et géographique ainsi que pour la formation professionnelle.

Monsieur Valax, la centralisation en préfecture du contrôle de légalité lancée en 2009 s'est accompagnée d'une réduction très importante des effectifs chargés de ce contrôle, ces derniers passant de 1 173 à 866, soit une baisse de 26,2 %, entre 2009 et 2012. L'objectif de cette centralisation était de concentrer l'expertise juridique en préfecture et d'harmoniser les pratiques de contrôle à l'échelle départementale, en particulier dans les domaines prioritaires tels que la commande publique ou l'urbanisme, des sujets sur lesquels les risques juridiques sont considérables et les éléments de technicité incontestables. Les missions de contrôle sont désormais exercées au sein d'une direction chargée des relations avec les collectivités locales ; des pôles spécialisés sont mis en place compte tenu des priorités de contrôle établies par les préfets ; les agents de catégorie A et B dans les préfectures disposent, pour la plupart, d'une formation juridique. Cependant, un plan de formation, composé de deux volets, national et régional, doit permettre de développer les capacités d'expertise des agents concernés. Dans le cadre du PPNG, je souhaite renforcer considérablement le contrôle de légalité qui a été très affaibli alors même que la complexité juridique des sujets traités par les collectivités locales s'accroissait. Je souhaite donc augmenter l'accompagnement juridique des collectivités locales afin que les difficultés auxquelles nous avons été confrontées ne se perpétuent pas.

Monsieur Chrétien, le ministère de l'intérieur travaille sur la mise en place d'une identité électronique et numérique très sécurisée. La carte nationale d'identité électronique (CNIe) en est une modalité, mais son coût est élevé et doit être mis en regard du niveau de sécurité numérique qu'elle assure, d'autant que d'autres moyens permettent d'atteindre ce niveau. Je souhaite conjuguer sécurisation maximale et coûts maîtrisés. C'est la raison pour laquelle je concentre les moyens du ministère sur la carte d'identité sans puce électronique depuis l'annulation du projet de CNIe. Des mesures fortes pour protéger l'identité ont été mises en place ; la sécurisation des procédures, la transmission informatisée des dossiers des mairies vers les préfectures – le dispositif COMEDEC (Communication électronique des données de l'état civil) –, ainsi que le dispositif de lutte contre la fraude doivent permettre d'atteindre un niveau de sécurité maximal avec des coûts mieux maîtrisés. Je suis tout à fait disposé à rendre compte devant vos commissions de la mise en place de ces projets et des résultats que nous obtenons, au regard de la préoccupation très légitime que vous avez exprimée.

Mesdames Capdevielle et Untermaier, les maisons de l'État ne sont pas un substitut aux sous-préfectures, mais cette substitution n'est pas interdite si l'opportunité territoriale s'en présente. Des maisons de l'État sont implantées dans des territoires dans lesquels les sous-préfectures sont maintenues ; des maisons de sous-préfecture sont installées dans des maisons de l'État. Ce qui compte pour moi, c'est la modularité territoriale : l'adaptation de l'organisation de l'État aux spécificités des territoires, à leur évolution démographique et sociologique, ainsi qu'aux opportunités de coopération avec les collectivités, comme la création de maisons dans lesquelles les administrations des collectivités et de l'État cohabitent.

Pour répondre à M. Morel-A-L'Huissier, nous avons augmenté les budgets consacrés à la création de maisons de l'État. J'ai obtenu, en 2014, une disposition réglementaire et un abondement du budget qui ont permis de passer de treize maisons construites ou en cours de construction à trente-trois projets, dont un certain nombre sont en cours de réalisation. Grâce aux moyens budgétaires, on constate un très fort succès des maisons de l'État et une appropriation par les préfets et les élus, si bien que je suis souvent conduit à poser des premières pierres ou à inaugurer des maisons dans des départements ou villes où elles représentent une formidable opportunité de modernisation.

Bien entendu, l'État est désireux d'adapter sa présence à l'émergence des intercommunalités. Vous êtes bien placés pour savoir que certains vieux projets territoriaux peuvent ressortir à la faveur de l'émergence d'EPCI. Ceux qui préconisaient la création d'intercommunalités n'y sont parfois plus favorables dès lors que l'opportunité se présente de les réaliser. Cela fait partie des charmes de la vie politique française… Votre département est un très bon exemple de notre capacité à adapter l'organisation de l'État aux nouvelles intercommunalités. J'ai d'ailleurs prononcé un discours à Bayonne allant dans ce sens et précisant les moyens à notre disposition – maison de l'État, refonte de la carte des sous-préfectures, création des maisons de service public –, dans le cadre des schémas d'accessibilité au service public. Nous sommes donc dans la bonne direction.

Je reconnais la fibre maritime et rochelaise de M. Quentin dans sa question : s'agissant des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), le Premier ministre a décidé de maintenir l'organisation des directions départementales interministérielles (DDI) sous réserve des mutualisations en matière de cohésion sociale. Le conseil des ministres a pris un engagement très clair en ce sens le 31 juillet. Mme Royal a demandé aux services placés sous sa responsabilité d'examiner les missions et agents susceptibles d'être détachés des DREAL pour renforcer les DDTM et les DDT. La rationalisation de l'organisation de l'administration de l'État au plan régional ne remet pas en cause le maillage territorial existant pour des administrations spécifiques dont la présence sur des territoires présentant des particularités – territoires de montagne ou maritimes – leur est très nécessaire.

M. Popelin m'a posé beaucoup de questions, mais il a dû partir. Je propose de lui adresser par écrit une réponse précise.

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