Intervention de Guy le Bras

Réunion du 6 octobre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Guy le Bras, directeur général du Groupement des autorités responsables de transports, GART :

Je vous remercie d'avoir invité le GART devant votre commission d'enquête, et vous prie d'excuser M. Louis Nègre, pris dans une manifestation avec la ministre de l'Écologie, ainsi que Mme Corinne Casanova, qui devait le remplacer, mais qui est souffrante.

Avant d'entrer dans le détail des conséquences de la baisse des dotations sur le financement des transports, je voudrais rappeler comment se répartissent les grandes masses de ce dernier. En province, là où notre impact se fait le plus sentir, il représente huit milliards d'euros chaque année.

Le versement transport y contribue pour 43 % ; assis sur la masse salariale des employeurs publics et privés de plus de neuf salariés, il devrait être un sujet majeur du débat sur le projet de loi de finances pour 2016, dans lequel est prévue une hausse de ce seuil. Les collectivités locales contribuent quant à elles à hauteur de 29 %. À travers les recettes commerciales, les usagers financent 16 % de ces dépenses ; le ratio recettesdépenses de transport s'érode avec les années. Contrairement à ce qui se passe à l'étranger, l'équation de financement est donc déséquilibrée au profit des usagers. Le reste est financé à 10 % par l'emprunt et à 2 % par l'État qui, en vertu du Grenelle I, axe sa participation sur l'investissement, au travers des appels à projets de transports collectifs en sites propres (TCSP). Il devrait ainsi apporter 2,5 milliards d'euros aux transports urbains de province d'ici à 2020.

L'Île-de-France conserve une spécificité de financement, puisqu'elle dispose de ressources spéciales. Ce n'est pas le cas ailleurs, alors que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, confie la compétence du transport aux régions.

Selon les associations d'élus, la baisse des dotations de l'État devrait conduire à une baisse de 25 % des investissements. Malheureusement, dans le secteur des transports, les chiffres sont sans doute plus élevés. Selon l'Association des maires de France, non moins de 11 milliards d'euros d'investissement seraient abandonnés, consécutivement à une baisse de 87 %, à terme, de la capacité d'autofinancement des communes. Or le GART, qui a collecté tous les chiffres dans un rapport qui vous sera distribué, estime à 37 % la part de l'autofinancement dans les projets de transport public. Sur l'ensemble des projets de transport, la baisse de l'investissement consécutive s'élèverait donc à 32 %.

Aussi est-il impossible d'affirmer que la baisse des dotations n'aura aucun impact. Elle est désormais bien prise en compte, mais s'accompagne d'autres mauvaises nouvelles. Car le projet de loi de finances pour 2016 impactera également le versement transport, en relevant de neuf à onze le nombre de salariés à partir duquel le versement doit être payé. Selon nous, cela correspond à une perte de recettes de 500 millions d'euros ; selon Bercy, à une perte de 100 millions d'euros. Il est possible que la réalité se situe autour de 300 millions d'euros. Rappelons que le versement constitue plus de 40 % du financement des transports.

La semaine dernière, aux Rencontres nationales du transport public, le Premier ministre, M. Manuel Valls, a annoncé que cette baisse serait compensée par l'État à l'euro près. Les adhérents du GART sont quant à eux partisans d'un remboursement intégral.

Les transports publics ont par ailleurs connu deux hausses de la TVA, qui est passée, en 2011, de 5,5 % 7 %, puis, en 2014, de 7 % à 10 %. Je souligne que, dans la plupart des cas, ces hausses n'ont pas été répercutées sur les tarifs. Cela représente une nouvelle perte de 300 millions d'euros. Selon l'État, elle est compensée par la distribution du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), mais le CICE est perçu par les opérateurs de transport, alors que ce sont les autorités organisatrices qui supportent la TVA.

Des incertitudes pèsent également sur l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Elle n'a pu être refinancée que par une hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), mesure qui devrait être sanctuarisée selon le Premier ministre. De l'aveu même de votre collègue Philippe Duron, président de l'AFITF, il manquera cependant 400 millions d'euros pour réaliser son programme d'investissement. Car la loi prévoit que l'agence participe au financement des appels à projets et il est encore possible d'en envisager un ou deux. Après les dernières élections municipales, certains projets sont repris, tandis que de nouveaux projets voient le jour. L'AFITF doit donc continuer à jouer son rôle dans le financement des appels à projets.

Pour en arriver à votre question sur l'impact de la baisse des dotations, l'on observe des changements de projets, soit que le mode de transport finalement retenu change, soit que le projet soit purement et simplement abandonné. À Amiens, le projet de tramway a été retiré. À Niort et à Auxerre, le projet de bus à haut niveau de service (BHNS) est annulé. D'autres projets ont été revus à la baisse, comme le réseau de tramway de Caen, qui comptera moins de lignes ; à Aubagne, le projet de prolongement du tramway sera restructuré et remplacé par du tram-train ; à Nîmes, ce seront des BHNS qui seront mis en service au lieu d'une deuxième ligne de tramway en site propre. Des projets de transports collectifs en site propre (TCSP) ont ainsi été revus à la baisse, voire supprimés, à la suite de la baisse des dotations.

Celle-ci devrait avoir un impact plus important que dans d'autres secteurs, de sorte que notre évaluation de 32 % nous semble une bonne évaluation. Cela n'est pas sans poser de difficultés devant la hausse de la demande, la stagnation des tarifs – problème propre à notre pays – et la diminution des possibilités de financement.

Certes, d'autres possibilités existent. Ainsi, les fonds d'épargne sont ouverts aux projets de transport public, ce qui ouvre de nouvelles perspectives ; mais cela fait quelque temps déjà, si bien qu'il ne s'agit pas vraiment d'une possibilité nouvelle. Un financement par la Banque européenne d'investissement (BEI) est également possible ; en vertu d'un accord non écrit, les projets de TCSP financés par appels à projet y sont regardés d'un oeil bienveillant. En revanche, on aurait tort de compter sur le plan Juncker. À cause de l'effet de levier qui est recherché, seuls les projets nouveaux sont privilégiés, et non les projets qui existaient avant le plan. De ce point de vue, il ne faut donc rien en attendre.

La situation est donc problématique pour les transports publics et les collectivités territoriales, pour lesquels la baisse des dotations constitue une très mauvaise nouvelle.

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